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Bouclée pour ses habitants mais ouverte aux étrangers, le paradoxe Madrid


Voir des touristes étrangers attablés sur leurs terrasses exaspère les Espagnols. (illustration AFP)

Destination de prédilection en plein Covid avec ses bars ouverts et son couvre-feu à 23h, Madrid s’est convertie en refuge pour les touristes européens, tandis que ses habitants ont interdiction de quitter la région. Une différence de traitement qui exaspère les Espagnols.

« On a quitté la France pour venir à Madrid et c’est surréaliste de boire une bière en terrasse, quand je pense qu’on est confinés à Paris … c’est magique ! », explique, tout sourire, Mathieu, étudiant de 22 ans arrivé deux heures plus tôt à l’aéroport de Madrid. Venu avec trois amis, il lève son verre au milieu de tables, toutes prises d’assaut en ce début de soirée printanière.

Depuis la fin de la première vague et le déconfinement en juin 2020, la région de Madrid a maintenu ses portes ouvertes aux étrangers et l’arrivée des beaux jours attire chaque jour des essaims de touristes débarquant pour ses musées, bars, restaurants ou théâtres ouverts.

Ailleurs en Espagne, les Allemands sont attendus ces jours-ci en masse à Majorque, une de leurs destinations favorites. A contrario, les déplacements ont été interdits entre les régions espagnoles, sauf vers les Îles Canaries, jusqu’au 9 avril pour éviter un rebond des contaminations à l’occasion de la Semaine Sainte, véritable institution dans le pays.

Les Espagnols, dont les 6,6 millions d’habitants de la région de Madrid, ne peuvent donc pas sortir de leur région pour aller voir leurs proches.

« La pandémie, elle est pour tout le monde »

En pleine campagne pour les élections régionales du 4 mai, l’une des candidates, Monica Garcia (gauche radicale), a dénoncé, agacée, « le tourisme d’ivresse » et attaqué la communication des autorités régionales de droite, les plus permissives d’Espagne, qui disent, selon elle : ici à Madrid, on est Covid-Free ».

« On demande aux Madrilènes d’être responsables, on ne peut pas aller voir notre famille mais dans les appartements d’à côté se tiennent des fêtes illégales », a-t-elle ajouté. Car ces soirées organisées dans des appartements touristiques, loués sur des plateformes type Airbnb et où se rendent parfois plusieurs dizaines de personnes sans respect des gestes barrières, sont celles qui attirent tous les regards.

Le maire de droite de Madrid, José Luis Martinez-Almeida, a beau défendre ces étrangers venus non pour « boire » mais « pour nos théâtres, nos cinémas, notre opéra, profiter de la culture », les Madrilènes vivent très mal cette situation. « La pandémie, elle est pour tout le monde. Et si on doit rester à la maison, alors tout le monde doit rester à la maison », fustige José Rodriguez, photographe de 28 ans, qui regrette de ne pouvoir aller voir sa famille en Andalousie. « C’est une décision très étrange et très difficile à comprendre », renchérit un autre Madrilène de 65 ans, Feliz Domingo.

Rappel à l’ordre de Bruxelles

Même la Commission européenne a relevé cette contradiction, son porte-parole Christian Wigand réclamant lundi plus de « cohérence » aux États membres. Mais dans un pays très dépendant du tourisme, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, questionné au Parlement, a assuré mercredi que sa politique était « cohérente avec les recommandations » de Bruxelles.

Dans les rues de Madrid, il semble que les Européens se sont donné le mot pour venir se ressourcer quelques jours, avec un seul sésame : le test PCR. Parmi eux, Allemands, Portugais, Italiens, et Français, souvent montrés du doigt, au point que l’ambassade de France s’est vue forcée de réagir jeudi par la voix de son chargé des Affaires, Gautier Lekens, qui a demandé à ne pas « stigmatiser » les Français et à ne pas « exagérer un phénomène qui n’existe pas ».

Loin de ces polémiques, Mélanie, une étudiante française de 24 ans de passage, pense déjà revenir dans la capitale espagnole : « Les gens pensent qu’on ne peut pas voyager, alors qu’au final, on peut. Je crois qu’on va faire beaucoup de week-ends, parce qu’on va en avoir besoin ». « C’est une vie qui nous a manqué. La vie d’avant », résume-t-elle, radieuse.

LQ/AFP