Le Centre de soins pour la faune sauvage s’apprête à accueillir entre 40 et 60 animaux blessés et en détresse par jour au cours des prochaines chaudes semaines. Le point avec son directeur.
Le Centre de soins pour la faune sauvage de Dudelange s’attend à une charge de travail corsée au cours des prochaines semaines. En effet, le nombre d’animaux sauvages à recueillir et à soigner ne devrait cesser d’augmenter au fil des jours, parallèlement à la hausse des températures.
Mais avant de se projeter dans un futur proche, un petit retour en arrière avec le directeur Raf Stassen s’impose afin de se rendre compte du fonctionnement du centre durant le confinement. «Tout au début du confinement, nous avons rencontré des problèmes au sein de notre équipe, car sept de nos membres fixes ont été mis en quarantaine ou étaient malades de la grippe. Certains étaient de retour d’un voyage à l’étranger. Covid-19 ou grippe, ils ont été priés de rester chez eux, sur ordre médical.»
Il a alors fallu composer avec des contraintes implacables : «Au départ, on voulait simplement réduire les activités du centre sur une période de 10 jours, mais le 24 mars, nous avons dû nous rendre à l’évidence : nous n’arrivions plus à assurer les soins pour les animaux que nous avions accueillis au centre. Par manque de personnel, nous avons donc dû fermer le centre, puis l’accueil téléphonique.»
La fermeture était relative : «Nous sommes restés fermés durant cinq semaines, soit jusqu’au 1er mai. Cela dit, lorsque quelqu’un se présentait pendant cette période devant nos portes avec un animal, nous le prenions évidemment toujours en charge», relate le directeur du centre. Avant, pour lui, de signaler que pas moins d’une centaine d’animaux ont été accueillis, et ce, malgré la fermeture.
Renards, fouines, chevreuils, chauves-souris
Pendant le confinement, les espèces les plus recueillies ont surtout été de jeunes mammifères et d’autres animaux qui avaient été blessés sur la route : de jeunes renards, des fouines, des chevreuils, des lièvres, quelques chauves-souris ou encore des blaireaux.
Selon Raf Stassen, le centre a fait face à ce qu’il décrit comme étant «deux types de situations typiques. La première est celle de jeunes mammifères qui sont abandonnés parce qu’ils ont perdu leurs parents ou parce qu’ils ont été écrasés. La seconde situation correspond à des animaux adultes qui ont été victimes d’un accident de la route. On nous a également confié quelques jeunes oiseaux.»
De là, Raf Stassen conclut qu’il n’y a rien d’inhabituel car «les mois de mars et d’avril sont des mois au cours desquels nous recueillons avant tout de jeunes mammifères, et ce, avec ou sans confinement».
À partir du mois de mai, une importante quantité d’oiseaux sont remis au centre, souligne-t-il : «De manière générale, il s’agit du cycle normal, mais dès que nous avons rouvert le centre, le 1er mai, ç’a été un changement radical, d’un jour à l’autre. De grandes quantités d’animaux sont entrées au centre, dont beaucoup de jeunes mammifères, mais surtout beaucoup plus de jeunes oiseaux qu’à l’accoutumée. Normalement, cet afflux massif a lieu une quinzaine de jours plus tard, mais à cause du printemps qui a été assez chaud, les oiseaux ont commencé à se reproduire beaucoup plus vite que d’habitude. Pour cette raison, nous parlons de « haute saison » (printemps et été) au centre, et durant celle-ci, nous sommes ouverts 7 j/7, de 8 h à 20 h.»
Des centaines d’animaux attendus cet été…
Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : au cours du mois de mai, le centre a reçu 821 animaux en tout, soit environ 27 par jour. «S’il pleut, nous en recevons moins, car moins de personnes se promènent à l’extérieur, mais le jour d’après, s’il fait beau, on peut en recevoir 40 d’un coup», explique Raf Stassen.
Actuellement, ce sont beaucoup de jeunes moineaux, mésanges, merles, étourneaux, rouges-gorges, pigeons, voire même de jeunes canards, qui arrivent au centre. Tout comme les martinets noirs adultes qui sont épuisés après leur migration depuis l’Afrique. Leurs petits sont d’ailleurs aussi sur le point d’arriver.
Et en ce qui concerne les blessures les plus fréquentes, Raf Stassen détaille : il y a certaines espèces d’oisillons qui tombent de leur nid ou en vol. D’autres oiseaux se cognent contre des fenêtres.
Pour les mois de juin et juillet, l’afflux d’animaux augmentera encore si l’on se base sur les années précédentes : «Nous prévoyons 1 000 animaux supplémentaires pour juin et juillet. Mais cela dépendra des conditions climatiques. Si les températures remontent dans les prochains jours et semaines, nous aurons à accueillir entre 40 à 60 animaux par jour.»
Pour l’instant, «le centre accueille actuellement 25 % de mammifères, dont principalement des renards et des hérissons, mais aussi un chevreuil et même un mouflon. On dénombre 70 % d’oiseaux et 5 % d’animaux exotiques, par abandon ou confiscation par la police. À noter, enfin, que le centre ne peut légalement accueillir de sangliers ou de marcassins, peste porcine africaine oblige.» Quant à sa capacité d’accueil, le centre est en train d’effectuer une extension de ses installations pour répondre à l’afflux massif et continu d’animaux.
Claude Damiani
«Sans dons, on ne peut exister»
Ils sont nombreux à s’engager, bénévolement ou non, dans ce qui est l’unique centre du genre au pays. Coup de projecteur.
Selon le directeur du Centre de soins pour la faune sauvage, Raf Stassen, la mission principale qui lui incombe est de «relâcher les animaux sauvages dans leur habitat naturel après les avoir soignés afin qu’ils soient en bonne santé et en bon état».
Ceci dit, le centre est aux petits soins aussi bien pour la faune sauvage locale que pour d’autres animaux qui se trouvent dans notre écosystème. «Car nous avons aussi des espèces exotiques envahissantes, parfois aussi des animaux exotiques échappés, abandonnés ou confisqués par la police. Le centre travaille avec l’ensemble de ces espèces», souligne Raf Stassen. Concrètement, le centre assure l’accueil des animaux, leur prodigue des soins médicaux et tente de les remettre sur pied du mieux possible.
Les membres du centre se doivent de garder une certaine distance par rapport aux animaux, afin d’éviter qu’ils ne soient imprégnés (domestiqués), car il y a toute une série de critères à respecter avant de relâcher un animal sauvage dans la nature.
Une philosophie à l’inverse de celle d’un zoo
«Si un animal est imprégné, il se comportera d’une autre façon qu’un animal sauvage. Notre philosophie va à l’inverse de celle d’un zoo, où les soigneurs passent du temps avec chaque animal. Si l’on reçoit par exemple un jeune renard qui doit encore être allaité, on évite de lui parler, le plus possible. En effet, il est important qu’il ne s’habitue pas trop à l’homme, afin de ne pas perdre une partie de son comportement naturel au moment de le relâcher; il faut qu’il s’intègre dans la vie sauvage avec les mêmes espèces, en vue notamment de trouver un partenaire et de se comporter « naturellement » pour avoir des chances de survie», souligne Raf Stassen.
Fondé en 1989, le centre de soins est encore aujourd’hui une ASBL, bien qu’il fasse partie de la «famille» natur&ëmwelt. Conventionné par les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement, et percevant également un appui de la part du ministère du Travail, il doit pourtant compter sur d’autres sources d’aide financière.
«Le soutien de l’État ne représente même pas 50 % de nos revenus. Tout le reste provient de dons ou d’initiatives. Nous avons par exemple l’appui de la Martine & Bertram Pohl Foundation. Et les dons du public sont extrêmement importants pour nous! Sans eux, on n’arriverait pas à poursuivre nos missions et on ne pourrait exister.»
Une centaine de bénévoles
Certes, les soins coûtent cher, reconnaît le directeur, car il faut assurer une continuité des services pour le public et, donc, pour la société, et cela, durant toute l’année. «Peu importe si c’est le week-end ou un jour férié. Au printemps on commence à travailler à 7 h et on peut quitter son travail à 22 h, voire 23 h, et même parfois plus tard. Nous avons un système pour accueillir les animaux 24 h/24, car on est le seul centre du Grand-Duché qui accueille les animaux sauvages en détresse. Il y a aussi le réseau Drop-off, où notre personnel, une fois prévenu, va chercher l’animal, blessé ou en détresse, qui a été mis à l’abri.»
Le centre fonctionne avec une équipe d’une quinzaine de personnes hors saison et une vingtaine en saison, auxquelles s’ajoutent des collaborateurs en CDD. Le centre peut aussi compter sur une centaine de bénévoles, dont le niveau d’engagement varie. Certains viennent une fois par semaine, d’autres une à deux fois par mois et certains juste durant l’été.
Ces bénévoles apportent leur aide en fonction des besoins du centre et de leur propre spécialisation, que ce soit en soins, pour le transport des animaux, les travaux d’entretien ou encore pour les tâches de communication. En outre, le centre dispose de trois vétérinaires, dont deux à temps plein, et de soigneurs formés en soins pour animaux sauvages ou des biologistes. Des équipes techniques administratives, pour l’accueil notamment, complètent l’équipe.
C. D.