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Le vivre-ensemble, ça se construit, plaide l’ASTI Luxembourg


L’ASTI a présenté mardi une «offensive» pour le vivre-ensemble. (photo Fabrizio Pizzolante)

Avec l’impact que le Covid a pu avoir sur les relations sociales, l’ASTI alerte sur la nécessité d’agir en faveur du vivre-ensemble et a présenté ses propositions pour construire « une communauté de destin ».

« Une communauté de destin se construit au jour le jour, mais aussi par des politiques concrètes et un cadre législatif adapté », ont insisté mardi es représentants de l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI), au cours d’une conférence de presse destinée à souligner la nécessité, sinon l’urgence, de mettre en place une « offensive » en faveur du vivre-ensemble, alors que la diversité va croissant au Luxembourg et que la crise du Covid a pu avoir un impact négatif sur les relations sociales.

Face à ces défis, il ne faut pas attendre que « le temps se charge de rapprocher et de mélanger Luxembourgeois et étrangers ». L’ASTI appelle donc à agir à plusieurs niveaux.

Sur le plan constitutionnel

La réforme de la Constitution, un texte vieux de 150 ans, n’est pas à prendre à la légère et chaque mot compte. Aussi, l’ASTI, à l’instar de la Commission de Venise (l’organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles), alerte-t-elle sur le danger que deux dispositions dans cette révision peuvent représenter et qui n’ont toujours pas été amendées à ce jour.

Tout d’abord, à l’article 4, la formule : « La langue du Grand-Duché de Luxembourg est le luxembourgeois » (en français dans le texte !). Une phrase qui pourrait mettre en péril le vivre-ensemble et la démocratie, s’insurge Sergio Ferreira, le porte-parole de l’ASTI : « Ce choix est en totale incohérence avec la réalité linguistique quotidienne de notre société. On est un pays multiculturel. »

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De surcroît, souligne l’ASBL : « L’ancrage constitutionnel d’une langue est assez rare dans les constitutions modernes. Par exemple, la Constitution allemande ne fait aucune référence à la langue allemande. » Pour l’ASTI, mieux vaut donc garder la formulation actuelle : « La loi réglera l’emploi des langues en matière administrative et judiciaire. »

L’autre disposition jugée « préoccupante » concerne le principe d’égalité. En effet, la nouvelle formule « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi » suggère une différence hiérarchique entre Luxembourgeois et non-Luxembourgeois, et peut donc amener à des discriminations, alerte Sergio Ferreira.

« C’est malsain et cela peut poser de graves problèmes à l’avenir. Nous ne sommes pas à l’abri qu’un mouvement d’extrême droite puisse un jour arriver au pouvoir. Avoir une telle disposition dans la Constitution lui permettrait immédiatement de créer des distinctions d’un point de vue opérationnel. Il faut envisager tous les cas de figure quand on rédige une Constitution et c’est là un danger que nous pressentons et qu’il vaut mieux éviter. »

Pour l’ASTI, cette formule, de toute façon contraire au droit international, doit être remplacée par : « Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. »

Sur le plan législatif

L’ASTI réclame par ailleurs « rapidement » une nouvelle loi sur l’accueil et l’intégration des étrangers. En effet, si l’association « se réjouit » de la réforme de la loi électorale communale (qui facilite la participation des étrangers aux élections et référendums locaux), elle espère que cette loi sera rapidement approuvée et que des campagnes de sensibilisation seront bientôt mises en place en vue des prochaines élections communales, en juin 2023.

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Le vote des étrangers au niveau législatif n’est toutefois pas encore d’actualité (et n’est d’ailleurs pas prévu dans cette révision constitutionnelle). « La position de l’ASTI à ce sujet est claire », précise Sergio Ferreira : « Nous sommes en faveur du droit de vote des étrangers, mais cela n’a pas lieu d’être pour l’instant, car il faut respecter le référendum de 2015. » Les Luxembourgeois avaient alors massivement voté contre l’octroi du droit de vote aux législatives aux résidents étrangers.

Sur le terrain

L’ASTI appelle à davantage de moyens financiers pour permettre « le rapprochement au marché du travail des migrants et des réfugiés et le développement des compétences langagières », des mesures d’intégration indispensables.

Elle souligne à cet égard la nécessité de financer des projets de coaching linguistique, de relancer le Parcours d’intégration accompagnée et de financer des projets qui viseraient des secteurs en manque de main-d’œuvre.

Sur le plan administratif

Les personnes sans titre de séjour ont été les premières victimes de l’impact économique et social de la pandémie. Entre la perte des revenus du fait de la cessation des activités et les fermetures des frontières, ces personnes n’ont pu bénéficier d’aucune aide étatique, ni retourner dans leur pays et il a « fallu batailler », rappelle Sergio Ferreira, pour leur permettre d’accéder aux tests Covid, puis à la vaccination.

Pour l’ASBL, il faut donc non seulement créer une couverture sanitaire universelle (comme en France ou au Portugal), mais aussi procéder à une régularisation extraordinaire ainsi qu’à la mise en place de mécanismes de régularisation.

« Il s’agit de fixer des critères (x années de travail, x années de résidence, etc.) et régulariser les personnes qui les remplissent. On peut aussi s’inspirer des Allemands qui ont créé une autorisation de séjour temporaire pour recherche de travail », explique Sergio Ferreira.

« La loi actuelle est très stricte. La réformer ne va pas créer un appel d’air, mais permettre de donner un statut à des personnes qui sont déjà là depuis 5, 10 ou même 15 ans. »

Tatiana Salvan