Alors que les cinémas sont toujours fermés, le drive-in s’impose comme une solution pour renouer avec l’expérience d’un bon film. Dès jeudi, la commune de Mamer se lance la première, pour trois mois de projections «à la fraîche». Et l’initiative devrait vite faire des petits.
Un peu partout dans le monde, la crise du Covid-19, nécessitant hygiène et bonne distanciation, implique un certain sens de la débrouille et de l’innovation. Dans cette optique, la voiture, boudée en raison du confinement, se trouve d’autres utilités : au Texas, elle permet de maintenir les cérémonies de remise de diplôme, pour de jeunes bacheliers paradant au volant. Au Danemark, elle offre aux supporters de l’équipe de foot de Midtjylland, privés de tribunes, la possibilité de suivre les matches qui se jouent dans le stade adjacent. Sans oublier les nombreuses messes de Pâques célébrées en mode «drive-in», avec des fidèles assistant à des offices en plein air depuis leur automobile.
Au Luxembourg, on se veut plus classique, et en réponse à l’anxiété des exploitants de cinéma, désireux de relancer l’activité coûte que coûte, même sous des contraintes drastiques, certains invitent le public à recharger la batterie de leur véhicule. En effet, dès jeudi, le «Mamer Autokino» se lance dans une opération de reconquête, après deux mois d’isolement devant son ordinateur et les plateformes de vidéo à la demande.
Au programme, des projections en plein air, de tout genre et multilingues, qui – c’est une première – devancent l’été pour «offrir un beau moment de détente», peut-on ainsi lire sur le site des cinémas Caramba. Car oui, il fallait s’en douter, derrière l’initiative, on trouve Raymond Massard, qui n’a pas attendu la crise sanitaire pour raviver la nostalgie des années 50, quand les cinéphiles garaient leur voiture devant l’écran géant et commandaient du pop-corn depuis leur siège.
En Allemagne, j’ai vu un drive-in rassemblant 400 voitures devant un petit écran. Autant alors regarder son GPS !
On lui doit ainsi, en 2010, la première action du genre, l’«Autokino Belval», idée reprise, plus tard, à Echternach. Dès le mois de mars, à l’heure où la société entière se confinait, l’homme pensait déjà à la solution du «drive-in», la gardant toutefois sous le pied pour des jours meilleurs. Il s’explique : «Ça n’aurait pas été très fin, dès le début de la crise, de venir avec des projets, difficiles, d’ailleurs, à appliquer dans le contexte. Là, on voit un peu de lumière au bout du tunnel. Tout le monde est plus réceptif. C’est une option aujourd’hui envisageable.»
C’est que lui aussi, en tant qu’exploitant cinématographique, a dû d’abord s’assurer de la survie de son activité, mise à mal par ce coup d’arrêt subi. Son ASBL, Images animées, qui couvre le Kursaal (Rumelange) et le Waasserhaus (Mondorf-les-Bains) devrait, selon ses dires, «s’en remettre», grâce à des «loyers raisonnables» et une trésorerie solide. Pas de raison, pour autant, d’attendre un mouvement collectif, surtout si c’est pour avancer dans l’ombre du tentaculaire Kinepolis. Il a donc envoyé un mail à de «nombreuses communes» au Grand-Duché, détaillant son envie d’air frais. En réponse, pour l’instant, une grosse «demi-douzaine» s’est montrée «très intéressée», dont Mamer, premier de cordée. «D’autres suivront, c’est certain», prédit-il.
L’entente se base sur une méthode, simple et déjà éprouvée : d’un côté, une ville ou village met à disposition une «surface exploitable» (comprendre assez grande, plane…) pour accueillir des spectateurs et leurs voitures. De l’autre, Raymond Massard et son équipe s’attachent à ce que l’expérience soit efficiente, en veillant au montage, aux moyens techniques (écran, son) et à la programmation (droit des films). Le tout dans un souci de confort. «En Allemagne, j’ai vu un drive-in rassemblant 400 voitures devant un petit écran. Autant alors regarder son GPS !» (il rit).
Les gens sont contents de revoir des films en collectif, même en voiture !
Sur le parking du magasin Bauhaus à Capellen (les fans de bricolage pourront faire le plein avant la séance), on table plutôt sur une centaine d’automobiles, disposées sur un terrain «tout en largeur», afin de rendre le visionnage agréable. «Organiser un tel évènement, c’est un métier», souffle-t-il en habitué. Ce qui l’empêche pas, en tant que fils et petit-fils d’exploitants de Rumelange, d’avoir encore des surprises, comme lorsqu’il consulte sa billetterie en ligne, qui s’agite depuis trois jours.
«Je n’ai jamais vu de telles ventes en si peu de temps», lâche-t-il, enthousiaste, chiffres à la clé. Jeudi, The Gentlemen, film de Guy Ritchie qui ouvre le bal, affiche complet, tandis qu’il ne restait hier que trois places pour Die Känguru-Chroniken – «qui était n° 1 en Allemagne avant l’arrivée du Covid-19» –, au menu vendredi. Et ça n’arrête pas… «Les gens sont contents de revoir des films en collectif, même en voiture !, soutient Raymond Massard. On entend souvent la même remarque : « ça nous manque ! »
«Avec la crise, les gens réapprécient les choses qui semblaient acquises.» Histoire que les retrouvailles soient bonnes, son «Mamer Autokino» compte éviter des films trop «intellectuels, lourds», voire «dépressifs». De toute façon, selon lui, ce n’est ni le lieu ni le moment : «Le drive-in, c’est une autre expérience de cinéma, affirme-t-il. Il s’agit de miser sur l’ambiance, sur le côté festif, même si ce dernier aspect est toujours restreint. On est là pour s’amuser, un peu comme à la kermesse ! »
Pour ce faire, Raymond Massard va ressortir des cartons les films «coupés dans leur élan de sortie», début mars, ne prévoyant aucune nouveauté, en dehors de la «prochaine réalisation d’Adolf El Assal». D’ici là, celui qui prêche pour la défense des «cinémas de quartier», à la santé encore plus affaiblie par le coronavirus, avoue préparer «sa vieille Citroën» pour l’évènement. «Tant qu’elle roule, ça me suffit !», rigole-t-il. Mieux vaut quand même vérifier la batterie.
Grégory Cimatti
Lieu : Parking du magasin Bauhaus à Capellen.
Date : Dès jeudi, et jusqu’au 2 août.
Tarif s : 15 euros par voiture (avec au maximum 4 personnes par véhicule); pour les films familiaux : 10 euros.
Projection : Du mercredi au samedi, à 21 h. Les dimanches et jours fériés, il y a trois rendez-vous à respectivement 14 h, 17 h et 20 h. Relâche les lundis et mardis.
L’accès au site est possible une demi-heure avant la projection.
Condition : Grâce à un écran LED géant, l’image est brillante, même en journée, et le son est diffusé par l’autoradio.
Restauration : Snacks et boissons sont disponibles auprès d’une sélection de «food trucks».
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