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Il y a plus vénal que l’UEFA !

Le New York Times a officialisé le week-end dernier une nouvelle qui pendait au nez du football européen depuis des années : l’annonce de la création d’une Superligue, club fermé pour super-riches qui ne peuvent plus tenir leur super-train de vie sans super-rentrées financières.

La voilà enfin venue, la sécession des grands clubs du continent, soucieux de développer leur propre modèle économique indépendant de l’UEFA et de son apparence de respectabilité, à savoir un concept «américain» qui conçoit le sport comme un business et ose le dire tout haut. Le coronavirus, qui prive les grands clubs de revenus dans des proportions gigantesques, dangereuses, fragilisant l’élite du football continental, a sans doute accéléré le phénomène. Le Covid restera une excuse dont le Real, le Barça, les Manchester, les Milan, la Juve… se seront servi de manière opportune.

Depuis 48 heures, la levée de boucliers est monumentale. Tout ce que le ballon rond compte de romantiques refoulés a le cœur déchiré: on est en train de leur tuer leur football par un acte symbolique de séparatisme d’une violence rare. Comme si le football ne devait se concevoir que dans une certaine unicité. Comme si la séparation n’avait pas déjà eu lieu.

L’Europe est-elle aveugle au point de se leurrer sur le fait que le ballon rond a tout fait, depuis des décennies, pour en arriver là ? Après tout, la seule évolution des compétitions européennes, cette course au toujours plus, cette élimination douce et gentille (souvent monnayée d’ailleurs) des «petits» de l’horizon des «grands», ces rattrapages systématiques des «grands» au détriment de la logique sportive, cette lente désagrégation du «lien», comme si les uns n’avaient rien à faire avec les autres, n’existait pas. Comme si le Luxembourg voyait souvent débarquer de grands clubs sans que cela découle d’un exploit monumental… En 2018 et 2019, il a fallu au F91 éliminer cinq clubs pour se payer une phase de groupes de l’Europa League. L’été prochain, trois clubs du pays seront reversés dans la nouvelle Conference League, une sorte de Coupe d’Europe des pauvres, tenus gentiment à l’écart du grand monde.

L’UEFA avait rodé sa com’: c’est pour avoir la chance d’aller loin. Effectivement, quand le monde d’en haut reste en haut et le monde d’en bas reste dans l’entre-soi, il y a moyen d’aller loin. Pareil avec la Nations League. L’UEFA avait déjà tué le rêve et voilà qu’elle reproche aux grands clubs de l’enterrer…

Julien Mollereau