Le Quotidien sélectionne cette semaine l’album Collapsed in Sunbeams d’Arlo Parks, sorti sur le label Trangressive, le 29 janvier .
Serait-elle la voix de toute une génération, anxieuse et ultra-connectée ? Celle qui, à travers de petits morceaux intimes et sensibles, capte avec lucidité l’esprit du moment pour mieux raconter les affres d’une jeunesse en pleine crise ? Du haut de ses vingt ans, coiffée à la garçonne avec ses bandeaux colorés dans les cheveux, Arlo Parks en a la carrure.
Et elle ne sera pas la première. D’autres, par le passé, sont en effet passées par là, particulièrement dans une Angleterre jamais avare pour installer en tête des charts des figures féminines pop aux messages qui comptent (Dido, Lily Allen, Adele). D’ailleurs, comment pourrait-elle s’en défendre, alors que son premier EP s’appelle Super Sad Generation ?
Voilà déjà deux ans que la jeune femme, suivie de près par la BBC et auréolée de succès sur les plateformes d’écoute, fait figure d’étoile montante. C’est que ses petites pépites soul-r’n’b, cool et réconfortantes, visent juste. Et ses blessures à l’âme comme ses questionnements identitaires, lovés dans des mélodies imparables, parlent à beaucoup.
Une capacité à mettre en musique une plume vivante, bien sentie, qui tient à différents éléments : un multiculturalisme dû à des racines nigériane, tchadienne et française; une forte inclinaison pour la poésie (Allen Ginsberg, Sylvia Plat…); une curiosité de tous les instants, qui l’amène à composer en équilibre entre différents styles (hip-hop, soul, trip-hop, dream-pop, rock…). La formule est plutôt efficace, comme en témoigne ce premier disque où tout sonne avec justesse.
Collapsed in Sunbeams (titre emprunté à un texte de Zadie Smith) déroule ainsi douze chansons feutrées, au charme universel et immédiat. La variété des sons empêche d’en faire un objet trop lisse, voire ennuyeux. Dessus, sa voix suave s’impose sans en faire trop, distillant des considérations nées de l’adolescence, parlant d’amour, d’amitié, de sexualité, du quotidien, de santé mentale aussi, chahutée par les confinements à répétition (Black Dog).
On aimerait moins de bienveillance, moins de tapes dans le dos, de câlins et de mouchoir blanc pour écraser une grosse larme
C’est que ce coup d’essai – et c’est là tout sa réussite – s’est fait en pleine période d’isolement, composé en à peine un mois. On aurait pu croire que son statut de belle promesse aurait fait venir à ses côtés toute une brochette de producteurs qui «savent y faire» pour tutoyer les sommets. Que nenni ! Arlo Parks s’est contentée de travailler en huis clos, comme une grande, avec le producteur Gianluca Buccellati dont la mission a été de peaufiner des chansons enregistrées au préalable, en solo, sur GarageBand.
Finalement, le seul reproche que l’on pourrait faire à ce disque, à voir comme un journal intime, une confession partagée, c’est sa naïveté. Les titres réunis ici sont, dans leur grosse majorité, affectueux, amicaux. Ils manquent de nerf, de piquant, de sucre sur la dent cariée. On aimerait moins de bienveillance, une affirmation de vie plus puissante qui se passerait de tapes dans le dos, de câlins et de mouchoir blanc pour écraser une grosse larme. Rappelons toutefois qu’Arlo Parks n’aura que 21 ans l’été prochain. Elle a le temps devant elle pour mordre de plus belle.
Grégory Cimatti