Irrité par le manque de prévisibilité gouvernemental, Alain Hoffstetter, du café Free Time de Belvaux, invite les autorités à lui donner une date claire et précise quant à sa potentielle réouverture.
À Belvaux, comme ailleurs dans le pays, des cafetiers s’arrachent les cheveux et ne savent pas de quoi leur avenir sera fait. Pour Alain Hoffstetter, la vie de tous les jours a pris un goût amer voire nauséabond, depuis le premier confinement. « Nous vivons extrêmement mal cette situation, parce qu’on a investi énormément d’argent, de temps et d’énergie dans notre commerce… et du jour au lendemain, on nous impose de le fermer !», s’indigne l’associé du bar très couru de Belvaux, situé à quelques encablures d’Esch-sur-Alzette. En effet, pour lui, comme pour beaucoup d’autres, le premier confinement de mars 2020 a été synonyme de réorganisation totale «de notre structure et de notre travail. Quand le premier confinement a été acté, on aurait pu se dire : nous attendons sagement les soi-disant aides étatiques et on reste sur le canapé à ne rien faire… Mais toute personne, qui a décidé, un jour dans sa vie, de travailler dans le secteur de l’Horeca, souhaite avant tout gagner son pain par le fruit de son travail».
Lors du premier confinement, Alain explique que, fort heureusement, les gens ont très bien adhéré au take away qu’il avait mis en place. Il a même réussi à convaincre de nouveaux clients par ce biais, entre autres grâce à l’amour qu’il a mis dans la confection de son chili con carne, ou encore de ses bouchées à la reine, à l’aide de ses associée et employée, Antonia et Florina, ou encore grâce à la bienveillance de la voisine Constanta : «C’est devenu un succès, mais cela reste l’unique côté positif !» , déplore-t-il. Car pour le reste, quand le café a rouvert au début de l’été, il a forcément dû investir beaucoup d’argent dans les protections en plexiglas et, de fait, perdu beaucoup de places assises à l’intérieur de l’établissement. «Nous avons dû diviser la clientèle par deux, car c’est un café où les gens ont l’habitude de se tenir debout pour discuter et rigoler ensemble; bref, pour y passer du bon temps. Or, il fallait, à cette période, réserver une table et les clients avaient à peine le temps de boire un verre que d’autres arrivaient pour s’installer à la même table… Cela dit, je dois reconnaître que la plupart de nos clients ont adopté une attitude responsable et avaient compris les consignes sanitaires.»
À l’heure actuelle, Alain Hoffstetter doit se débrouiller et tenter de sortir la tête de l’eau, grâce à ses plats à emporter : outre ses plats phares, il propose désormais aussi de l’émincé de veau et de poulet, des succulents Schnitzels et aussi un excellent cordon bleu, sans oublier les burgers.
Du plein-emploi à l’Adem ?
«L’argent qui reste dans la caisse était avant tout destiné à effectuer des travaux de rénovation, dont une véranda. Maintenant, nous le mettons de côté, car on ne sait pas quand on pourra rouvrir. Mais une chose est sûre : les aides promises par l’État sont arrivées beaucoup trop tard», estime Alain Hoffstetter. Et pour ce qui relève des annonces faites lundi par le ministre des Classes moyennes, Lex Delles, le cafetier est catégorique : «Ces aides-là auraient déjà dû être décidées au mois d’octobre ! Nous sommes à présent à la mi-février, et sommes fermés depuis quasiment trois mois… tout en sachant que les mois de décembre et de janvier sont des mois extrêmement importants, du point de vue chiffre d’affaires, pour le secteur Horeca. Et le gouvernement le sait que ce n’est pas tenable ce qu’il est en train de faire !», peste-t-il.
Cela étant, Alain Hoffstetter indique rester optimiste : «On travaille du mieux qu’on peut», s’exclame-t-il, avant, pour lui de lancer un message qu’il juge «très important» à l’attention du gouvernement : «On ne peut pas nous dire que l’on peut, peut-être, ouvrir le 15 mars si ce ne sera que pour le 1 avril. Cela fait trois fois que nos dates d’ouverture ont été repoussées : en ce sens, il faut que le gouvernement soit clair, qu’il nous donne une date de réouverture précise, pour qu’on puisse prévoir nos dépenses. En guise de conclusion, je suis d’avis que le ministère de l’Économie a un petit problème et j’espère qu’il ne se transformera pas en grand problème pour l’Adem. Je sais déjà qu’environ 150 restaurants n’ouvriront plus leurs portes et je tiens à avoir une pensée pour nos fournisseurs», résume Alain Hoffstetter.
Claude Damiani
«Des annonces positives, mais…»
Jean-Claude Colbach, le président de l’ASBL Don’t forget us et exploitant de plusieurs affaires dans le secteur Horeca, n’est pas convaincu par les annonces du gouvernement.
L’exploitant des établissements Le Sud, Ikki, Am Clubhaus op der Spora, Zulu blanc, Rockbox et Big Beer Company reste d’un avis mitigé face aux aides lancées par le ministre Lex Delles. Joint lundi soir, Jean-Claude Colbach délivre une analyse mi-figue mi-raisin par rapport aux annonces d’aides financières supplémentaires du gouvernement : «C’est avec une certaine satisfaction que nous constatons que l’État réalise qu’il faut aider davantage; les nouvelles aides sont acceptables pour la situation actuelle, positives, mais le grand souci est, et reste, le début de la pandémie. À savoir cette période, où tout le monde s’est endetté personnellement afin de faire survivre son exploitation… Je rappelle que nous avons dû encaisser dix semaines de fermeture sans aides aucunes et cela du mois de mars à celui de mai (2020) », souligne Jean-Claude Colbach. «Cette époque fut suivie de lourdes restrictions, ayant eu un impact catastrophique sur les chiffres et donc sur les exploitations. Nous revendiquons avec fermeté que cette loi soit rétroactivement applicable à partir du 16 mars 2020, comme le propose l’Union européenne. Nous avons besoin de cette loi et de ces aides pour faire survivre nos commerces à l’avenir.
«Nous demandons réparation du préjudice»
Je ne pense pas que ce soit trop demander à ce que l’État soit responsable de ces décisions de fermeture et qu’il couvre nos charges depuis le début de la crise» , poursuit l’entrepreneur.
Et Jean-Claude Colbach ne s’arrête pas en si bon chemin. En effet, après avoir reconnu (quelque peu ironiquement) que « le gouvernement vient enfin, après presque un an de pandémie, de comprendre quelles aides sont appropriées et justes », il estime qu’il doit «alors aussi comprendre que la fermeture d’aujourd’hui ne diffère en rien à celle du printemps 2020. Nous réclamons que ce que suggère l’Union européenne. Nous réclamons notre droit, tout en sachant que le Luxembourg doit avoir les possibilités de financement, tel que Messieurs Pierre Gramegna et Xavier Bettel l’ont toujours proclamé. Nous exigeons cette solidarité de la part de l’État et ne demandons que réparation du préjudice causé par les décisions prises» , conclut-il.
C.D