La pandémie de coronavirus risque de venir aggraver en 2020 la situation des populations au bord de la famine, déjà en forte augmentation en 2019, et qui pourraient doubler en 2020 à cause du coronavirus, selon un rapport et une projection de l’ONU.
Quelque 135 millions de personnes dans 55 pays affectés par les conflits et les problèmes climatiques étaient en situation « d’insécurité alimentaire aiguë » en 2019, indique le rapport mondial sur les crises alimentaires 2020, publié mardi par des agences de l’ONU et des bailleurs de fonds internationaux. Il s’agit du chiffre le plus élevé depuis quatre ans qu’existe cette étude, présentée mardi au Conseil de sécurité par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM). Un chiffre qui pourrait cependant doubler, à 265 millions de personnes en 2020, en raison de « l’impact économique » de la pandémie de coronavirus, selon une projection du PAM dévoilée mardi en marge du rapport.
« Dans ce contexte, il est vital que les programmes d’aide alimentaire soient maintenus, dont ceux du PAM, qui offrent une bouée de sauvetage à près de 100 millions de personnes vulnérables dans le monde », souligne le PAM. « Des gens qui avaient besoin d’aide vont avoir besoin d’aide plus longtemps et de nouvelles personnes vont se retrouver en situation d’insécurité alimentaire à cause du Covid-19 », a déclaré Arif Husain, économiste principal du PAM, auteur de cette étude et coauteur du rapport présenté mardi. « Ce Covid n’aurait pu arriver à un pire moment », a-t-il estimé, alors que la situation était déjà en train de se dégrader.
En 2019, c’est encore l’Afrique qui paye le plus lourd tribut à cette situation, avec 73 millions de personnes touchées. Parmi les pays dont la population est la plus fortement affectée figurent le Soudan du Sud (61%), le Yémen (53%) ou l’Afghanistan (37%). « Les conflits étaient toujours le principal moteur des crises alimentaires en 2019, mais les conditions climatiques extrêmes et les chocs économiques sont devenus de plus en plus importants », indique le rapport . L’augmentation de 22 millions de personnes touchées par rapport à l’édition 2019 prend en compte l’ajout de pays ou de régions supplémentaires, mais en comparant les 50 pays déjà dans les rapports 2019 et 2020, la population en crise « est passée de 112 à 123 millions ».
Avant la pandémie, 21 000 décès liés à la faim
Cette aggravation de l’insécurité alimentaire est notamment sensible dans des zones de conflit comme la République démocratique du Congo et le Soudan du Sud, ou des pays touchés par une aggravation de la sécheresse ou de leur situation économique, comme Haïti, le Pakistan et le Zimbabwe. Avec le coronavirus, la situation pourrait encore se dégrader car ces pays ont « une capacité très limitée voire inexistante à faire face aussi bien aux conséquences sanitaires qu’économiques » de cette crise sanitaire, toujours selon le rapport.
Outre les problèmes logistiques qu’engendre cette crise, qui menace l’approvisionnement des pays recensés dans le rapport, la pandémie « pourrait augmenter le niveau d’insécurité alimentaire d’autres pays », indique le rapport, qui cite notamment les pays exportateurs de pétrole, alors que l’or noir a subi cette semaine un plongeon historique. Un constat à l’unisson de celui formulé par l’ONG Oxfam, ce mardi, qui cite elle l’Afrique de l’Ouest, où l’impact de l’épidémie de Covid-19 ajoutée aux problèmes de sécheresse et à l’insécurité pourrait provoquer un quasi-triplement du nombre de personnes menacées par la faim, à 50 millions en août contre 17 millions en juin.
Parmi les pays de la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), figurent quelques-uns des plus gros importateurs de riz au monde, lesquels ont dû observer avec inquiétude la flambée des prix de cette denrée de base, ces dernières semaines, qui s’est finalement calmée avec la réouverture partielle des exportations vietnamiennes. Chaque jour, a rappelé Arif Husain, « environ 21 000 personnes meurent dans le monde de causes liées à la faim ». « C’est la situation habituelle dans le monde, avant la pandémie. »
AFP/LQ