La Confédération générale de la fonction publique n’apprécie pas les tentatives visant à ouvrir de hautes fonctions publiques à des acteurs du secteur privé.
La CGFP émet le souhait ardent de rencontrer le Premier ministre, Xavier Bettel, pour l’entendre dire qu’il renonce à toute volonté de privatiser des postes dévolus exclusivement à la fonction publique. C’est clair dans l’esprit de la confédération, mais les récentes tentatives du gouvernement d’ouvrir des postes de direction ou de commissaire à des candidats issus du secteur privé l’obligent à réclamer des explications.
Plusieurs projets de loi vont en effet dans ce sens et la dernière volte-face du ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch (DP), ne suffit pas à apaiser les fonctionnaires qui défendent bec et ongles leur pré carré. Pire encore pour la CGFP, c’est en pleine pandémie, qui démontre chaque jour le besoin d’un service public fort, qu’une «privatisation rampante» dans la fonction publique prend dangereusement forme.
La confédération fustige le dépôt de certains textes au Parlement en pleine crise sanitaire, qui offrent des postes de haut niveau au secteur privé sans même en avoir averti le puissant syndicat. La moindre des choses aurait été d’associer la CGFP dans les discussions préalables, selon elle.
Parmi ces projets, il y a eu le très contesté projet de loi de Claude Meisch concernant des postes de directeur de quatre lycées professionnels. Personne, avant la parution d’un article dans le Land, n’avait réagi à ce changement pourtant majeur dans l’Éducation nationale qui permettrait au secteur privé de convoiter la direction d’un établissement public d’enseignement. Le projet de Claude Meisch circulait allègrement dans les tuyaux jusqu’à ce qu’il arrive en plénière pour être voté. Le projet avait finalement été retiré de l’ordre du jour sous la pression, entre autres, des syndicats d’enseignants, CGFP en tête.
Police privée
Il s’agissait de la tentative la plus médiatisée, mais d’autres projets de la même veine ont fait bondir les représentants de la fonction publique. Déposé il y a une dizaine de jours, le projet de loi 7708 crée la fonction de commissaire du gouvernement aux sports pour assister le ministre et prévoit qu’elle pourra être occupée par un expert du privé.
«La longévité de la carrière auprès de l’État ne peut plus être considérée en tant que critère pour la nomination à la fonction de commissaire aux sports (…). En prenant notamment l’exemple d’autres fonctions dirigeantes, dont celle de haut-commissaire à la protection nationale, de commissaire aux affaires maritimes, voire des fonctions de directeur du Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE) ou du directeur du Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’État (CGPO), il appartiendra désormais au gouvernement en conseil de proposer au Grand-Duc un candidat dont la formation, l’expérience et le vécu correspondent au profil demandé pour assurer les missions de commissaire aux sports », expliquent les auteurs du projet de loi dans l’exposé des motifs.
La CGFP rejette également clairement le projet de loi 7658 qui prévoit que dans deux administrations du secteur de l’éducation, le Script et l’IFEN, les postes de directeur peuvent être occupés par des personnes qui n’ont pas fait partie d’une carrière A à l’État.
Pour couronner le tout, il y a eu la récente volonté du collège échevinal de la ville de Luxembourg de faire appel à des sociétés de sécurité privées pour sillonner le quartier de la Gare et épauler la police. «Le Conseil national de la CGFP a exprimé son indignation face à ces pratiques douteuses», écrit la CGFP dans son communiqué.
La CGFP ne veut plus entendre parler de ces tentatives de «privatisation de la fonction publique». Le Conseil national a confié au bureau exécutif du syndicat le mandat de demander une entrevue avec le Premier ministre, Xavier Bettel. «Compte tenu de l’importance de cette question, le chef du gouvernement doit être clair», dit la confédération.
La CGFP ne permettra pas que les missions publiques centrales soient confiées à des mains privées. Pour elle, même après la crise sanitaire, un État fort restera indispensable. Aussi indispensable qu’une connaissance suffisante des trois langues officielles pour occuper un poste dans la fonction publique.
La CGFP exige enfin que «la coalition dise adieu à ses rêves de privatisation dans la fonction publique». Et pour la CGFP la menace est assez grande pour justifier une rencontre avec Xavier Bettel.
Geneviève Montaigu