« Pas peur » de la guerre commerciale : le président chinois Xi Jinping est descendu dans l’arène, vendredi, en assurant que son pays était prêt à répliquer aux prochaines salves de l’Amérique de Donald Trump.
En un an et demi d’affrontement à coups de droits de douane, l’homme fort de Pékin s’est très rarement prononcé publiquement sur le conflit qui accentue le ralentissement économique de son pays. Changement de ton vendredi au Palais du peuple, l’immense siège du parlement chinois à Pékin : face à un aréopage de personnalités étrangères, dont l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger, Xi Jinping a pris des accents parfois anti-occidentaux pour dénoncer les exigences de Washington.
« Nous ne voulons pas déclencher une guerre commerciale mais nous n’en avons pas peur », a déclaré le secrétaire général du Parti communiste au pouvoir. « Nous répliquerons si nécessaire », a-t-il prévenu, alors que les États-Unis menacent d’imposer de nouvelles sanctions commerciales aux produits chinois le 15 décembre si un accord « préliminaire » n’est pas trouvé d’ici là. Dans le viseur de l’administration Trump : de l’électronique, comme les téléphones portables.
Xi Jinping ne veut plus rien se laisser imposer
Chinois et Américains ont convenu le mois dernier d’aboutir à un accord « préliminaire », aux termes duquel Washington renoncerait à de nouvelles sanctions, tandis que Pékin achèterait massivement des produits agricoles à l’oncle Sam. Les discussions semblent toutefois patiner. « Si nous ne trouvons pas d’accord avec la Chine, j’augmenterai tout simplement encore plus les tarifs douaniers », a menacé mardi Donald Trump. Mercredi, il a accusé les Chinois de ne pas « faire leur part » du travail pour parvenir à un compromis.
Selon le Wall Street Journal, Pékin a invité les négociateurs américains à se rendre en Chine pour une nouvelle série de discussions, mais ces derniers exigeraient au préalable que le régime communiste s’engage à des concessions. Au-delà d’un éventuel accord préliminaire, Washington exige de la Chine des réformes structurelles : que Pékin s’engage à ne plus subventionner ses entreprises publiques, ouvre ses marchés publics aux entreprises étrangères et cesse d’obliger ces dernières à accorder des transferts de technologies. Sans évoquer directement ces exigences, Xi Jinping a laissé entendre que son régime ne se laisserait rien imposer. Il a promis que le pays poursuivrait sa politique de « réforme et d’ouverture » mais qu’il le ferait avec prudence, « comme quand on met le pied sur des pierres en traversant la rivière ». La Chine « est un grand pays, elle est comme un paquebot », a-t-il observé. « Nous ne pouvons pas nous permettre de faire des erreurs. Si un paquebot comme la Chine chavire, on ne pourra pas le remettre à flot ».
La guerre commerciale peut-elle déboucher sur une guerre tout court ?
Dans le processus d’ouverture économique de la Chine, « la condition préalable est que la souveraineté financière de notre pays soit garantie », a-t-il lancé, avant de mettre en garde contre un retour aux « humiliations » de l’époque des concessions étrangères. « Ce que nous voulons, c’est rétablir notre rôle et notre place dans le monde et ne pas revivre l’humiliation de l’ère semi-coloniale », a-t-il martelé. « Cette époque ne reviendra pas ».
Selon l’économiste Diana Choyleva, du cabinet Enodo Economics, les propos du président chinois « confirment que les Chinois ne bougeront pas » dans la négociation. « Le style de négociation de Donald Trump et le manque de confiance qu’il a instauré (…) ont convaincu (Xi Jinping) que rien ne sert de faire des concessions », estime-t-elle.
Outre la guerre commerciale, Chinois et Américains s’opposent à propos de la crise politique à Hong Kong. À la grande colère de Pékin, le Congrès américain vient d’approuver un texte de soutien aux manifestants hongkongais, au risque de faire dérailler les dures tractations commerciales. Henry Kissinger, artisan du rapprochement de son pays avec la Chine dans les années 1970, a dit jeudi redouter que la guerre commerciale puisse déboucher sur une guerre tout court. « La Première guerre mondiale a éclaté à la suite d’une crise relativement mineure », a-t-il rappelé.
LQ/AFP