L’homme fort du gouvernement italien et patron de l’extrême droite de la péninsule, Matteo Salvini, a lancé lundi à Milan un appel pour une alliance des nationalistes en vue des élections européennes de mai, une entreprise qui ne va néanmoins pas de soi.
« Nous sommes en train d’élargir la communauté, la famille. Nous sommes en train de travailler pour un nouveau rêve européen », a lancé Matteo Salvini, entouré de Jörg Meuthen, du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), d’Olli Kotro, des Vrais Finlandais, et d’Anders Vistisen, du Parti populaire danois.
« Aujourd’hui pour de nombreux citoyens et peuples, l’Union européenne représente un cauchemar », a-t-il martelé, en présentant ce projet baptisé « L’Europe du bon sens, les peuples relèvent la tête ».
« Nous travaillons pour remettre au centre le travail, la famille, la sécurité, la protection de l’environnement, l’avenir des jeunes », avec des « mouvements alternatifs » à « l’alliance entre les démocrates-chrétiens et les socialistes » au pouvoir depuis des décennies à Bruxelles, a-t-il dit.
Matteo Salvini a reconnu que les mouvements souverainistes avaient « des différences », mais il a expliqué qu’ils se fondaient « sur les identités et les traditions » et a assuré que leur alliance devait encore s’agrandir avant le scrutin pour devenir « une force de gouvernement et de changement en Europe ».
Grand meeting le 18 mai
« Les fossoyeurs du rêve européen sont les bureaucrates, les bien-pensants, les banquiers, qui gouvernent l’Europe depuis trop longtemps. Nous voulons ramener le peuple à gouverner l’Europe », a encore lancé Matteo Salvini, lors de cette conférence de presse organisée dans un hôtel de luxe de Milan, en présence de quelque 200 journalistes.
« Ce projet vise à défendre les droits de chaque État membre à trouver leur propre voie », a expliqué le Danois Anders Vistisen. « Si on laisse nos opposants nous diviser, on verra plus de Bruxelles, moins de sécurité, et le multiculturalisme et l’identité de l’Europe prendront le pas sur les identités nationales ».
L’objectif est d’être « le groupe le plus important au Parlement européen », a noté Matteo Salvini, en confirmant l’organisation d’un grand meeting européen le samedi 18 mai à Milan. Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (RN) français, y est attendue.
Interrogé sur l’absence de Marine Le Pen lundi, Matteo Salvini a assuré qu’il avait été mandaté par « tous les mouvements politiques de son groupe » au Parlement européen, RN compris, pour lancer cet appel à l’unité.
Dans l’assemblée sortante, les souverainistes sont en effet divisés en trois entités (PPE, ENL et CRE). La Ligue de Matteo Salvini et le RN sont membres du groupe Europe des nations et des libertés (ENL), tandis que les invités finlandais et danois de Matteo Salvini appartiennent au groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE).
Le Fidesz, le parti du Premier ministre hongrois, Viktor Orban, dont Matteo Salvini se dit très proche, siège lui au sein du Parti populaire européen (PPE, droite), même si les conservateurs européens l’ont suspendu il y a quelques semaines.
Mais la question du leadership du futur groupe se pose. Ainsi, Marine Le Pen va rendre visite à des partis nationalistes « alliés » dans les prochaines semaines, en Slovaquie et en République tchèque, pour les soutenir dans leur campagne.
Lignes de fracture
Sur le fond, malgré d’évidentes similitudes – euroscepticisme, hostilité à l’islam politique, rejet du multiculturalisme de gauche – les souverainistes européens restent très différents.
Entre l’AfD allemand, adepte de l’économie de marché, et la vision protectionniste du RN français, l’écart est grand. De même, Italiens et Polonais mettent en avant les racines chrétiennes de l’Europe, quand le RN, au nom de la laïcité, n’en fait pas une priorité.
Et les nationalistes polonais ou finlandais goûtent peu les éloges adressés par Marine Le Pen et Matteo Salvini au président russe, Vladimir Poutine.
Sur le front intérieur, Matteo Salvini doit aussi prendre en compte les difficultés croissantes de son alliance gouvernementale avec les antisystème du Mouvement 5 Étoiles (M5S).
Le ton est encore monté ces derniers jours. Luigi Di Maio, chef de file du M5S, s’est inquiété d’une « dérive » de la Ligue « vers l’extrême droite » et de son alliance avec des forces politiques qui « nient l’Holocauste ».
Lundi, Matteo Salvini a assuré que ses invités n’étaient pas « des nostalgiques ou des extrémistes », tandis que l’Afd a répété que la barbarie nazie était « le pire chapitre » dans l’histoire de l’Allemagne.
AFP