Les nouvelles règles qui régissent l’ouverture des terrasses depuis vendredi s’appliquent aussi aux bars à vin des domaines mosellans. Dommage pour ceux qui vont en souffrir, parce qu’elles avaient permis de relancer les ventes d’une année qui démarrait bien timidement.
La réouverture des terrasses depuis trois semaines a fait beaucoup de bien à la clientèle, qui a pu retrouver le plaisir de trinquer sous le soleil (quand il est là), mais aussi aux vignerons, qui peuvent enfin remettre l’accueil et l’hospitalité au cœur de leurs journées. «En semaine, nous avons un peu de passage mais il y a beaucoup de monde le week-end», se réjouit Jean-Marc Schlink (domaine viticole Schlink, à Machtum), dont la Waïstuff (bar à vin) située le long de la route du vin, entre Machtum et Grevenmacher est toujours très fréquentée. «Ce week-end, il va faire beau et je suis déjà sûr que nous afficherons complet presque tout le temps.»
Le directeur de Vinsmoselle, Patrick Berg, avance le même constat. «Évidemment, puisque seules les terrasses de nos Escales de Remerschen et Wormeldange sont ouvertes, nous sommes tributaires de la météo, souligne-t-il. Quand il fait moche, il n’y a personne mais dès que le ciel est clément, les clients arrivent !»
Être un peu moins dépendant du temps qu’il fait, voilà la raison pour laquelle Jean-Marc Schlink a installé une tente devant la Wäistuff. «Chez nous, le soleil part vers 14h30/15h et quand il n’est plus là, ça se refroidit beaucoup, explique-t-il. La tente permet d’apporter un peu de confort supplémentaire.»
Le souci, ce sont ces nouvelles règles discutées à la Chambre des députés qui amènent une nouvelle définition de ce qu’est une terrasse. Trois côtés ouverts, c’est restrictif mais aussi assez imprécis. À quelle distance peut se tenir le mur le plus proche ? Peut-on garder un toit au-dessus de la tête ? Une haie est-elle considérée comme un mur ? «Ces nouvelles limites semblent un peu bizarres, mais la loi, c’est la loi…», glisse Jean-Marc Schlink, fataliste. Au moins, s’il doit démonter la tente, cela ne lui coûtera rien puisqu’il l’a empruntée à un copain. C’est déjà ça.
La vente à emporter, 60% du CA
Plus au Sud, Henri Ruppert (domaine Ruppert, à Schengen) a la chance de posséder une magnifique terrasse à flanc de coteau sur le Markusberg. Le lieu est vraiment idyllique, mais vu l’emplacement, forcément, quand le vent se lève on est vite au courant ! «Je peux continuer à mettre les tables au bord de la piscine mais plus près de la cave, là où on est à l’abri, ce ne sera plus possible, souffle-t-il. Si le temps ne joue pas en ma faveur, honnêtement, ça ne servira à rien d’ouvrir… Installer des chauffages à l’extérieur, au beau milieu des courants d’air, ça ne servirait à rien du tout.»
Le vigneron n’élève pas la voix, mais on sent bien qu’il en a gros sur la patate quand même parce qu’il faut dire que cette réouverture du 7 avril a fait beaucoup de bien à ceux qui ont pu en profiter. «Économiquement, nos terrasses sont très différentes de celles des cafés, explique-t-il. Chez moi, environ 60% du chiffre d’affaires de la Wäistuff provient de la vente des vins que les clients achètent en partant, pas des verres qu’ils boivent quand ils sont là. Le ticket moyen est donc assez élevé. Finalement, dans les Wäistuff, la consommation est secondaire. Je n’aurais aucun intérêt à ouvrir pour ne servir que des verres.»
Ce constat est très largement partagé chez les vignerons. Traditionnellement, le premier trimestre est celui où ils vendent le moins de vins mais, en ce début d’année, les cartons ont vraiment du mal à sortir des caves. Commercialement, les producteurs sont donc souvent dans le dur et ce retour des terrasses a permis de relancer la machine. Jean-Marc Schlink confirme : «Les week-ends, nous avons très bien vendu !»
Ça aurait été plus simple que ces questions soient réglées dès le début
Cette nouvelle période d’incertitude tombe donc mal, surtout que nombreux sont les producteurs qui estiment qu’elle aurait pu être évitée. «Ça aurait été plus simple que ces questions soient réglées dès le début, estime Frank Keyser (domaine Keyser-Kohll by Kohll-Reuland, à Ehnen). Je plains tout ceux qui ont investi dans du matériel ou des travaux et qui doivent aujourd’hui tout démonter ou tout détruire…»
Lui avait prévu d’ouvrir sa terrasse le 1er mai, mais l’opération semble bien compromise. Sur les hauteurs d’Ehnen, elle offre une vue admirable sur le village mais elle est fermée sur trois côtés… «Franchement, je pense que si l’on appliquait les mêmes règles que l’an dernier, notamment en respectant bien les distances, cela ne poserait pas tant de problèmes sanitaires. Finalement, on a l’impression que la situation globale est en train de s’arranger, mais les restrictions sont plus contraignantes qu’en 2020.» Plutôt que le 1er mai, peut-être que sa Wäistuff n’ouvrira que quinze jours plus tard… si les conditions permettent d’appliquer les évolutions législatives prévues actuellement.
«En ce moment, il convient de ne pas se projeter, prévient Patrick Berg. Gérer le court terme, voire le très court terme, est déjà suffisamment compliqué… Mais tant que les terrasses peuvent rester ouvertes, je serai positif !»
De notre collaborateur, Erwan Nonet