À l’occasion de la journée internationale de la Visibilité lesbienne, les Pink Ladies évoquent les discriminations auxquelles les femmes queer peuvent être confrontées, notamment au moment de fonder une famille.
Elles sont une petite centaine et se font appeler les «Pink Ladies» : lancé de manière informelle il y a une douzaine d’années au sein de l’association Rosa Lëtzebuerg, avec des rencontres une fois par mois, ce groupe de femmes queer, lesbiennes et bisexuelles se veut avant tout un espace convivial et spontané.
«On souhaite simplement se retrouver entre femmes, organiser des activités, sans forcément parler de revendications politiques», explique Enrica Pianaro, membre et coordinatrice depuis 2018.
Cependant, la journée internationale de la Visibilité lesbienne, célébrée ce 26 avril, est l’occasion d’aborder des sujets plus politiques, comme la lesbophobie ou le défi juridique que représente la parentalité.
30% des personnes LGBTIQ+ gênées dans la rue au Luxembourg
Sociologue de formation, la jeune femme aimerait explorer davantage la présence lesbienne au Luxembourg mais se heurte à un problème de taille : «On n’a aucune donnée. Cela rend les choses beaucoup plus difficiles, notamment pour mesurer le sentiment d’inclusion ou d’exclusion de ces femmes», déplore-t-elle.
«Certaines se sentent à l’aise de se tenir la main dans la rue, d’autres non, c’est très subjectif», ajoute la chercheuse, indiquant qu’une étude internationale montre que 30 % des personnes LGBTIQ+ au Luxembourg ressentent une gêne à l’idée d’afficher leur orientation sexuelle en public.
«Oui, il existe un sentiment d’insécurité : certaines se font harceler au travail, à travers des remarques, des moqueries, des allusions sexuelles, dues aux préjugés qui persistent dans la société. Les mentalités évoluent lentement», note Enrica Pianaro. «Si notre expression de genre est différente de la norme féminine, ça peut poser problème.»
Invisibilisation à tous les étages
Une réalité qui ne concerne pas que le Luxembourg : «Les lesbiennes sont globalement beaucoup moins visibles. Ne serait-ce qu’en politique, par rapport aux hommes gays. En fait, elles n’échappent pas aux inégalités femmes-hommes, qui sévissent tout autant dans le milieu gay et lesbien que partout ailleurs», souligne-t-elle.
Une invisibilisation à tous les étages, des luttes féministes, aux tables rondes où le mot «lesbienne» semble encore être tabou, jusque dans les campagnes de sensibilisation aux violences par exemple, «alors que l’orientation sexuelle a une incidence». Pas de doute, au croisement de la sexualité et du genre, ce sont les femmes non hétérosexuelles qui souffrent le plus, selon la sociologue.
Pour la reconnaissance automatique du coparent
Et la discrimination peut surgir d’une manière violente au moment où ces femmes souhaitent fonder une famille. «Nous sommes confrontées à des différences de traitement dans les textes de loi. Ainsi, la maman qui n’a pas porté l’enfant n’est pas reconnue automatiquement au Luxembourg, alors que c’est le cas en Belgique par exemple.»
Le deuxième parent – aussi appelé coparent – est donc contraint d’entamer une procédure d’adoption, accompagné d’un avocat, s’il veut obtenir des droits sur son enfant. «Une discrimination par rapport aux couples hétérosexuels. Nous, on n’a pas la possibilité de faire famille autrement», pointe la Pink lady, alors qu’une réforme du droit de la filiation est attendue depuis 2013.
Si le gouvernement en a fait un engagement dans son accord de coalition, il reste très flou sur la reconnaissance automatique du coparent : «Le projet de loi mentionne un « acte de parentalité« mais difficile de savoir ce qu’il recouvre exactement. D’ailleurs, la Commission consultative des droits de l’homme le souligne dans son avis.»
Actuellement, la loi autorise la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires, et une partie est prise en charge par la CNS. Mais la reconnaissance du coparent manque, avec le risque de créer des situations inextricables :
«Que fera-t-on si un couple de femmes divorce et que la mère biologique réclame la garde exclusive de l’enfant? Quels seront les droits de l’autre maman?». Des questions qui deviennent de plus en plus urgentes à régler et sur lesquelles les autorités semblent rechigner à se prononcer.
Un atelier d’écriture pour «laisser une trace»
Dans le sillage du projet «Lesbian voices» en 2020, les Pink Ladies invitent les lesbiennes, les femmes bisexuelles et queer à une soirée d’écriture créative, ce soir à Luxembourg. «C’est en laissant une trace que nous existons et que nous existerons pour les générations à venir. Si nous n’écrivons pas nos/notre histoire(s), qui le fera ?», interroge le groupe.
L’artiste et écrivaine luxembourgeoise Lara Well animera l’atelier, dès 19 h, dans les locaux du LGBTIQ+ Cigale, 16 rue Notre-Dame. Évènement gratuit et transinclusif, français/anglais. Inscriptions par courriel à hello@cigale.lu