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Henri Salvador electro et autres pépites chez les labels fureteurs


Henri Salvador version synthés, cocktail techno-musiques orientales ou disciple marocain de James Brown tiré de l’oubli : des labels chercheurs d’or font le bonheur des festivals défricheurs et des oreilles curieuses.

Au moment des bilans de 2021, hors des sentiers battus, s’impose la compilation Homme studio du label francilien Born Bad Records, d’ordinaire associé au rock garage. On y découvre un Henri Salvador méconnu. Dans les années 1970, l’artiste jongle avec boîtes à rythmes et collages de voix en sorcier des consoles de mixages installées dans son repaire de la place Vendôme, à Paris.

«C’est fantastique, j’ai à ma disposition autant de musiciens que je veux et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit», relate-t-il à l’époque, cité dans les notes du disque.

En écoutant Sex Man, pastiche psychédélique de Batman, Kissinger, Le Duc Tho, parlé-chanté sur trame politique ou On l’a dans l’baba et ses boucles rythmiques, on est bien loin du crooner-amuseur de Zorro est arrivé. «On n’a pas fini de redécouvrir Henri Salvador», disait la chanteuse Imany, qui a repris cette année un titre ignoré du musicien, Les Voleurs d’eau, texte sur le pillage des richesses naturelles, dans son nouvel album, Voodoo Cello.

«Touche-à-tout irrépressible»

Born Bad Records exhume des trésors du passé – le quatrième volet de Wizzz!, compilation de perles de pop psychédélique française des années 1960-1970 est paru en mars dernier – mais promeut aussi les laborantins fous d’aujourd’hui, comme La Femme. Sans oublier des projets hors norme comme Star Feminine Band, adolescentes béninoises chantant l’émancipation, remarquées aux Trans Musicales de Rennes.

Ce mélange des genres est une philosophie et aussi, parfois, une bouée de sauvetage. «On a un joli catalogue, avec cet éclectisme, ce touche-à-tout irrépressible, et on se rend compte que ne pas dépendre pas d’un seul style musical, ça peut aider à survivre», explique Marc Hollander, fondateur de Crammed Discs, autre label dénicheur, basé à Bruxelles.

Le nom de son bébé peut se traduire par «Disques entassés» mais a une histoire plus drôle. «Je suis d’abord musicien, et pour un album de mon groupe (NDLR : Aksak Maboul, toujours en activité), ça faisait mieux de mettre un nom de label. J’ai pensé à mon prénom à l’envers (Cram), je ne pensais pas en faire un vrai label, sinon je n’aurais pas opté pour un choix aussi mégalo (il rit)

Crammed Discs existe depuis 40 ans et, à l’image de son créateur, aime «picorer dans tous les styles». Parmi ses poulains, Ikoqwe, duo d’Angola, entre hip-hop et musique traditionnelle, échappé d’une soucoupe volante. Aux Trans Musicales ils se sont produits début décembre, comme d’habitude, avec leurs visages recouverts de bandages surmontés d’antennes.

Funk égyptien, reggae libyen

Acid Arab, autre spécimen de l’écurie Crammed Discs, illustre aussi l’esprit maison. C’est un beau club de rencontres entre techno et musiques orientales. Le monde est petit : un des cerveaux du groupe, Guido Cesarsky – aussi appelé Guido Minisky –, a collecté les raretés d’Henri Salvador pour la compilation Homme Studio.

Enfin, à propos de musiques orientales, il y a les trouvailles épatantes de Habibi Funk. Ce label de Berlin fait briller des bijoux oubliés du monde arabe des années 1970-1980, du funk égyptien au reggae libyen. Le second volume de la compilation An Eclectic Selection from the Arab World a été diffusé cette année. On découvre Douaa, chanteuse marocaine qui, avec Haditouni, reprend la chanson Parlez-moi de lui, chantée par Dalida puis, plus tard, par Françoise Hardy ou encore Cher.

On recroise aussi le Marocain Fadoul, imprégné par James Brown et voix totémique du label. Jannis Stürtz, patron d’Habibi Funk, tombé sur un de ses disques à Casablanca, a mis trois ans à retrouver la famille de ce musicien décédé dans les années 1990, comme il l’explique dans un livret. «Sa famille n’aurait jamais pensé que sa musique attire l’attention en dehors du Maroc et ne l’avait plus écouté depuis 30 ans, faute de platine à la maison.»

Ne pas dépendre pas d’un seul style musical, ça peut aider à survivre