L’armée luxembourgeoise a été réquisitionnée pour gérer la distribution de masques à l’attention des quelque 205 000 frontaliers qui travaillent au Grand-Duché. Une opération qui ravit, indubitablement.
Impossible de se tromper. Les panneaux rouges et jaunes indiquant «distribution de masques» se succèdent dans Belval pour mener au site installé au niveau du parking Square Mile. Il est midi ce mercredi et les voitures, immatriculées dans leur grande majorité en France, roulent au pas dans un couloir contrôlé par des militaires avant d’être réparties sur deux files et dirigées vers la tente mise en place par l’armée luxembourgeoise.
Le flux est quasi ininterrompu, mais aucun encombrement pour autant. Il faut dire que l’opération est rapide : scan du voucher par la vitre baissée et dans la foulée, remise d’une boîte de 50 masques chirurgicaux jetables. Et basta. Le tout sans sortir de son véhicule. L’affaire n’aura pris que deux minutes, tout au plus, et ce qui aurait pu s’apparenter comme une corvée n’en est finalement pas une.
Belval fait en effet partie des neuf «drive-in» mis en place par l’armée à travers le pays où les quelque 205 000 frontaliers salariés au Luxembourg ont la possibilité depuis le 11 mai de venir retirer gratuitement une boîte contenant 50 masques (avec Bettembourg, Diekirch, Echternach, Frisange, le Park & Ride Lux-Sud Howald à Luxembourg, le Findel, Mertert et Steinfort). Trois autres sites permettent le retrait des masques à pied : les Rotondes et le funiculaire du Kirchberg à Luxembourg, ainsi que Troisvierges.
À la suite du Conseil de gouvernement du 4 mai, tous les travailleurs frontaliers ont en effet reçu à leur domicile une lettre sur laquelle figure un code-barres leur permettant de venir récupérer sur l’un de ces douze sites les masques de protection contre le nouveau coronavirus, dans les deux semaines suivant la réception du courrier. Des lettres envoyées en différé, afin d’éviter un afflux trop important au même moment.
Dix millions de masques prévus
Une logistique bien rodée, toute militaire, qui rassure et satisfait pleinement les frontaliers, pour lesquels il s’est avéré souvent difficile, et coûteux, de se procurer des masques de l’autre côté de la frontière. «En France, c’est un peu le bordel ! Ici, c’est bien indiqué, bien organisé, l’emplacement est bien choisi !», approuve Damien, venu à moto sur le site de Belval. Il partagera les masques avec son fils, Naël, âgé de onze ans. «Je suis encore en télétravail pour quelques jours. Lui reprend l’école, il en aura plus besoin que moi pour l’instant.»
Pas moins de dix millions de masques ont été prévus pour les travailleurs frontaliers. Mercredi, l’armée avait déjà distribué environ 103 000 boîtes sur l’ensemble des douze sites, soit la moitié de ce qui est prévu.
Mercredi, les chiffres montraient également une répartition très équilibrée entre les différents frontaliers, comme le souligne le major Max Goeres, officier chargé de la logistique opérationnelle et qui s’assure quotidiennement du bon déroulement des opérations sur les différents sites de distribution : «Environ 50 % de Belges, 50 % de Français et 50 % d’Allemands sont déjà venus récupérer leurs masques. Ce sont les chiffres que nous escomptions. Nous attendons maintenant les autres frontaliers.»
Deux équipes de six militaires et deux employés de la Post assurent en alternance la distribution de masques de 7 h à 19 h en semaine et de 9 h à 17 h le week-end sur le site de Belval. «Nous distribuons ici 3 000 à 4 000 boîtes de 50 masques par jour», indique le major Goeres. «Environ 200 personnes au total travaillant au sein de l’armée sont déployées sur les différents sites, en coordination avec la Post et différentes administrations, comme la police par exemple.»
Une mission pour lutter contre le coronavirus qui s’ajoute aux autres déjà menées par l’armée : construction d’une structure hospitalière provisoire à proximité du CHL, installation de centres de soins avancés ou encore distribution de masques mi-avril pour les entreprises du pays et mise à disposition du personnel de la Musique militaire pour renforcer la hotline du ministère de la Santé.
«Simple et rapide»
Si le major Goeres reconnaît pudiquement que «d’après leurs commentaires, les gens sont satisfaits de la procédure et de la gérance qui a été effectuée», les frontaliers croisés ne tarissent pas d’éloges envers cette initiative.
À l’instar de Collin, qui travaille dans l’hôtellerie à Esch : «C’est génial ! Et rassurant aussi. En Belgique, on ne nous a pas encore distribué de masques. En plus, le système de drive-in est très rapide et très simple.» Même son de cloche du côté d’Adrien et Cécile, frontaliers français qui travaillent dans la restauration à Nospelt et au Bridel : «C’est efficace, rapide, utile. Quand on voit ce qui se passe en France, c’est vraiment un avantage d’être frontaliers. Peut-être que le Luxembourg a plus de moyens ou a plus anticipé, mais au moins, distribuer des masques aux frontaliers protège les salariés.»
Certains sont tellement reconnaissants qu’ils n’ont pas oublié d’apporter quelques petites douceurs pour les militaires, comme ce conducteur qui leur remet une boîte de chocolats au passage. «On nous en a offert plein !», confie un soldat, dans un sourire que l’on devine à travers son masque.
Tous les sites sont ouverts jusqu’au 24 mai inclus. Il sera toutefois encore possible pour les retardataires de récupérer leurs masques la semaine prochaine sur le site d’Esch-Belval et sur celui du Findel. Ceux qui n’auraient pas reçu de bon de retrait par courrier pourront venir munis de leur carte de sécurité sociale. Attention, pas de doublon possible ! Chaque salarié n’a droit qu’à une seule boîte «Un système informatique, mis en place par la Poste luxembourgeoise fait en sorte que les bons de retrait soient coordonnés avec les cartes de sécurité sociale», précise le major Goeres.
Tatiana Salvan