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Covid-19 : une nouvelle étape commence au Luxembourg


Deux lois vont prolongées d'un mois des mesures sanitaires au-delà de l'état de crise, ce lundi. L'occasion d'un rapport tendu entre la majorité et l'opposition (Photo d'archives : Claude Lénert).

Ce lundi, la Chambre des députés est amenée à voter deux lois qui vont permettre au pays de sortir de l’état de crise. D’importantes tractations ont accompagné la préparation des textes visant à prolonger d’un mois une série de mesures sanitaires. Seule une courte majorité devrait les valider.

On sera loin de l’unité nationale qui a prévalu le 21 mars dernier au moment où la Chambre a validé à l’unanimité l’état de crise, décrété trois jours plus tôt par le Premier ministre, Xavier Bettel. Ce lundi matin, le Parlement doit voter deux projets de loi qui vont retirer les pouvoirs spéciaux accordés au gouvernement. Le retour au premier plan des députés va finalement se faire dans la douleur.
Les deux lois Covid, qui vont prolonger d’un mois des mesures sanitaires restant en vigueur au-delà de l’état de crise, sont en effet fortement contestées dans les rangs de l’opposition. Samedi, les deux rapports rédigés par Mars Di Bartolomeo (LSAP) ont été adoptés avec les seules voix de la majorité gouvernementale. Le CSV et l’ADR ont voté contre, déi Lénk s’est abstenu. Les pirates n’ont pas de droit de vote en commission parlementaire. Leur enthousiasme pour les textes devant permettre au pays de sortir de l’état de crise est cependant aussi fortement limité.
Sauf surprise, les lois Covid devraient donc être validées en fin de matinée par une très courte majorité. Le souhait du Premier ministre de rassembler le plus grand soutien possible ne sera pas exaucé.
Comment expliquer ce revirement de situation ? La gestion de la crise sanitaire n’est pas à mettre en cause. Le Luxembourg s’apprête à lever l’état de crise en ne comptant plus que 44 infections actives et 14 hospitalisations. Depuis samedi, plus aucun patient ne se trouve en soins intensifs. Le nombre de décès stagne à 110 victimes depuis le 26 mai. «La solidarité a été exemplaire», soulignait vendredi Mars Di Bartolomeo, au micro de RTL Radio.

Des mesures «disproportionnées»

Au vu de la baisse considérable de nouvelles infections au Covid-19, les mesures envisagées pour sortir de l’état de crise sont qualifiées de «disproportionnées» par le principal parti d’opposition CSV. «Les restrictions ne correspondent pas à la proportionnalité qui s’impose. Leur nécessité est aussi à remettre en question», fait remarquer Claude Wiseler dans le Profil, publication hebdomadaire du CSV dans le Wort. «Par rapport aux textes initiaux, la dernière version va dans la bonne direction. Or le projet manque toujours de précisions et de cohérences», admet de son côté Martine Hansen, cheffe de la fraction chrétienne-sociale à la Chambre.
Le CSV est soutenu par les autres partis de l’opposition, mais aussi par une large frange de la société civile, dans sa critique concernant le dispositif de l’hospitalisation forcée, rebaptisée par le Conseil d’État en confinement forcé. Selon le texte finalement retenu, le directeur de la Santé peut saisir un juge pour ordonner le placement forcé d’un patient testé positif et qui refuserait d’être placé en confinement. La mesure fortement contestée a été finalement validée par les Sages qui ont toutefois souligné qu’il doit s’agir d’une décision en tout dernier ressort pour assurer la santé publique.
Même l’inscription d’un droit de recours dans le texte de loi, allant à l’encontre de l’avis du Conseil d’État, n’a pas permis de calmer les ardeurs de l’opposition. Si la Haute Corporation «comprend le souci» de la Chambre «de veiller au principe du double degré de juridiction dans les matières touchant à la liberté individuelle», elle estime que «l’introduction d’un appel n’est toutefois pas indispensable dans le contexte particulier donné pour sauvegarder les droits des personnes concernées, étant donné qu’elles peuvent demander une modification de la décision prise par le président du tribunal d’arrondissement».

La Chambre reprend ses pleins pouvoirs

Le fait que la majorité se soit largement reposée sur les propositions écrites des Sages pour rectifier le tir constitue une autre critique majeure du CSV. «Renvoyer la balle au Conseil d’État parce qu’on n’est pas capable de rédiger soi-même un texte est indigne», fustige Claude Wiseler, toujours cité dans le Profil. Le «bon travail parlementaire» loué par Mars Di Bartolomeo n’est donc pas apprécié de la même manière par le principal parti d’opposition.
Les débats de ce lundi matin sur les lois Covid s’annoncent donc corsés. Cela vaut plus particulièrement pour le premier des deux textes soumis à la Chambre des députés. Les 18 pages et 7 chapitres sur le maintien pour un mois d’une série de restrictions pour personnes physiques (rassemblements) tout comme de plusieurs mesures sanitaires (port du masque, gestes barrières) dérangent bien plus que le second projet reprenant, lui, les règles à respecter par les commerces tout comme les associations sportives et culturelles.
Ces deux projets de lois forment le cadre pour l’après-état de crise. En parallèle, la Chambre a entamé, ces derniers jours, un long marathon législatif pour prolonger toute une panoplie de mesures décidées en urgence par le gouvernement. On y retrouve les plans d’aides pour les entreprises, des primes et subventions ainsi que certaines mesures administratives.
Une fois les lois Covid adoptées, la Chambre des députés reprendra pour de bon ses pleins pouvoirs. Toute future décision concernant le déconfinement ou l’allègement de restrictions sanitaires devra faire l’objet d’un texte de loi, travaillé en commission parlementaire et avisé par le Conseil d’État. Pendant l’état de crise, le gouvernement a pu légiférer en procédant par règlements grand-ducaux, procédure tout à fait exceptionnelle.

Un nouveau vote avant fin juillet

Une prochaine levée de restrictions pourrait être décidée dans la semaine suivant la fête nationale. Dans une motion adoptée à l’unanimité, les députés insistent pour avoir accès aux mêmes modélisations sur lesquelles le gouvernement s’est appuyé pour gérer la sortie de crise.
Au plus tard dans un mois, les députés devront prendre une décision sur la suite à réserver aux dispositions qui seront votées ce lundi matin. Sans nouvelle prolongation ou révision des textes, l’ensemble des mesures sanitaires va perdre son caractère légal. Il en va de même pour une série de lois adoptées ces derniers jours ayant également une durée limitée dans le temps. Les députés ne vont pas pouvoir partir en vacances de sitôt.

David Marques

Les rassemblements extérieurs restent limités

La levée de l’état de crise ne changera rien aux restrictions concernant les rassemblements. Seule différence majeure avec les règles en vigueur depuis le 10 juin : le nombre de personnes accueillies par ménage n’est plus limité. Or les autorités recommandent «de rester vigilant, d’appliquer les gestes barrières et d’éviter, dans la mesure du possible, les évènements, même à titre privé, rassemblant un nombre élevé de personnes en milieu confiné».
Les règles à suivre à l’extérieur sont bien plus strictes. Les rassemblements de plus de 20 personnes en public restent interdits. L’exception concerne les événements où les personnes doivent obligatoirement être assises et respecter soit une distance de deux mètres, soit porter un masque. Il s’agit notamment des salles de cinéma et de théâtre.
L’obligation d’être assis ne s’applique pas lors de l’exercice de la liberté de manifester, pour les personnes participant à des funérailles à l’extérieur, ainsi que pour les acteurs culturels et sportifs pendant l’exercice de leur activité. Il en va de même lors de la pratique des cultes.
En cas de non-respect de ces réglementations, la police peut décerner un avertissement taxé de 145 euros.