Un point de chute gardé secret, des forces de l’ordre débordées par des fêtards déterminés : la rave party qui a réuni au Nouvel An environ 2 500 personnes au sud de Rennes a montré l’impuissance de l’État à empêcher ce type d’événement en temps de Covid-19.
Samedi midi, il ne restait plus rien à l’intérieur des deux grands hangars de la commune de Lieuron, excepté quelques tags, une chaise en bois, des bouteilles et, au sol, une grande boule à facettes artisanale. Mais alors que les teufeurs ont quitté, les traits tirés, le site dans le froid, l’humidité et la boue, les questions demeurent.
Comment a-t-il été possible aux organisateurs de s’installer sans que les centaines de véhicules, venus parfois de très loin, ne soient interceptés malgré les restrictions liées à l’épidémie ? Pourquoi les force de l’ordre n’ont-elles pu arrêter la fête ?
Le soir de la Saint-Sylvestre, alors que le réveillon est mis au diapason du couvre-feu pour empêcher les rassemblements illicites, avec 100 000 policiers et gendarmes mobilisés, les réseaux sociaux sont scrutés de près par les forces de sécurité.
« On avait plusieurs points de chute possibles à prendre concomitamment », dans les Pays de la Loire, Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine mais aussi Morbihan, expliquait samedi le général de corps d’armée Pierre Sauvegrain, à la tête de la région de gendarmerie de Bretagne, lors d’une conférence de presse avec le préfet en mairie de Louhéac, près de Lieuron. « Les véhicules ont commencé à se déplacer avant le couvre-feu » et « les forces étaient réparties sur ces points de chute potentiels, ce qui explique qu’à un moment donné, après le début du couvre-feu, on a eu une forte concentration de véhicules sur le site avec un nombre forcément restreint de forces de l’ordre », relate le général Sauvegrain, soulignant une « organisation extrêmement fugace ».
Le lieu du rassemblement n’est connu qu’au dernier moment. « Il a été diffusé après 20h, après le déclenchement du couvre-feu » et « les forces de sécurité l’ont enregistré en même temps que les participants potentiels », a indiqué le préfet d’Ille-et-Vilaine et de la région Bretagne, Emmanuel Berthier, qui avait interdit la manifestation.
« Jo », un des participants à la fête, venu d’Alsace, avait en effet expliqué vendredi avoir rejoint jeudi soir à 19h30 un point de rendez-vous sur le parking d’un centre commercial, avant que le top départ ne soit donné et qu’ils ne soient guidés vers Lieuron.
Une action violente préparée
Les gendarmes ont tenté d’interdire l’accès au site « mais très rapidement des heurts violents » ont éclaté, explique le préfet. « Manifestement les organisateurs s’étaient préparés à cette action violente vis-à-vis des forces de l’ordre », selon Emmanuel Berthier. Trop peu nombreux, ils essuient des jets de projectiles, trois sont blessés légèrement, un véhicule de gendarmerie est brûlé. « Le choix a été fait, par moi-même, de désengager » les forces sur place, pour ne pas risquer « de faire dégénérer la situation », a dit le général Sauvegrain.
« Un contrôle strict de la zone » est alors assuré et jeudi à partir de 22h, « plus aucun véhicule n’est entré sur la zone », assure le préfet. Mais du côté des teufeurs présents, la fête peut continuer.
Fallait-il intervenir la nuit ? « Les conditions d’intervention la nuit sont très difficiles », rappelle le préfet. Une réunion est convoquée place Beauvau vendredi soir, des renforts sont envoyés sur place. Samedi matin, une manœuvre est engagée dans le calme par les gendarmes mobiles venus en nombre alors que le son de la fête s’est tu dans la nuit et que les premiers fêtards ont commencé à quitter les lieux vers 5h30. Le site est sous contrôle à 10h15. Du matériel de sonorisation, des groupes électrogènes sont saisis et les gendarmes contrôlent systématiquement les participants qui quittent les lieux.
Des amendes pour participation à un rassemblement illicite, non-respect du couvre feu et du port du masque et usage de stupéfiants sont dressées par centaines.
Le travail se poursuit désormais sur le volet judiciaire pour retrouver et interpeller les organisateurs. Deux organisateurs présumés ont ainsi été placés en garde à vue samedi après-midi après une perquisition qui a permis la saisie d’argent pouvant provenir de la caisse de l’événement, de produits stupéfiants, de matériel de sonorisation ainsi que d’un véhicule poids lourd.
LQ/AFP