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[Mondiaux à Doha] : «Ah bon, il fait chaud au Qatar ?»


Pour Hakim Bagy, courir sous une forte chaleur demande préparation et adaptation. (Photo : DR)

Ex-champion de France de marathon (1999), Hakim Bagy évoque la question de la chaleur qui fait tant débat aux Mondiaux de Doha. Le Longovicien balaie la polémique d’un revers de la main. Explications.

Suivez-vous ces Mondiaux?
Hakim Bagy : Je suis ces championnats du monde de Doha à travers les réseaux sociaux.

Et quelle image en avez-vous?
J’ai vu plus de gens allongés à même le sol ou assis sur des fauteuils roulants qu’autre chose. Ça m’interpelle.

La question de la chaleur est omniprésente durant ces Mondiaux. Qu’en pense le marathonien que vous êtes ?

Ah bon, il fait chaud au Qatar ? Plus sérieusement, je tiens déjà à le préciser d’emblée pour que les choses soient claires : ma réflexion n’a rien à voir avec la politique. Concrètement, que ces Mondiaux se déroulent à Doha, New York, Paris ou je ne sais où, elle serait la même. Ce qui m’intéresse, c’est le sport et uniquement le sport. Donc, je vais parler de sport. Mercredi, au milieu de ces images et autres vidéos où l’on voit tous ces sportifs au bord de l’évanouissement, un ami poste très intelligemment le chrono de Muktar Edris, vainqueur du 5 000 m : 12’58″85. Ce qui est plutôt rapide, non ? (NDLR : le record du monde, 12’37″35, est l’œuvre de Kenenisa Bekele en 2004). Il réalise même sa meilleure performance de la saison. Le premier Européen, le Norvégien Jakob Ingebrigtsen, a couru en 13’02″93. Alors oui, il y a cette fameuse image d’un athlète soutenant un autre par le bras pendant plus de 100 m afin de l’aider à franchir la ligne d’arrivée. Et on met ça sur le compte de la chaleur. Je veux bien, mais comment se fait-il que la victoire s’est jouée au sprint, que les trois premiers se tiennent en moins de trois secondes ?

Muktar Edris, vainqueur du 5000 mètres (Photo : AFP).

Muktar Edris, vainqueur du 5000 mètres (Photo : AFP).

Et ce d’autant que ce 5 000 m se déroule sur piste, à l’intérieur du stade climatisé… D’ailleurs, ça aussi ça a fait polémique. Qu’en pensez-vous?
Sur ce terrain-là, je dirais simplement qu’avant de s’indigner sur cette climatisation, il serait peut-être déjà bon de savoir ce que l’on fait, nous, pour la planète. Consommons-nous moins de plastique? Roulons-nous dans des voitures moins polluantes? Bref, cette histoire relève de l’extrasportif et, comme je le disais, je tiens à rester sur l’aspect purement sportif de ces Mondiaux.

Revenons donc à cette question de la chaleur : les épreuves du 50 km marche et du marathon féminin ont été marquées par de nombreux abandons. En grande majorité liés, semble-t-il, aux conditions climatiques. Que cela vous inspire-t-il?
Si vous permettez, moi aussi, j’ai une petite question : depuis quand sait-on que le Qatar accueillerait ces championnats du monde?

Tu ne cours pas de la même manière un marathon à Doha qu’à Berlin

Depuis le 22 novembre 2014…
Très bien. Ça fait donc cinq ans. Et ce n’est qu’aujourd’hui que l’on se rend compte qu’il fait chaud à Doha? Quand j’étais athlète de haut niveau, que j’avais une échéance importante, un championnat d’Europe, un championnat du monde ou je ne sais quoi, je me préparais en conséquence. Que ce soit au niveau de l’alimentation, des spécificités du parcours mais aussi des conditions climatiques. Si je le jugeais nécessaire, je passais deux ou trois semaines en stage. Tout le monde parle de la chaleur, mais, pour moi, les véritables sujets sont la préparation et l’adaptation. Tu ne cours pas de la même manière un marathon à Doha qu’à Berlin où Bekele s’est retrouvé, dimanche, à deux secondes de la meilleure performance mondiale. Et alors qu’il l’a couru dans le vent et sous la pluie.

En parlant de pluie, on souligne souvent le taux d’humidité élevé…
Et alors? C’est la même chose que pour la température. Ce n’est pas un facteur nouveau mais connu.

Votre discours va à l’encontre de ce que l’on peut entendre actuellement sur le sujet…
J’en suis conscient. Mais cette réflexion se base sur un vécu personnel. En 2001, les Mondiaux se déroulent à Edmonton. À 900 m d’altitude. Il y faisait vraiment chaud. Le départ avait été donné, de mémoire, vers 18 h. Khalid Khannouchi, le recordman du monde de l’époque (NDLR : 2 h 05’38 »), grand favori, a finalement abandonné. Pourquoi? Peut-être n’a-t-il pas pris en compte les spécificités climatiques. De mon côté, et alors qu’en avril, j’établissais mon record personnel lors du marathon de Paris en 2 h 11’06 » (2001), je savais que je ne pouvais pas partir sur les mêmes bases. Sur la même allure. Plus prudent, je finis en 2 h 20’43 », à la 16e place. Pas mal, non? Et là, j’en reviens à Doha : Ruth Chepngetich s’impose en 2 h 32’43 » et alors que sa meilleure performance personnelle est de 2 h 17’08 ». Elle a eu l’intelligence de s’adapter. Bref, à mon sens, on ne peut pas pointer le Qatar du doigt parce qu’il y fait chaud, c’est absurde. Et puis, en 94, la Coupe du monde de football aux États-Unis s’est déroulée par 40 °C. En 2003, lors des Mondiaux de Paris, c’était la canicule. Chaque été, lors du Tour de France, les gars roulent tous les jours 200 km ou plus pour le spectacle, mais là personne ne trouve rien à redire.

En 2017, vous avez pris la 20e place du Marathon des Sables…
Oui et la 3e est revenue à un… Anglais. Tiens, en parlant d’Angleterre, j’ai vu des images du dernier Mondial de cyclisme dans le Yorkshire, j’avais l’impression que les gars pédalaient dans une rivière. Je n’ai entendu personne critiquer l’Angleterre pour ça (rire).

Durant ces Mondiaux de Doha, un autre sujet fait polémique : le peu de spectateurs présents dans le stade. Qu’en pensez-vous?
À Paris, en 2003, le stade était plein, c’était magnifique et j’ai même fait un tour de piste supplémentaire pour profiter de ce moment! Alors, se retrouver à courir dans un stade vide, pour moi, c’est inadmissible et scandaleux! Tout comme il est inadmissible, si ce que j’entends est vrai, que des athlètes soient obligés d’attendre durant des heures les navettes devant les conduire au stade ou à l’hôtel. Mais Doha, ce n’est pas Paris. Comparons ce qui peut l’être.

Propos recueillis par Charles Michel

«Il n’y a pas de choc thermique»

Jean-Sébastien Dauch, directeur général de la FLA, se trouve à Doha. Il ne se plaint pas des conditions. Au contraire.

Depuis près de dix jours, Jean-Sébastien Dauch se trouve au Qatar où il assista, notamment, en tant que directeur général, au congrès de la fédération internationale (IAAF). Alors le soleil de Doha, il connaît bien. Hier, il était en mission «repérage» afin d’optimiser les déplacements de Bob Bertemes avant son entrée en lice, aujourd’hui, lors des qualifications du concours du poids.
«Là, il est 16 h 30 et il fait 38 °C.» Dans la bouche du Luxembourgeois, ceci n’est pas une plainte mais un simple constat. À proximité du Khalifa Stadium, le représentant de la FLA ne nie pas l’évidence : «Il fait très lourd et humide. Pas forcément évident à gérer pour les Européens», dit-il quelque peu amusé tout en ajoutant une précision importante : «Mais ça, on le savait avant d’arriver ici. D’ailleurs, Ben Sathre (NDLR : néo-Luxembourgeois) aurait pu disputer le marathon lors de ce Mondial, mais vu que les conditions n’étaient pas réunies pour réaliser les minima en vue des JO de Tokyo, il a décidé, avec notre accord, de ne pas y aller.»

Jean-Sébastien Dauch, entre Bob Bertemes et son entraîneur. (©Jean-Sébastien Dauch)

Jean-Sébastien Dauch, entre Bob Bertemes et son entraîneur. (©Jean-Sébastien Dauch)

Les horaires sont respectés

À l’en croire, Bob Bertemes s’est très bien adapté à des conditions qui, évidemment, sont plus ou moins contraignantes en fonction des disciplines pratiquées. Et ce d’autant que l’enceinte du Khalifa Stadium est climatisée. «Pour rallier la chambre d’appel à la piste, explique-t-il, les athlètes passent par un tunnel dans lequel la température diminue progressivement pour arriver à 24 °C. Il n’y a donc pas de choc thermique.» Depuis l’hôtel où il se trouve en compagnie du reste de la délégation, Jean-Sébastien Dauch est à «30 min en bus du stade». Un trajet pour lequel il n’a jamais eu à attendre des plombes l’une ou l’autre navette. «Pour l’instant, je n’ai rien à dire à ce sujet, les horaires sont respectés.» Ce qui, à l’en croire, n’est pas forcément une mince affaire au vu du trafic. «Avec le congrès, il y avait plus de 8 000 personnes concernées…»
C.M.