Avec un Brexit toujours plus incertain et la date du 31 octobre qui approche à grands pas, les entreprises luxembourgeoises ne savent pas sur quel pied danser. Mais quels sont en définitive les problèmes liés à cette incertitude ?
«Depuis le début du Brexit, il est en effet difficile d’y voir clair. Je ne parlerai pas de problème, mais plutôt d’une gêne pour les entreprises qui commercent avec le Royaume-Uni. Gérer une entreprise, c’est prévoir l’avenir, investir dans l’avenir. Avec le Brexit, dans la mesure où nous ne savons pas quelles seront les règles en matière de commerce, de douane, de livraison, de droits, etc., nous ne pouvons pas prévoir et nous sommes dans l’attente», explique le patron d’une entreprise luxembourgeoise ayant des activités outre-Manche et voulant rester discret pour ne vexer personne tant le sujet est idéologique et politique au Royaume-Uni.
Un autre souligne que «ce sera surtout, en cas de « no deal », un problème pour les distributeurs qui devront faire face aux droits de douane et au respect des délais de livraison». Même chose pour Martin Schoonbroodt, le directeur de Probiotic Group, une société qui développe des produits de nettoyage respectueux de l’environnement dont le marché est en croissance et qui exporte au Royaume-Uni : «Avec un « no deal », c’est effectivement mon distributeur qui sera davantage impacté que moi, car c’est lui qui va gérer les délais de livraison et les droits de douane. Il sait le faire car il exporte déjà en dehors de l’EU. Mais cela représente du temps et du travail en plus. Et il y a un risque qu’il répercute ce coût en temps et en argent sur des entreprises comme la mienne.» «On est attentifs à la situation et on va rester flexibles et réactifs pour nos clients qui sont finalement dans la même situation que nous», soupire le premier des deux patrons interrogés.
Du côté des transporteurs, le directeur financier de la société de transport Arthur Welter, Ben Frin, avait déjà en début d’année soulevé le problème du retour d’une frontière entre l’Europe et le Royaume-Uni à l’occasion d’une conférence de la Chambre de commerce sur le sujet en affirmant que «si demain les douanes devaient contrôler un dixième des camions entrant au Royaume-Uni, elles se retrouveraient avec une file de 30 kilomètres à la frontière».
Pas de «cas de force majeure»
Aujourd’hui, à quelques jours de la date butoir, les problèmes et les questions sont les mêmes qu’en début d’année et fatiguent les entreprises. Ces dernières souhaitent d’ailleurs accorder de moins en moins de temps à la question du Brexit tant celui-ci fait finalement du surplace.
C’est ce qui explique aussi le peu d’engouement des entreprises pour la helpline mise en place par la Chambre de commerce dans la mesure où, là encore, il est difficile de faire un pari sur l’avenir. «Cela fait plus de deux ans et nous n’avons aucune réponse. On sait juste qu’avec un accord, il y aura un délai pour se mettre d’accord sur les différentes réglementations futures et que sans accord, le Royaume-Uni sera un pays tiers. Dépenser du temps et de l’argent pour se préparer à l’inconnu, c’est tout de même assez difficile», souligne encore un chef d’entreprise.
De son côté, la Chambre de commerce assure que dans l’ensemble les entreprises luxembourgeoises sont bien préparées au Brexit. Pour autant, elle a tout de même conseillé aux entreprises ayant une relation avec le Royaume-Uni de faire un «auto-diagnostic» afin d’identifier les conséquences d’un Brexit sans accord, notamment au niveau des contrats.
Car ce qui est certain, légalement, avec un Brexit sans accord mettant à mal la bonne exécution d’un contrat, c’est qu’il ne sera pas possible (ou du moins très compliqué) d’invoquer «un cas de force majeure» et que toutes les entreprises devront, Brexit ou non, être en mesure d’assurer leurs obligations contractuelles vis-à-vis de leurs partenaires commerciaux britanniques et autres.
Jeremy Zabatta