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A Laguiole, le plus célèbre couteau français veut protéger son savoir-faire


Les fabricants français veulent enfin protéger leur savoir-faire par rapport aux contrefaçons chinoises. Mais entre l'Aubrac et Thiers, l'humeur n'est pas toujours à la coopération (photo : AFP).

« On y croit dur comme fer »: le couteau de Laguiole, fabriqué au coeur de la France et connu dans le monde entier mais très souvent imité, se bat pour décrocher une Indication géographique, précieux label d’Etat qui le protègerait davantage des copies venues de Chine et du Pakistan.

Dans ce village de l’Aveyron (centre-sud) aux solides maisons de pierre situé sur l’Aubrac,haut plateau verdoyant fouetté par les vents, l’heure est à la mobilisation.

Le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de Laguiole, qui ne bénéficie jusqu’à présent d’aucune protection juridique, a déposé une demande d’Indication géographique (IG, pour les produits manufacturés) auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Une enquête publique est en cours jusqu’au 29 mars. L’Institut aura ensuite deux mois pour se prononcer. « On est en train d’écrire une nouvelle page de l’histoire du couteau. C’est formidable », se réjouit Vincent Alazard, le maire de cette commune d’un peu plus de 1.200 habitants.

« Aujourd’hui, le consommateur veut identifier la provenance des produits, on essaie de répondre à ses besoins », indique à l’AFP Honoré Durand, le président du syndicat qui regroupe sept couteliers de Laguiole et ses environs représentant 15 millions d’euros de chiffre d’affaires et 230 emplois.

« Contrefaçon »

« Le gros problème, ce sont les quantités très importantes – et qu’on n’est même pas capable de chiffrer d’ailleurs – de couteaux fabriqués en Chine, au Pakistan et qui sont marqués ‘Laguiole’ « . Ces copies fabriquées à bas coûts inondent les marchés et fragilisent les producteurs locaux qui misent sur la qualité.

« La contrefaçon, on ne l’empêchera pas mais au moins on mettra quelque chose d’identitaire » avec le logo de l’IG gravé sur la lame et « quand quelqu’un achètera un couteau, il saura s’il vient de Laguiole », renchérit Christian Valat, dirigeant de la coutellerie Laguiole en Aubrac.

A la Forge de Laguiole, la plus importante coutellerie du village, des dizaines d’artisans produisent plus de 100 000 couteaux par an, dont 60% sont vendues à l’étranger, notamment en Allemagne et de plus en plus aux Etats-Unis.

Baptiste Boit vient de sortir d’un four à 1.000 degrés une barre d’acier à la couleur rouge orangée avant de l’écraser sous une presse de 400 tonnes. « Il faut que nos couteaux viennent de chez nous, ça nous permet de garder notre savoir-faire », dit-il.

Un peu plus loin, Clarinda Pestana détaille comment elle « monte le couteau de A à Z »: « J’ai commencé par la croix, je blanchis les platines, je mets le manche. On vérifie si la lame claque. Une fois qu’il fonctionne, on met des rivets et je dégrossis le couteau ».

La production des fameux couteaux pliants et siglés d’une abeille constitue la seule activité manufacturière du village. Ce savoir-faire se perpétue depuis 1827 dans le Nord-Aveyron, même si une grande partie de la production est également assurée depuis plus d’un siècle, 200 km plus au Nord en Auvergne, à Thiers, capitale française de la coutellerie.

Deuxième demande d’IG

Et justement, une deuxième demande d’IG « couteau de Laguiole », englobant Thiers et Laguiole, va être déposée en avril par l’association CLAA (Couteau Laguiole Aubrac Auvergne) qui rassemble en grande partie des couteliers de la région de Thiers.

« Nous sommes légitimes à fabriquer le Laguiole », assure le président de l’association, Aubry Verdier, septième génération de coutelier.

Il met en avant le « terroir de fabrication, c’est-à-dire l’endroit où le savoir-faire existe. Thiers ne veut pas être exclu de sa propre clientèle. Sans IG commune, cela va créer une concurrence déloyale énorme et il y a quand même plus de salariés qui travaillent le Laguiole à Thiers qu’à Laguiole ».

Cette initiative est bien sûr diversement appréciée en Aubrac. « Une indication géographique, c’est la géographie, donc c’est Laguiole et ses environs, cela ne peut pas être la France entière », soutient Honoré Durand.

L’indication géographique pour Laguiole, « on y croit dur comme fer, on a de très fortes chances de réussite », lance l’Aveyronnais. « C’est un droit de propriété industrielle, c’est très fort. Si quelqu’un copie (le logo de) l’IG Couteau de Laguiole, c’est du pénal. Ca ne rigole plus. C’est l’Etat français qui défend son label ».

AFP