Amazon a décidé de suspendre son activité en France pour 5 jours, après le jugement mardi du tribunal judiciaire de Nanterre lui ordonnant de limiter ses livraisons aux seuls produits essentiels sous peine d’amende de 1 million d’euros par infraction constatée.
Saisi par Sud-Solidaires, premier syndicat chez Amazon, le tribunal avait jugé mardi que la société avait « de façon évidente méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés ». Il lui ordonnait en conséquence de conduire une évaluation des risques avec les représentants du personnel, et entretemps de se limiter aux seuls « produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux », sous astreinte de 1 million d’euros d’amende par jour de retard et par infraction constatée.
Dans un communiqué mercredi, le groupe indique qu’il pourrait « être contraint de suspendre l’activité » de ses centres de distribution, restreignant un service « devenu essentiel pour les millions de personnes à travers le pays qui souhaitent avoir accès aux produits dont elles ont besoin chez elles pendant cette crise ». Le groupe récuse toute « menace » ou « chantage », expliquant que la décision du tribunal le laisse « perplexe » compte tenu des mesures de sécurité déjà mises en œuvre (contrôles de température, masques, distanciation sociale…). Il a annoncé faire appel, mais la décision étant de droit exécutoire, l’appel n’est pas suspensif et doit s’appliquer 24 heures après la notification, reçue mercredi matin par l’entreprise. Amazon a immédiatement convoqué un CSE (comité social et économique) pour 15 h mercredi, avec pour ordre du jour une fermeture de ses sites pour cinq jours (du 16 au 21 avril), selon une source syndicale. Ce qu’il a entériné en début de soirée.
Le groupe propose également de demander une convention de chômage partiel pour ses salariés à l’administration, et précise vouloir assurer leur rémunération à 100%. « Nous devons d’ici 24 heures restreindre l’activité aux seuls produits essentiels, sous peine d’amende de 1 million d’euros par jour ou par infraction. Qu’est-ce qu’une infraction ? Nous avons un catalogue de 250 millions de références, comment applique-t-on concrètement la notification de façon opérationnelle en termes de risque ? », interroge une porte-parole du groupe.
Plusieurs risques de contamination relevés dans le jugement
En clair, face au risque d’être mis à l’amende pour l’envoi d’un produit non essentiel, Amazon préfère fermer, au moins provisoirement, ses sites. Les syndicats dénoncent depuis le début du confinement le traitement de commandes de produits « non essentiels », tels que livres, musique, produits de beauté, etc. Amazon avait annoncé le 21 mars dernier cesser de prendre des commandes jugées « moins prioritaires » sur ses sites français et italien, mais cette notion ne recoupe pas celle de « produits essentiels », les produits alimentaires, d’hygiène et de santé étant très minoritaires dans l’activité du groupe. Amazon a fait l’objet de cinq mises en demeure de la part de l’inspection du travail, dont trois ont été levées.
Le groupe, qui emploie près de 10 000 salariés dont un tiers d’intérimaires dans ses six entrepôts français, assure avoir distribué « plus de 127 000 paquets de lingettes désinfectantes, plus de 27 000 litres de gel hydroalcoolique, ainsi que plus de 1,5 million de masques ». Le tribunal de Nanterre relève plusieurs risques de contamination dans son jugement, notamment au passage des portiques de sécurité qui équipent les sites. Il déplore aussi que les comptes rendus des CSE n’aient pas été portés à sa connaissance, et y voit un défaut de concertation avec les représentants du personnel.