« On y va et on ne va plus s’arrêter »: l’usine Stellantis de Trémery (Moselle), numéro un mondial de la production de moteurs diesel, accélère son passage à l’électrique, avec plus de moteurs, moins de pollution et… moins de salariés.
Cette transition est hautement symbolique pour la majorité d’Emmanuel Macron, qui affiche la réindustrialisation de la France comme une de ses priorités, à quelques semaines de l’élection présidentielle, mais les retombées en matière d’emplois sont à nuancer.
À Trémery, une trentaine d’ouvriers travaillaient ainsi un après-midi de février sur la première petite ligne de moteurs électriques. « Ça fait avant-gardiste. On nous demande tout de suite ce qu’on en pense, comment ça se passe, comment ça se monte », souffle Cédric Metz, des bouchons dans les oreilles contre le vacarme mécanique. L’opérateur a travaillé pendant 20 ans sur les moteurs essence et diesel avant de passer à l’électrique.
L’usine de Trémery, ouverte en 1979 par Citroën sur 89 hectares près de Metz, avait établi son record en 2017 avec près de deux millions de moteurs produits, dont 80 % de diesel. Mais l’étoile de cette motorisation a pâli avec le scandale du dieselgate et le spectre d’une interdiction européenne des moteurs thermiques en 2035.
Des centaines de milliers de moteurs
Alors Trémery et ses 2 500 salariés, passés sous la bannière de Stellantis après la fusion de PSA avec Fiat-Chrysler, ont été convertis aux moteurs essence et de plus en plus vite à l’électrique. La première ligne de montage électrique a remplacé en 2019 un des trois ateliers diesel. Le moteur produit équipe désormais les Peugeot 208, Opel Corsa, DS3 ou Citroën C4 électriques.
Guidés par un ruban magnétique, des chariots traversent la ligne, distribuant les pièces de poste en poste à une trentaine d’ouvriers. Des robots prennent la main sur certains postes et contrôlent le travail final. « On est partis dans l’électrique, on y va et on ne va plus s’arrêter », lance le responsable de la ligne, Stanislas Kohout, qui vient aussi du diesel. « On a la fierté d’être les premiers. »
À quelques mètres de là, une deuxième ligne tout aussi compacte est en cours de démarrage : si la première avait été conçue pour produire 120 000 moteurs par an, puis dopée à 180 000, la deuxième en promet 300 000.
Un manque de composants électroniques
Dans un bâtiment voisin, Stellantis et son partenaire japonais Nidec montent une ligne qui fabriquera des rotors et des stators, éléments essentiels du moteur électrique qui sont pour le moment largement importés d’Asie. « La seule chose qui nous limite est le manque de composants électroniques, il y en a partout sur un moteur électrique », souligne le directeur de l’usine Marc Bauden.
Les tâches n’ont pas beaucoup changé, mais « il y a moins de pièces à assembler », souligne Stanislas Kohout. « C’est beaucoup plus automatisé, mais on crée de nouveaux métiers », explique-t-il. « Les îlots robotisés demandent un certain savoir-faire. »
« Je ne pense pas que ce soit inquiétant, parce qu’il y a de la demande », souligne Yosra Idir, 39 ans, une des rares femmes de la ligne, qui serre des boulons sur un moteur. « À un moment donné, il faudra ouvrir des lignes pour pouvoir suivre la demande des clients (…) On va tous finir à l’électrique ».
«Occasion de relocaliser»
L’électrification de l’industrie automobile pourrait pourtant causer la suppression de 52 000 postes en France, notamment chez certains sous-traitants, selon une projection à 2030 du cabinet AlixPartners. À Trémery, avec l’automatisation et les délocalisations, le nombre de salariés a déjà été divisé par deux en vingt ans.
À l’inverse, une vingtaine de milliers d’emplois pourraient être créés dans des nouveaux métiers, autour des bornes de recharge par exemple. La reconversion d’usines comme Trémery ainsi que les trois usines de batteries électriques qui doivent ouvrir dans le nord de la France, célébrées par le gouvernement, ne vont pas tout compenser.
« Il y a beaucoup à faire autour de la croissance de l’électrique », c’est « une occasion de relocaliser », souligne l’économiste Bernard Jullien, de l’université de Bordeaux. Mais avec des moteurs qui demandent beaucoup moins de main-d’œuvre, « il va falloir se partager la rareté ».
Trémery, ce n’est pas uniquement des moteurs pour voitures ?
Une bien grande sottise car le diesel encore de beaux jours devant lui, ne serait-ce que le transport routier.