Ils étaient les premiers réfractaires à être cités devant la justice luxembourgeoise, cinq jeunes qui s’étaient réunis le 20 mars au parc d’Hesperange. Au final, ils profitent d’une faille et échappent à la condamnation! C’est ce qui ressort du jugement du tribunal de police de Luxembourg rendu lundi matin.
Après les contrôles et verbalisations de la police, c’est désormais au tour de la justice de se saisir des affaires de non-respect du confinement. Le premier procès a eu lieu le 11 mai devant le tribunal de police de Luxembourg. Sur le banc des prévenus : cinq jeunes, âgés entre 19 et 32 ans, qui ne cohabitent pas ensemble. Malgré les mesures de limitation de déplacement pour endiguer la propagation du Covid-19 durant l’état de crise, ils s’étaient retrouvés ensemble dans le parc d’Hesperange. C’était le 20 mars 2020, dans l’après-midi. Ils avaient refusé de régler l’avertissement taxé à hauteur de 145 euros. Le procès-verbal qui avait été dressé par la police à leur encontre avait fini entre les mains du parquet qui a décidé de les citer à l’audience.
Ce procès-verbal fait toutefois qu’aujourd’hui les cinq prévenus passent à travers les mailles du filet. Le tribunal s’est en effet déclaré «incompétent» pour connaître des préventions libellées à charge des prévenus. «Dans cette première affaire Covid, il y a un problème de procédure», a fait savoir, lundi matin, la juge à la lecture du prononcé.
La base légale régissant les sanctions à l’égard des personnes physiques dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 a fait l’objet de plusieurs adaptations ces dernières semaines. Dans la version actuelle du texte, une amende contraventionnelle jusqu’à 500 euros peut être prononcée par le tribunal de police.
Or à la date des faits jugés, on était le 20 mars. Et à l’époque, le règlement grand-ducal du 18 mars 2020, modifié le 20 mars 2020, ne prévoyait l’intervention des juridictions qu’en cas de réclamation formulée contre une amende forfaitaire décidée par le procureur d’État. «Le tribunal ne se trouve pas saisi par une réclamation contre une amende forfaitaire, mais par une véritable citation à prévenu», retient ainsi le jugement.
Le parquet avait requis l’amende maximale
«La version applicable au 20 mars 2020, ne précise pas les circonstances dans lesquelles un procès-verbal pourrait/devrait être établi», constate, par ailleurs, le tribunal. Il faut en effet attendre les modifications du règlement en date du 8 avril 2020, pour y lire : «En cas de contestation de l’infraction sur place, procès-verbal est dressé.»
Retour au 20 mars : avant cette modification, le texte ne se prononce donc ni au sujet de la nature des infractions résultant du mépris de ses dispositions, ni au sujet de la compétence juridictionnelle en dehors du cas d’une réclamation dirigée contre une amende forfaitaire, ni des peines pouvant être prononcées par la juridiction compétente.
Les cinq réfractaires profitent donc de cette faille et échappent à l’amende. Pour rappel, une seule prévenue s’était présentée à l’audience. Sans détour, elle avait reconnu les faits et exprimé ses regrets. Le parquet avait requis 145 euros à son encontre, soit le même montant que si elle avait réglé un avertissement taxé. Contre les quatre autres prévenus absents, et donc jugés «par défaut», il s’était montré moins clément. L’amende maximale avait été requise.
La question d’un éventuel recours…
Le règlement grand-ducal du 18 mars 2020 retient que le «le tribunal de police, (…) statue sur l’infraction en dernier ressort». Ce qui pose la question d’un éventuel recours… Dans tous les cas, contre une décision de justice en dernier ressort, il y a toujours la possibilité du pourvoi en cassation
Une chose est sûre : le nouveau contentieux n’a pas fini de soulever des questions juridiques. Deux autres jugements contre des réfractaires au confinement doivent être rendus le 18 juin par le tribunal de police d’Esch. Les faits jugés remontant aux 10 et 11 avril – donc après modification du règlement grand-ducal – ils ne devraient donc pas se heurter au même problème de procédure. Or dans ces deux procès, la question du principe du double degré de juridiction qui existe en matière pénale avait été évoquée. Ce dernier permet en effet à tout justiciable, s’il n’est pas satisfait par la première décision, de voir son affaire rejugée par une juridiction supérieure à celle initialement saisie…
Selon le parquet, ce principe peut toutefois faire l’objet d’exceptions lors d’infractions mineures. Le législateur ne prévoyant pas de peine de prison contre les réfractaires des mesures de confinement, le double degré de juridiction n’est donc pas «nécessaire et absolu», avait estimé la parquetière lors des débats.
Fabienne Armborst
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