La Cour des comptes avait constaté des lacunes dans la pratique concernant la vente de terrains par l’État dans les ZAE. Fage en est un exemple flagrant.
La commission du Contrôle de l’exécution budgétaire a finalement décidé d’entendre le ministre de l’Économie, Franz Fayot (LSAP), et le ministre des Finances, Pierre Gramegna (DP), à la suite du rapport spécial de la Cour des comptes sur les ventes de terrains situés dans des zones d’activités économiques (ZAE) et appartenant à l’État.
L’opposition CSV a demandé également la présence d’Étienne Schneider, mais la majorité recommande d’abord de se contenter des ministres actuels avant de rappeler les anciens. Étienne Schneider a déjà dû revenir de sa retraite dorée pour s’expliquer sur les surcoûts astronomiques du satellite militaire qui avaient pris les députés de court. Mais les socialistes aimeraient passer à autre chose et clore définitivement ce dossier Fage qui les enquiquine depuis un bon moment. Ils espèrent qu’après le passage des deux ministres concernés, l’affaire sera oubliée.
Rien n’est moins sûr. La présidente de la commission, Diane Adehm (CSV), n’exclut pas une convocation des fonctionnaires ayant traité le dossier, comme ce fut aussi le cas pour le satellite militaire. Le rapport de la Cour des comptes ne manque pas de matière à les interroger, selon l’opposition.
S’il est d’usage que l’État mette à la disposition des industries des terrains sous forme d’un contrat de droit de superficie, il est plus rare qu’il vende des surfaces dans les ZAE. Il y a eu quelques cas pourtant et Fage n’est pas une exception, même dans la manière de traiter le dossier. Car en règle générale, les raisons qui conduisent les ministres compétents (Économie et Finances) à accorder une vente de terrain industriel plutôt qu’un droit de superficie «ne sont pas convenablement documentées», relèvent les auditeurs dans leur rapport. Ils recommandent qu’à l’avenir ces décisions soient documentées.
Selon les responsables du ministère de l’Économie, les négociations avec les industriels se déroulent de façon informelle et les documents qui y sont relatifs ne sont pas conservés. Il n’y a pas trace non plus ni d’un projet industriel détaillé ni d’analyses économiques fondées permettant d’évaluer l’impact d’une industrie sur l’économie nationale, comme le dispose la loi. «Les dossiers de l’échantillon de contrôle transmis à la Cour ne comportaient pas d’analyse détaillée sur une quelconque plus-value économique, et notamment sur son impact économique dans un contexte de développement et de diversification économique», constate la Cour des comptes.
Ces dossiers doivent être traités en commun par les ministères de l’Économie et des Finances via une commission spéciale, qui doit être obligatoirement saisie pour avis, et c’est essentiel «afin d’assurer une planification et un aménagement transparents des ZAE, d’examiner à un stade précoce le bien-fondé économique du projet et de contribuer à une meilleure sécurité juridique», expliquent les rapporteurs. Le ministre Franz Fayot a d’ores et déjà promis de combler cette lacune.
Le ministre justifie le prix
Tous les dossiers de l’échantillon de contrôle, les échanges et discussions avec les acquéreurs ou les locataires de terrains ont été exclusivement menés par le ministère de l’Économie. «Selon les responsables des deux ministères, seuls des échanges informels ont pu avoir lieu. Cependant, d’après les responsables du ministère des Finances, un tel échange n’a pas eu lieu dans le dossier Fage», note le rapport. La décision de vente a été prise par le seul ministre de l’Économie, qui a informé le ministère des Finances du prix de vente négocié entre lui et l’investisseur avec prière de charger l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA de dresser le contrat de vente en faveur de la société Fage International SA.
Fage a obtenu son terrain de 15 hectares à 20 000 euros l’are, soit pour l’intégralité du terrain une recette pour le Trésor public de 30 millions d’euros.
La commune de Bettembourg avait vendu des terrains pour un prix 25 % supérieur. Mais Franz Fayot indique que les dossiers ne sont pas comparables. Les transactions effectuées par la commune ont été réalisées avec des entreprises déjà opérationnelles au Luxembourg. «Il s’agissait donc de relocalisations», précise le ministre de l’Économie. «Or, il en va autrement avec la société Fage qui étudiait les conditions d’implantation de son projet industriel dans plusieurs pays, dont le Luxembourg.»
Il fallait donc pouvoir attirer la société grecque qui s’engageait dans un investissement global de l’ordre de 277 millions avec la création de 200 emplois. Tout ce projet s’est effondré face à une levée de boucliers sans précédent face à un projet industriel qui ne répondait pas au développement durable et à tous les aspects environnementaux qu’il revêt.
Geneviève Montaigu