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Nouveau virage pour le LuxFilmFest


C’est sous les regards de John Wayne, Marlene Dietrich et autres légendes du cinéma que le LuxFilmFest a dévoilé son programme. (Photo : Julien Garroy)

Pour sa 12e édition, le LuxFilmFest, qui se tiendra du 3 au 13 mars dans la capitale, veut assumer le cinéma excentrique, décalé et actuel. Ce qui donne une sélection délicieusement indéfinissable et férocement cinéphile.

Le LuxFilmFest a fait hier son retour à la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg pour y dévoiler son programme, avant la manifestation qui se tiendra du 3 au 13 mars. Une relocalisation symbolique, alors que le festival était habituellement accueilli, pour sa grand-messe préliminaire, dans le tout confort d’une grande salle du Kinepolis Kirchberg.

Revenir à la Cinémathèque, c’est s’éloigner – littéralement – du cinéma actuel et «mainstream» des multiplexes pour être charmé à nouveau par une magie séculaire, sous les regards de John Wayne, Marlene Dietrich, Erich Von Stroheim, Humphrey Bogart et autres légendes du cinéma dont les portraits décorent la salle de projection et le reste du lieu.

Dans un tel antre, le LuxFilmFest se devait d’assumer ses origines – Discovery Zone, son ancien nom, suggérait à juste titre un festival «ovni» – et de célébrer, donc, le cinéma comme (re)découverte perpétuelle de films, d’auteurs et de thématiques qui traversent des générations d’artistes et tous les genres et techniques. Dont acte.

Un festival indéfinissable et très cinéphile

«L’évènement culturel le plus médiatisé du pays», dixit son président, Georges Santer, s’engage alors à prendre un virage devant lequel il a souvent été hésitant par le passé : celui du cinéma de genre, expérimental, atypique, étrange. Si le LuxFilmFest a toujours défendu un cinéma pointu et décalé, il veut aujourd’hui en faire un fer de lance, avec notamment l’institution du label «Outside the box», donné à des films inclassables.

La démarche n’est pas sans rappeler la nouvelle ligne éditoriale adoptée par le festival de Locarno depuis la nomination, en novembre 2020, du critique et auteur Giona A. Nazzaro. Et s’il y a bien un festival de cinéma avec lequel le LuxFilmFest tient la comparaison, c’est ce dernier. Ainsi, le LuxFilmFest invite l’atypique afin d’être plus que jamais un festival indéfinissable et, forcément, très cinéphile.

Près de 70 longs métrages composent ainsi un programme pour lequel le LuxFilmFest a reçu et visionné pas moins de 768 films. Avec des «courants» qui se démarquent, précise Duncan Roberts, du comité de sélection : «On a vu tellement de bons films réalisés par et sur des femmes», dit-il, ajoutant que c’est «la première fois au LuxFilmFest que les réalisatrices dominent la compétition officielle».

Les femmes en force

En effet, celles-ci – la Russe Natalya Kudryashova, la Portugaise Susana Nobre, la Mexicaine Tatiana Huezo, la Polonaise Aga Woszczynska et la Chilienne Francisca Alegria – ont réalisé cinq des huit films qui concourront pour les différents prix décernés en fin de festival.

Quant à la compétition documentaire, si elle est factuellement équilibrée, l’un des films, le déjà passionnant Dreaming Walls, qui raconte le Chelsea Hotel, haut lieu de la contreculture new-yorkaise, est réalisé par deux femmes, portant ainsi leur nombre à quatre, pour trois hommes.

Bien que le festival ne démarre que dans quelques semaines, on imagine déjà qu’un dur travail de délibération attend Elia Suleiman, réalisateur israélo-palestinien de The Time That Remains (2009) et It Must Be Heaven (2019), et les membres de son prestigieux jury : la réalisatrice américaine Ana Lily Amirpour, le compositeur luxembourgeois André Dziezuk, la directrice de la photographie française Jeanne Lapoirie, la comédienne canadienne Suzanne Clément et les acteurs argentin Nahuel Pérez Biscayart et français Niels Schneider.

Une master class de Terry Gilliam

En attendant de découvrir la compétition, il convient de noter que le virage emprunté par cette édition du LuxFilmFest, dont Georges Santer souligne qu’elle «invente déjà le festival de demain», se retrouve dans les sélections annexes et les avant-premières.

Pour preuve, les films d’ouverture – justement titré Official Competition, satire de l’industrie du cinéma avec Penélope Cruz et Antonio Banderas –, de remise de prix – After Yang, drame d’anticipation avec Colin Farrell, acclamé partout où il est passé – et de clôture – Incroyable mais vrai, la nouvelle fantaisie de Quentin Dupieux –, et une master class, rattrapage de l’édition précédente, par un maître absolu du cinéma excentrique, l’Américain Terry Gilliam.

Côté «Made in/with Luxembourg» aussi, le LuxFilmFest régale : en plus des onze films qui composent la sélection, pas moins de six épisodes de la toute nouvelle saison de la série évènement Capitani – dont la diffusion sur RTL commencera le 22 février – seront projetés. Après son triomphe au dernier Filmpräis, il faut bien reconnaître qu’elle a tout autant sa place dans une salle de cinéma qu’à la télévision ou sur une plateforme.

Des choses belles et bizarres

D’autres films produits ou coproduits au Grand-Duché s’apprêtent eux aussi à créer l’évènement. C’est le cas de deux drames qui explorent à leur manière la Shoah et ses survivants : The Forger, de Maggie Peren, et Le Chemin du bonheur, de Nicolas Steil. Autrement intrigants, le film de Noël Beanie, de Slobodan Maksimovic, le documentaire sur la finance Crise et chuchotements, ou encore le drame dystopique Sharaf, du Germano-Égyptien Samir Nasr, sont autant d’œuvres qui peuvent créer la surprise.

Le programme est copieux et regorge de choses belles et bizarres allant du nouveau film de l’enfant terrible néerlandais Alex van Wamerdam au prochain Pixar, Turning Red, pour lequel le LuxFilmFest dit s’être battu, face à un Disney qui a décidé de ne distribuer le film que via sa plateforme de streaming.

Et pour compléter le plaisir de découvrir du cinéma, finie la version hybride qui avait fait le bonheur des festivaliers l’an passé. «On est passé du point d’interrogation en 2021 au point d’exclamation cette année : les films seront exclusivement en salles!», s’est réjoui hier Claude Bertemes, directeur de la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg.

Retour à la normale

Pour l’évènement qui a été «la première victime culturelle du pays» avec le début de la pandémie en mars 2020, rappelle Georges Santer, puis qui fut «la première manifestation à se faire en présentiel, malgré une version hybride et sans invités (…), nous espérons que cette troisième édition de l’ère covid sera la plus proche de ce qu’on a connu avant».

Ce n’est pas pour rien que les mots «enthousiasme» et «retour à la normale» ont fusé à tout va durant cette présentation de programme. Et que la pandémie s’invite aussi dans la sélection documentaire avec le seul Luxembourgeois de la compétition, Fabrizio Maltese, qui présentera son journal intime Lost Flowers, récit de son retour en Italie à la suite de la crise cardiaque de son père, en mars 2020, quand la péninsule était l’épicentre européen du coronavirus. Car le cinéma, c’est aussi la conjuration par l’image et le son…

LuxFilmFest, du 3 au 13 mars. www.luxfilmfest.lu

Les films en compétition

COMPÉTITION OFFICIELLE

Atlantide, de Yuri Ancarani (Italie / France / États-Unis)

Gerda, de Natalya Kudryashova (Russie)

Hit the Road, de Panah Panahi (Iran)

Jack’s Ride, de Susana Nobre (Portugal)

Prayers for the Stolen, de Tatiana Huezo (Mexique / Allemagne / Brésil / Argentine / Suisse / États-Unis)

Reflection, de Valentyn Vasyanovych (Ukraine)

Silent Land, d’Aga Woszczynska (Pologne / Italie / République tchèque)

The Cow Who Sang a Song Into the Future, de Francisca Alegria (Chili / France / États-Unis / Allemagne)

COMPÉTITION DOCUMENTAIRE

1970, de Tomasz Wolski (Pologne)

Ascension, de Jessica Kingdon (États-Unis)

Cow, d’Andrea Arnold (Royaume-Uni)

Dreaming Walls, d’Amélie van Elmbt et Maya Duverdier (Belgique / France / Pays-Bas / Suède)

Lost Flowers, de Fabrizio Maltese (Luxembourg)

What Will Summer Bring, d’Ignacio Ceroi (Argentine)