La journaliste française Elise Lucet s’élève contre la directive européenne sur le secret des affaires, que le Parlement européen pourrait voter le 16 juin et qui menace la liberté de la presse.
La présentatrice du JT de 13h et de l’émission Cash Investigation sur France 2 a lancé le 4 juin une pétition, soutenue par le collectif « Informer n’est pas un délit », qui a déjà réuni plus de 160 000 signatures, une semaine à peine après son lancement.
«Bientôt, les journalistes et leurs sources pourraient être attaqués en justice par les entreprises s’ils révèlent ce que ces mêmes entreprises veulent garder secret. (…) Sous couvert de lutte contre l’espionnage industriel, le législateur européen prépare une nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme, le « secret des affaires », dont la définition autorise ni plus ni moins une censure inédite en Europe», peut-on lire sur Change.org.
«Avec la directive «Secret des Affaires», vous n’auriez jamais entendu parler du scandale financier de LuxLeaks, des pesticides de Monsanto, du scandale du vaccin Gardasil… Et j’en passe», poursuit la pétition. « Notre métier consistant à révéler des informations d’intérêt public, il nous sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique de nos pays », plaide encore Elise Lucet.
Dans une interview à Télérama, elle déclare : « Dans ce texte, ce sont les entreprises elles-mêmes qui diraient ce qui relève ou non du « secret des affaires ». Les juges saisis se transformeraient en rédacteurs en chef qui décident de l’intérêt ou non d’une information. Et c’est encore les entreprises qui détermineraient leur préjudice éventuel et leurs propres dommages et intérêts, qui se chiffreraient sans doute en millions d’euros ! On marche sur la tête. Je comprends que les entreprises aient envie de protéger leurs secrets industriels. Mais là, ça va vraiment trop loin. »
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— Collectif_INPD (@Collectif_INPD) 10 Juin 2015
Il y a plusieurs semaines, un texte similaire avait été retiré de la loi Macron en France sous la pression du collectif « Informer n’est pas un délit ». Il réapparaît cette fois à l’échelon européen.
« On nous met un pistolet sur la tempe »
Selon Elise Lucet, cette directive est révélatrice du climat politique actuel et du poids des lobbys économiques : « Quand on s’approche trop près des secrets, la machine économique se met à réagir. Aujourd’hui, elle a décidé d’investir les terrains législatif et judiciaire. La mise en examen au Luxembourg de notre journaliste Edouard Perrin, à l’origine de l’affaire LuxLeaks, ne présage rien de bon. C’est pourquoi il faut se battre pour défendre le travail d’enquête des journalistes », affirme-t-elle à Télérama.
Selon la journaliste, « au prétexte de protéger les intérêts économiques des entreprises, on légitime l’opacité ». « Avec une telle épée de Damoclès au-dessus d’eux, les lanceurs d’alerte n’auront plus envie de parler. Déjà que ce n’est pas facile… On nous met un pistolet sur la tempe, l’information est en grand danger. C’est pourquoi nous réclamons le retrait pur et simple du texte dans notre pétition. »
Edwy Plenel et Fabrice Arfi de Mediapart, ou encore Patrick Cohen de France Inter… Plusieurs journalistes soutiennent la pétition de la présentatrice de France 2. Tout comme la députée européenne Eva Joly et les lanceurs d’alerte Hervé Falciani (SwissLeaks) et Antoine Deltour (LuxLeaks).
Le Quotidien