La majorité des hôtels ont bien du mal à travailler depuis le début de la pandémie, à part quelques exceptions. Témoignages à Vianden, Pétange et à Luxembourg-Dommeldange.
Clientèle d’affaires rare ou inexistante, clientèle de loisirs dépendante des restrictions dans les pays frontaliers, service de restauration dans les chambres : la plupart des hôtels du pays souffrent, mais certains se sont réinventés et s’en sortent relativement bien. À l’instar de l’Hostellerie du Grünewald.
Dans la cité touristique de Vianden (nord), l’hôtel Victor-Hugo, 27 chambres, n’a connu que des annulations depuis la 2e fermeture des restaurants et cafés, après avoir bien travaillé durant l’été dernier notamment. «Les gens annulent déjà leurs réservations pour l’Ascension, et le mois de mai en général», indiquait sa propriétaire Christiane Petry, en fin de semaine dernière. Pour le week-end de Pâques, un quart de l’hôtel était occupé, alors qu’il est normalement complet à cette période. Les étrangers ne peuvent pas voyager et les Luxembourgeois y sont les seuls clients. «Ils viennent avec leurs bons pendant ces vacances (de Pâques); environ 1 500 bons y ont été utilisés depuis le début de la pandémie», selon la propriétaire, qui reste toutefois optimiste pour le futur proche.
«Actuellement, il fait encore trop froid pour les terrasses, mais quand le temps s’améliorera, peut-être que cela ira mieux. En fin de semaine dernière, le taux d’occupation était de 3%, soit deux chambres occupées sur 27. La situation est très compliquée… Nous attendons que le temps s’améliore et que des pays tels que la Belgique ouvrent (NDLR : pour rappel, les voyages non essentiels sont autorisés depuis lundi par le gouvernement belge, mais les voyageurs feront l’objet d’«un suivi très strict à leur retour»). Les gens n’attendent que ça, de pouvoir voyager», estimait ainsi Christiane Petry en fin de semaine dernière.
Galère similaire à Pétange
Du côté de Pétange et de l’hôtel Threeland, 60 chambres, son administrateur Marco Pütz tient un discours comparable : «Actuellement, la situation n’est pas facile. Au sein de notre hôtel, nous avons tout de même la chance de pouvoir travailler avec beaucoup de monteurs et ingénieurs qui œuvrent dans le bassin minier et qui logent chez nous durant la semaine, mais uniquement du lundi au jeudi : le taux d’occupation durant ces quatre jours de la semaine la semaine, est de 50 à 60%. Cela dit, le week-end, nous n’avons personne ou presque : le taux d’occupation y est de 5 à 10%. Sinon, nous n’avons aucune nouvelle clientèle. En fait, ce qui nous manque énormément, ce sont les représentants de sociétés qui allaient démarcher les commerçants luxembourgeois.» En ce qui concerne les touristes belges et français, Marco Pütz estime que leurs possibilités de voyager est à considérer comme «un imbroglio. Je crois que personne ne connaît la situation exacte ici, à la frontière des trois pays, concernant les règles, les quarantaines au retour dans son pays, etc. Les gens nous appellent, car ils ne savent pas ce qu’ils peuvent faire». Cela dit, Marco Pütz dit rester optimiste, car une extension de l’hôtel est en cours de réalisation, depuis deux ans, afin de porter sa capacité à une centaine de chambres, un investissement fait notamment en vue d’Esch 2022. Cette extension devrait être achevée fin 2021, voire en début 2022.
De manière générale, depuis le début de la pandémie, le dirigeant du Threeland de Pétange explique : «On travaille, mais pas de gaieté de cœur. C’est un peu au jour le jour, avec notre personnel qui se pose des questions. Ce n’est pas évident. Je pense que les hôteliers ne tiendront pas le coup si les restrictions actuelles durent encore six mois. Ce qui aiderait beaucoup, c’est que nos clients n’aient pas à manger dans leurs chambres, mais qu’ils puissent être servis dans la structure, mais uniquement les clients de l’hôtel», précise Marco Pütz. Après avoir été sceptique sur le sujet, ce dernier a vu une certaine clientèle luxembourgeoise utiliser ses bons pour une valeur de 15 000 et 18 0000 euros, jusqu’à présent. «Il s’agit d’une aide inespérée mais bienvenue. Cela étant, pour le week-end de Pâques, on a dû fermer complètement pendant trois jours. C’était la 2e fois au cours de notre histoire riche de 29 ans d’existence, après Noël, et tout le personnel a été mis en congé», souligne encore l’administrateur de l’hôtel Threeland.
Exemple d’un hôtel qui s’est adapté
Face à ces témoignages, il ne faut cependant pas généraliser, car certains hôtels travaillent mieux que d’autres. À l’image de l’Hostellerie du Grünewald, située à Luxembourg-Dommeldange, établissement qui indique avoir limité la casse, en s’adaptant et en se réinventant. «En novembre, nous avons été fermés pour la 2e fois, mais avons tout de suite réagi grâce à l’offre eat & sleep, car nous avons la chance d’avoir un restaurant. Cela nous a permis de continuer en attirant toujours une clientèle de loisirs et on s’en est pas mal sorti. Après, il faut oser et un peu se réinventer. Nous comptons quelque 1 000 nuitées juste en eat & sleep, depuis fin novembre, ce qui est relativement énorme. Et cela sans compter les autres clients qui ont mangé dans des chambres aménagées pour cela, avec un service comme au restaurant. En temps normal, nous avons une clientèle business que nous avons perdue ces derniers mois. Mais grâce à notre offre et aux bons de l’État (NDLR : plus de 1 000 bons y ont été utilisés), nous avons réussi à attirer une clientèle de loisirs et une nouvelle clientèle. En effet, nous sommes beaucoup plus passés par des canaux de communication, comme les réseaux sociaux. Nous avons par exemple eu une clientèle locale qui ne venait pas forcément avant. Nous sommes un hôtel indépendant, qui se différencie donc des grandes chaînes, ce qui nous donne la possibilité de baisser les tarifs jusqu’à un certain point, où les grands hôtels et chaînes ne peuvent pas aller. Normalement ce sont eux qui font les prix, et nous on doit s’aligner», souligne Aline Bourscheid, associée-gérante de l’Hostellerie du Grünewald.
De plus, celle-ci souligne que la clientèle cherche plutôt un petit hôtel familial, en temps de pandémie, pour des raisons de sécurité sanitaire. «En conclusion, le taux d’occupation est relativement bon mais, d’un autre côté, les prix n’ont jamais été si bas que maintenant, et cela pourrait poser problème dans un deuxième temps, car les clients ne vont pas comprendre que les prix explosent, lorsque les hôtels pourront reprendre normalement.» Et concernant la fréquentation à Pâques? «Nous avons moins eu de clients que l’on pensait, mais l’hôtel n’était pas vide; les locaux sont restés à la maison, tandis que les touristes des trois frontières ne pouvaient pas venir. Mais l’hôtel a bien marché la semaine après le week-end de Pâques (NDLR : la semaine dernière) : nous avions, tous les jours, de 10 à 11 chambres eat & sleep», explique finalement Aline Bourscheid.
Claude Damiani
Horesca : «Une situation pas très brillante»
Le secrétaire général de l’Horesca, François Koepp, tire pour sa part un bilan peu reluisant concernant l’hôtellerie : «Il faut distinguer les hôtels de tourisme et de loisirs et ceux d’affaires. Il faut aussi faire la part des choses entre hôtels qui ont pu profiter des bons de 50 euros durant la dernière saison, l’année dernière, car pendant ces mois-là, ils ont bien travaillé. Certes, les bons ont été prolongés cette année, mais de nombreux vacanciers étrangers sont presque mis sous tutelle avec l’interdiction de voyager (voire depuis lundi avec un suivi à leur retour pour les Belges). Surtout les Belges, qui visitent beaucoup le nord du pays et la clientèle allemande, qui vient davantage à Luxembourg.»
«La situation globale pour cette année n’est donc pas très brillante. Pour l’ensemble du pays, le taux d’occupation est de 19,2% en moyenne, soit moins 47% par rapport à l’année précédente, et il est encore nettement inférieur par rapport à 2019. Pour le revenu d’une chambre, c’est 18,2 euros en moyenne. Il y a ainsi deux facteurs : la baisse du taux d’occupation et le prix de revient qui baisse également. En considérant conjointement ces deux facteurs, on constate que les recettes réalisées atteignent, en moyenne, au maximum 15% de celles de 2019. Et dans la capitale, c’est pire. La Ville souffre le plus, car il n’y pas de tourisme d’affaires. Et puis, il y a la restriction de devoir manger dans les chambres… L’hôtellerie reste en hibernation, car 70% des clients sont des clients d’affaires. De plus, beaucoup d’hôtels ont décidé de ne pas ouvrir, car la clientèle belge manque et qu’elle constitue 80% de leurs clients.»