Saïd continue de tout nier en bloc et de promettre de produire des documents pour le disculper. Le tribunal et le parquet ont durci le ton et musclé leur interrogatoire.
Ce n’est pas vrai!», «Ce n’est pas vrai!», répète Saïd dont l’audition a repris hier matin pour la troisième journée consécutive. En l’absence de preuves matérielles, c’est la parole du prévenu contre celle de sa victime présumée. Et le prévenu s’accroche à sa version des faits : il est la victime dans cette affaire et Jiaoli ainsi qu’une quinzaine de témoins mentent.
La jeune femme aurait, selon lui, manipulé tout le monde pour ne pas devoir payer des surplus de travaux qu’il a réalisés dans un immeuble lui appartenant. Lui en premier lieu, alors qu’il est soupçonné d’avoir escroqué son ancienne petite amie.
Les questions pleuvent sur Saïd, la présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg fulmine. Le prévenu ne semble pas comprendre ses remarques, notamment sur l’autorisation d’établissement de son entreprise ou ses rapports avec les banquiers, et promet toujours de produire de nouveaux documents «importants» pour prouver sa bonne foi.
La ronde dans laquelle le prévenu a entraîné le tribunal depuis trois jours, reprend. Saïd a commencé les travaux de rénovation avant que la banque n’accorde le crédit à Jiaoli. Il explique que c’était une décision de couple. «Elle était maligne, elle savait très bien ce qu’elle faisait», s’échine le prévenu qui s’agace doucement, perd son français et sa superbe. Il accuse Jiaoli des infractions qui lui sont reprochées et nie en bloc les arguments avancés par Me Fatholahzadeh, l’avocat de la jeune femme.
«C’était un accord entre nous»
«Pourquoi n’existe-t-il pas de contrat pour les travaux réalisés sur le deuxième bâtiment alors qu’il existe un contrat en bonne et due forme pour les travaux sur le premier bâtiment ?», interroge l’avocat des parties civiles. «C’était un accord entre nous», répète le prévenu. «Pourquoi avoir tout fait dans les règles pour le premier contrat et plus après?», le relance la présidente de la chambre criminelle.
«Elle a voulu cela pour ne pas assumer ses responsabilités», recommence Saïd. «Si vous aviez fait un contrat et qu’elle n’avait pas eu l’intention de payer, vous auriez pu l’assigner en justice», lui apprend la magistrate. «Dès le départ, son plan était de ne pas payer les 537 000 euros pour les travaux», répond le prévenu.
L’ambiance est de plus en plus électrique. Saïd assure «ne pas savoir qu’elle allait faire cela». Le ton montre d’un cran quand il est question de rappels de factures envoyés quand Jiaoli était en Chine. «Vous n’avez jamais séparé vos affaires de votre vie privée. Vous n’avez jamais fait aucun papier et soudainement, alors que Jiaoli n’est plus là, vous lui envoyez des rappels de factures», s’étonne la juge.
Se pose alors la question de savoir si le prévenu avait informé la jeune femme que des travaux supplémentaires étaient à prévoir. Travaux qui, confirme le procureur, n’étaient plus autorisés depuis la démission de l’entrepreneur, partenaire en affaire de Saïd. Ce dernier dit ne pas avoir été au courant de cette démission. «Jiaoli a dû prendre les courriers de la boîte aux lettres de la société », rétorque Saïd. «Cela faisait partie de sa machination», ironise la présidente.
Tout comme les affirmations de la victime présumée sur les violences physiques et psychologiques qu’il lui aurait fait subir. «Ce ne sont que des mensonges pour ne pas prendre ses responsabilités», s’entête le prévenu. «Ce n’est pas vrai!» Son épouse, non plus, il ne l’aurait pas giflée à deux reprises alors qu’il avait reconnu «des gifles pas très fortes» lors de son interrogatoire par le juge d’instruction.
Saïd argumente un problème de traduction. La présidente lâche l’affaire et passe au 5 mai 2019 à leur retour de Chine, mais les réponses du témoin sont invariables. Rien n’est vrai. Les coups et blessures sur la maman de Jiaoli non plus. Elle se serait montrée très agressive envers lui.
«Ça, je le crois!», intervient la magistrate. «Savez-vous pourquoi cette dame ne vous aime pas?» Le prévenu ne répond pas à la question, mais prétend que Jiaoli lui aurait conseillé «de ne pas s’approcher d’elle parce qu’elle est nerveuse».
Le procureur en rajoute une couche en lui demandant quelle était la nature de sa relation avec une jeune femme avec laquelle il a échangé des messages dans lesquels il lui disait qu’elle lui manquait et qu’il aurait voulu l’épouser.
Suite des débats le 31 mai.