Manuel Valls a tracé mercredi les grandes lignes d’une réforme du travail voulue avant l’été 2016, probable dernière grande réforme économique et sociale du quinquennat mais aussi chiffon rouge pour une partie de la gauche et des syndicats.
« Notre principe, c’est plus de souplesse mais pas moins de protection », a assuré le Premier ministre lors d’une conférence de presse à Matignon. Plus de place aux négociations d’entreprise, mais avec un « socle commun » préservant les règles fondamentales, telle que la durée légale du travail : Manuel Valls a repris l’essentiel du rapport remis à la mi-journée par le haut-fonctionnaire et expert du droit du travail Jean-Denis Combrexelle.
La réforme est justifiée car le code du travail est « devenu trop complexe, parfois même illisible ». Toutefois, un « socle commun » garantissant certains droits reste « nécessaire », a-t-il poursuivi. Sur ce sujet brûlant, François Hollande avait posé dès lundi quelques garde-fous, en assurant que les négociations sociales ne pourraient déroger à un socle de « garanties essentielles », comprenant « contrat de travail, durée légale de travail, salaire payé au minimum le Smic ». Un principe confirmé par le chef du gouvernement.
Manuel Valls a ainsi enterré mercredi une piste potentiellement explosive ouverte par le rapport Combrexelle sur un report du seuil de déclenchement des heures supplémentaires. « Il ne saurait être question de modifier par accord le seuil de déclenchement des heures supplémentaires », a-t-il tranché. Selon Matignon, une telle mesure serait à une « suppression indirecte de la durée légale du travail ».
Le Premier ministre a en revanche repris à son compte la principale préconisation de M. Combrexelle: « ouvrir de nouveaux champs » de négociation collective sur quatre « piliers » –conditions de travail, temps de travail, emploi et salaires. Un projet de loi, déjà promis par François Hollande, sera présenté en Conseil des ministres « fin 2015/début 2016 » et « discuté et voté par le Parlement avant l’été » prochain.
La nouvelle ministre du Travail Myriam El Khomri sera par ailleurs chargée de mener une « concertation approfondie » avec les organisations syndicales et patronales, avant la conférence sociale des 19 et 20 octobre. A un horizon plus lointain -quatre ans-, le Premier ministre a également repris une préconisation du rapport pour établir « une nouvelle architecture » du code du travail. Celle-ci ferait clairement la distinction, dans tous les domaines, entre un socle de « principes fondamentaux indérogeables », les dérogations pouvant être faites par des accords collectifs et le droit applicable en l’absence d’accord.
Autre nouveauté confirmée par Manuel Valls, les entreprises devront désormais passer des accords « majoritaires » avec les syndicats, signés par des organisations représentant au moins 50% des voix, contre 30% actuellement. La réforme nécessitera en parallèle un vaste chantier de refonte des branches professionnelles, Manuel Valls annonçant des « mesures radicales » pour en réduire progressivement le nombre, qui culmine à plus de 700 actuellement.
Si le Medef a déjà salué les intentions du gouvernement sur le sujet, les syndicats sont eux divisés. La CFDT n’est « pas hostile » au renforcement de la négociation (collective), à condition qu’il « offre une protection plus effective » aux salariés. Une ligne similaire est observée côté CFTC ou CFE-CGC.
Pour la CGT en revanche, le code du travail est « le socle minimal de garanties collectives ». Les négociations dans les entreprises « doivent améliorer ces garanties, pas les fouler au pied ! », a critiqué la première centrale syndicale dans un communiqué. Quant à Force Ouvrière, il est favorable à un accord dérogeant à la loi seulement s’il sert à « améliorer » ou à « organiser » les règles supérieures.
AFP / S.A.