Le stade de Luxembourg fait un bruit faramineux. Et ça, ça va aider les hommes de Luc Holtz ces prochaines années.
Avant, le football luxembourgeois jouait sans le son. Aujourd’hui, il rivalise avec le reste du continent. Parce que les Luxembourgeois savent chanter et qu’ils avaient juste besoin d’un toit au-dessus de la tête pour s’en rendre compte. Dimanche soir, un simple sonomètre téléchargé gratuitement sur un téléphone portable nous a renseignés sur l’énormité de ce qu’il vient de se passer, grâce à 9 268 spectateurs réunis ensemble au même moment et pour la première fois au stade de Luxembourg : au moment où Danel Sinani a inscrit son but finalement annulé, c’est tout un stade qui a explosé en même temps pour atteindre 113 décibels.
Comme ça, ça ne veut pas dire grand-chose. Recontextualisé non plus : selon certaines tables des échelles de bruit, c’est plus qu’un concert rock, une soirée en discothèque, une piste d’aéroport ou… comme se retrouver à un mètre d’un marteau-piqueur en marche. Le seuil de douleur est à 120 décibels. Comparé à l’époque où le stade Josy-Barthel faisait à peu de chose près autant de bruit qu’un chaton enroué en train de ronronner, c’est saisissant. On est loin, forcément, du record du monde en la matière, qui appartient aux Turcs du Besiktas, qui ont eux déjà atteint 141 décibels, mais l’organisation mondiale de la Santé a fixé le seuil de risque à 85 décibels et l’on est rarement descendu en dessous, contre l’Irlande, comme il est possible de le constater sur ce tableau ci-contre des événements les plus bruyants de la soirée.
J’ai presque envie de dire aux organisateurs, la prochaine fois, s’il vous plaît, baissez un peu la musique qu’on puisse entendre encore plus les gens chanter
En tribunes, c’est un grand émotif et un amoureux passionné de l’Ons Heemecht qui a vécu sa soirée les tripes nouées par l’ambiance. Dirk Carlson, suspendu, a halluciné : «J’en ai eu la chair de poule et vous connaissez mon rapport à notre hymne. Je sais que si j’avais été sur le terrain, j’en aurais pleuré. J’ai presque envie de dire aux organisateurs, la prochaine fois, s’il vous plaît, baissez un peu la musique qu’on puisse entendre encore plus les gens chanter. Moi qui suis fan de l’hymne italien et de la façon dont il est chanté, là, j’ai adoré! Dire que j’ai raté ça… J’essaye de me calmer en me disant qu’on va le revivre souvent à partir de maintenant.»
Paul Philipp, lui, ne pouvait pas se laisser envahir par les sentiments, puisqu’il était assis à côté du Grand-Duc qui était lui-même… «sidéré» par le bruit. Et qui s’est laissé emporter par l’instant : «Il avait bien révisé : il connaissait tous les joueurs et leurs clubs. Et je crois qu’il a été le premier à sauter sur le but de Danel Sinani. Il s’est vraiment retrouvé comme un vrai supporter et m’a dit qu’il reviendrait vite.» Plus vite que la dernière fois? De mémoire de président de la FLF, il fallait remonter à 2008 pour retrouver trace d’une visite de son Altesse.
Mais si désormais même le premier des citoyens du pays veut avoir son rond de serviette à Kockelscheuer, il est évident que l’ambiance autant que les performances de l’équipe y sont pour quelque chose. «C’est un stade du tonnerre», confirme Paul Philipp. Ceux qu’il a croisés à sa sortie du stade et toute la journée de lundi pensent pareil : «Personne n’en est revenu.» Au point que si les Roud Léiwen parviennent à faire perdurer un tel niveau de jeu, la question de sa capacité va vite devenir un débat. Si 2022 est dans la même veine, il faudra bien se demander si la Ville n’a pas sous-estimé la capacité de son nouveau bijou. «Si ça continue comme ça, oui, sourit Philipp, on risque vite de se demander si on n’aurait pas dû y rajouter 2 000 ou 3 000 places de plus. J’espère qu’on se la posera bientôt, ce sera bon signe.» En attendant, la rareté des places créera le manque et les présents viendront y esquinter leurs oreilles. Parce que les buts de Sinani ou autres ne seront pas tous annulés et les 113 décibels, dignes de quelques très grands stades européens, appartiendront peut-être bientôt au passé.
Julien Mollereau