Des milliers de personnes se rassemblent spontanément dans les rues de Buenos Aires pour danser au rythme d’une cumbia qui fustige le président Mauricio Macri : ce nouveau mode de mobilisation est devenu viral avant la présidentielle du 27 octobre en Argentine.
Ces manifestations qui durent à peine quelques minutes, sur le modèle des « flashmobs », sont organisées à travers les réseaux sociaux, où des tutoriaux sont diffusés pour apprendre la chorégraphie sur le rythme accrocheur de la chanson « Si vos querés » (Si tu veux). Des milliers d’Argentins se sont ainsi rassemblés en fin de semaine dernière dans plusieurs quartiers de la capitale pour exprimer leur mécontentement contre le gouvernement du président de centre-droit Mauricio Macri, qui brigue un deuxième mandat.
« Je n’arrive pas à payer mon loyer »
« Je n’arrive pas à payer mon loyer/Je ne sais pas quoi faire, ne sais pas quoi faire/Travailler et travailler toute la journée/En plus le bus a augmenté et je me précarise », dit la chanson du groupe de « cumbia dissidente » Sudo Marika, né avec l’objectif de « critiquer » Macri après sa victoire aux élections de 2015. Les paroles racontent la crise économique argentine — la récession, l’inflation galopante, les 32% de pauvreté… — et appellent à un changement de gouvernement. « Macri s’en est allé/Macri s’en est allé/Si tu veux Larreta aussi », dit la chanson en référence aux résultats des primaires du 11 août, sorte de baromètre avant la présidentielle qui a propulsé comme grand favori, Alberto Fernandez, le candidat de centre-gauche, avec 16 points d’avance sur Mauricio Macri.
« Une fois la musique lancée, on se met à danser »
Figure de la majorité présidentielle, le maire de Buenos Aires, Horacio Rodriguez Larreta, pourrait, lui, en revanche être réélu le 27 octobre, journée au cours de laquelle se déroulera également un scrutin municipal « Dans chaque lieu choisi, sans avis préalable, une fois la musique lancée, on se met à danser de manière synchronisée. Une fois que la musique s’achève, on se disperse rapidement », expliquent aux potentiels participants les organisateurs anonymes de #SiVosQuerés, qui communiquent via WhatsApp, Twitter, Facebook et Instagram. Le phénomène a débuté fin août, sur la grande avenue Corrientes dans le centre de la capitale. D’abord de manière confidentielle, il s’est diffusé via les réseaux sociaux. « Cela me paraît vital, parce que les quatre années (de mandat de Macri) ont été horribles. Avec la danse, on peut réveiller d’autres personnes », raconte Berenice, 29 ans, dans le quartier central de Puerto Madero, où s’est déroulé un de ces rassemblements. A travers cette campagne, ses promoteurs veulent attirer « ceux qui pensent que choisir le parti au pouvoir est la meilleure option ».
La puissance d’un mouvement collectif
« La puissance de cet action est son caractère collectif », assurent-ils sous couvert d’anonymat. Ils nient être associés à un quelconque parti, même si beaucoup les lient à l’opposition de gauche et au kirchnérisme L’ex-présidente Cristina Kirchner (2007-2015) figure comme candidate à la vice-présidence sur le ticket d’Alberto Fernandez. Le mot « joie » est souvent répété par les participants, comme un défi à la « révolution de la joie » que préconisait Mauricio Macri lors de sa victoire en 2015 face au mécontentement que suscitaient alors la hausse des prix et les multiples accusations de corruption contre le gouvernement de Cristina Kirchner, elle-même mise en cause par la justice dans plusieurs affaires. En Argentine, il n’est pas rare de voir les hommes et femmes politiques se livrer à quelques pas de danse pendant les meetings. Mauricio Macri l’a fait, Cristina Kirchner aussi. Et la cumbia, un style musical dansant originaire de Colombie, s’est popularisée depuis longtemps dans toute les couches sociales d’Amérique latine. « Je pense qu’une telle chanson peut renverser une élection parce qu’elle unit », s’enflamme Pablo Giordano, venu faire quelques pas de danse à Puerto Maduro.
AFP