L’international luxembourgeois Tim Hall a joué une saison au FC Lviv. Aujourd’hui, ses liens dans ce pays ravagé par la guerre sont encore forts. Et il s’inquiète énormément pour ses coéquipiers de sélection, avec qui les échanges n’ont pas été rassurants.
Le défenseur central de l’Ethnikos Achna suit ça à distance, depuis Chypre, mais pas tant que ça. Encore en lien avec énormément d’Ukrainiens, il vit ce drame intensément et intimement.
Comment vivez-vous cette offensive russe, vous qui avez passé un an au FC Lviv en compagnie de Marvin Martins ?
Tim Hall : Ça me touche. Plus que si cela survenait dans un pays où je n’ai jamais mis les pieds. J’y ai passé un an et de bons moments. C’est choquant et si fulgurant, on ne s’y attendait pas.
Durant la période que vous avez passée là-bas, l’occupation du Donbass n’avait jamais été un sujet avec vos coéquipiers ukrainiens? Vous ne pressentiez pas le caractère explosif de la situation ?
C’était il y a deux ans. On voyageait sans problème dans la majeure partie du territoire. À Kiev, à Marioupol… des endroits qu’on voit aujourd’hui sous les bombes. Tout ça à cause d’une personne qui a un fort potentiel de nuisance. En tout cas, moi, il y a deux ans, les gens ne me parlaient pas de ce conflit ou de cette occupation. Ah si, les langues ukrainienne et russe étant légèrement différentes sur certains points, tu étais parfois regardé de travers si tu disais merci à la russe, « spasiba ». On sentait bien que les gens n’étaient pas trop fans. Les coéquipiers m’ont averti : « non, il ne faut pas dire ce mot ici ». Mais quand on partait jouer à l’Est, tout allait bien.
D’anciens coéquipiers à moi veulent prendre les armes
Avez-vous encore beaucoup de contacts ?
J’échange encore régulièrement avec une dizaine de personnes, des potes qui jouent là-bas, mon ancien coach, mon ancien directeur sportif… Ces 48 dernières heures, je leur ai écrit pour leur dire « courage » et leur demander s’ils comptaient rester. Certains m’ont répondu qu’ils voulaient partir, mais que c’est loin d’être évident. D’autres qu’ils comptent prendre les armes et défendre leur pays. C’est surréaliste. J’ai reçu une vidéo jeudi, prise d’une terrasse. Je vois des endroits que je connais et ça explose de tous les côtés. Tu te dis « ce n’est pas vrai, ce n’est pas réel ».
Aujourd’hui, d’après ce que vous savez de la situation, êtes-vous très inquiet pour vos coéquipiers de la sélection ?
Ah oui, je m’inquiète beaucoup pour mes copains. J’ai eu Enes jeudi au téléphone. Il était dans un taxi à destination de la frontière polonaise, qui devait s’arrêter à 12 kilomètres de la frontière. Le reste, il fallait le faire à pied. Il paraît qu’il y avait une file de 6 000 personnes. Il m’a envoyé la photo, vous verriez ça… Il y a passé la nuit!
Et les frères Thill ?
(Il souffle) Pfff, j’ai eu Oli quelques jours avant tout ça. Il me disait qu’ils étaient à l’entraînement et que les hélicoptères tournaient au-dessus de leurs têtes. Je lui ai dit « arrête Oli, pars, c’est le moment, rentre avec ta famille ! Ce n’est plus de la rigolade, là ! ». Il les a mis dans un avion, mais lui est resté. J’espère que tout ira bien.