Les dons et les greffes d’organes ont souffert de la pandémie. Au Luxembourg, comme ailleurs en Europe, on constate un recul des dons qui risque de compliquer la vie des receveurs.
Une greffe de poumon a été réalisée le 1er novembre en France sur un patient qui présentait une insuffisance respiratoire aiguë due à la destruction quasi complète de ses deux poumons par le Covid-19, a-t-on appris jeudi. Ailleurs dans le monde, greffes et dons d’organes connaissent un recul préoccupant depuis le début de l’année. C’est également le cas au Luxembourg.
Si plus aucune greffe d’organe n’a été réalisée au Luxembourg depuis 2010, le Luxembourg continue de prélever des organes grâce à Luxembourg Transplant. Ils sont remis au réseau Eurotransplant qui se charge de leur répartition auprès de malades en attente d’un don. Parmi eux, des malades luxembourgeois. La plupart sont pris en charge par des hôpitaux belges. Or, selon Jorge de Sousa, coordinateur de transplantation à Luxembourg Transplant, «le nombre de transplantations est en baisse depuis le début de la pandémie et nous prélevons beaucoup moins d’organes».
Lors du confinement, fin mars, cette activité de prélèvement a été totalement interrompue sur ordre du ministère de la Santé. La prudence était de mise, les inconnues étant nombreuses quant à la façon dont le Covid-19 pouvait affecter les donneurs d’organes et les personnes qui s’apprêtaient à recevoir un organe. Au Luxembourg, l’activité a repris début juillet. «Nous avons systématiquement effectué des tests sur les donneurs en mort cérébrale pour nous assurer qu’ils n’étaient pas porteurs du virus, explique Jorge de Sousa. Même si la personne avait été testée deux ou trois jours avant. Si le résultat du test était négatif, nous pouvions lancer la procédure de don d’organes. Sans test, nous n’explantions pas.» Depuis le début de la deuxième vague, Eurotransplant a adressé des recommandations spécifiques à ses membres. Le test est l’une d’entre elles.
Les délais d’attente rallongés
Les organes sains restent rares et les délais d’attente pour obtenir un organe s’allongent de jour en jour. «En moyenne, un patient luxembourgeois pris en charge dans un hôpital belge doit attendre entre 3 et 5 ans pour obtenir une greffe. Avec la pandémie, nous estimons cette attente à 5 à 7 ans. Nous ne le saurons avec certitude qu’à la fin de l’année quand nous connaîtrons les chiffres exacts», estime le coordinateur de transplantation.
Les patients qui attendent une greffe sont des victimes collatérales du Covid-19 et risquent leur vie. «Cela dépend de l’organe nécessaire. On peut vivre sans un rein ou sans pancréas grâce aux traitements, mais les personnes qui attendent un cœur, un poumon ou un foie sont victimes de la situation et risquent à court et à long terme de décéder parce qu’il n’y a pas d’organes disponibles, regrette Jorge de Sousa. Le virus a un impact énorme sur les transplantations. Nous l’avons remarqué pendant le confinement. Plus rien ne fonctionnait et les lits de réanimation étaient occupés par des patients Covid-19 et il n’y avait plus de place pour un autre type de médecine.»
«Prendre en charge un patient en état de mort cérébrale est un travail fou, ce sont des procédures spécifiques qui prennent du temps, poursuit-il. Elles viendraient s’ajouter à la prise en charge des autres patients du service.» Et les soignants manquent de temps et d’espace en ce moment.
Manque de lits, procédures lourdes, méconnaissance du fonctionnement du virus et donneurs en état de mort cérébrale positifs : il est aisé de comprendre le recul de cette activité. «Prenez la cornée, elle est exploitée au Luxembourg, mais nous avons très peu de donneurs, car presque tous étaient positifs.» Ce retard ne pourra être rattrapé cette année, selon Jorge de Sousa qui n’est guère optimiste et ne pronostique pas de sortie de la deuxième vague avant la fin de cette année et le début de la prochaine.
Malgré tout, «il est important que les malades autres que les patients Covid, et plus particulièrement la médecine de transplantation et le don d’organes, ne soient pas oubliés, note Jorge de Sousa. Chaque jour, on a besoin d’un organe pour sauver une vie». Il ne faudrait pas l’oublier à cause de la crise.
Sophie Kieffer