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Michel Bussi : «J’ai inversé l’ordre établi!»


Avec «J'ai dû rêver trop fort», titre emprunté à une chanson d'Alain Bashung, Michel Bussi mélange histoire d'amour et thriller. (photo AFP)

[LITTÉRATURE] Avec J’ai dû rêver trop fort, Michel Bussi associe une histoire d’amour à un thriller, sur fond de coïncidences. Un douzième roman qui confirme son statut, derrière Guillaume Musso, de deuxième plus gros vendeur de livres en France en 2018.

Michel Bussi est un homme discret. On sait peu de lui : 53 ans, marié, des enfants, vie quotidienne dans la banlieue normande de Rouen. Pourtant, avec Guillaume Musso, il est l’auteur qui, en 2018, a vendu le plus de romans en France. Et quand sort son douzième et nouveau roman, J’ai dû rêver trop fort, en moins d’une semaine, il est en tête des ventes…

Apparu dans le monde des livres francophones dans les dernières années 2000, la critique le regarde avec distance. À moins de s’appeler Houellebecq, un écrivain qui vend beaucoup, c’est suspect… Qu’importe! Michel Bussi suit sa route. Un roman par an. Best-seller assuré. Cette année, il fait un de ces pas de côté qu’il apprécie tant. Avec J’ai dû rêver trop fort – titre emprunté à une chanson d’Alain Bashung, il mélange histoire d’amour et thriller (son fonds de commerce).

Un roman miroir sur deux années : 1999 et 2019. Le hasard et les coïncidences dans la vie de Nathalie, hôtesse de l’air, 53 ans, marié depuis 26 ans, mère de deux filles. Un fait de la vie quotidienne en 2019 la replonge dans une histoire d’amour-passion qu’elle a vécue 20 ans plus tôt. Et d’autres coïncidences vont surgir. Hasard? Paranoïa? Manipulation? Paul Éluard (1895- 1952) assurait qu’il n’y a pas de hasards, qu’il n’y a que des rendez-vous… Michel Bussi n’a pas rêvé trop fort, et signe un des ces livres furieusement addictifs. Un entretien exclusif.

Quand on figure à la deuxième place du top 10 des auteurs les plus vendeurs en France en 2018, quand on a vendu huit millions d’exemplaires de ses romans en une dizaine d’années, on se dit que oui, on est écrivain?

Michel Bussi : Jeune homme à l’université, je me voyais comme écrivain. Je me disais alors : si un jour je suis édité en livre de poche… Et aussi : si un jour je vends 20 000 exemplaires d’un roman dans le genre un peu policier… Et puis, à cette époque-là, j’ai pensé qu’il me fallait écrire un roman, ce fut Crimes qui ne trouva pas alors d’éditeur. Ensuite, le temps me manquait, alors j’écrivais des idées, des bribes d’histoires, des morceaux de scénarios de film… Je travaillais, je n’avais pas de temps pour l’écriture. Quand les premiers succès sont arrivés, là, il m’a fallu choisir. Depuis deux ans, oui, je suis écrivain à plein temps…

Comme tant d’autres, vous auriez pu écrire tout en gardant votre poste de professeur…

Mais on ne peut pas tout faire! Et j’étais mal à l’aise à l’idée d’avoir deux boulots, donc deux salaires. L’idée de prendre la place d’un autre me gêne. D’autant que financièrement, la question ne s’est pas posée : je gagne dix fois plus avec mes romans que lorsque j’étais prof…

Avec le succès, en quoi votre vie a-t-elle changé?

Le succès m’est arrivé assez tard, un peu avant 50 ans. Quand on a structuré une vie sociale et familiale, pourquoi en changerait-on? L’idée de déménager, je n’y songe pas… Ce serait une perte de temps et d’énergie pour l’écriture!

Quand vous vous lancez dans un nouveau roman, à l’instar de J’ai dû rêver trop fort, savez-vous où vous allez?

Oui, j’ai un plan assez précis. Ensuite, j’écris au fil des chapitres. Je peux m’autoriser quelques pas de côté, mais tout est calé. Ce qui n’empêche pas les questionnements pendant l’écriture. Pour J’ai dû rêver trop fort, il y a eu au moins quinze, voire vingt versions! Il me fallait éviter l’impression de répétition qui aurait pu lasser le lecteur, rendre l’affaire dynamique.

Est-ce pour cette raison qu’avec ce nouveau roman, vous avez mélangé deux genres qui se fréquentent rarement, pour ne pas dire jamais?

Tout à fait. Depuis longtemps, j’avais envie de mixer une histoire d’amour et un thriller. Mixer Sur la route de Madison et Sueurs froides d’Hitchcock. Il m’a fallu trouver une façon de mélanger. A surgi alors le déclic : les coïncidences – et peut-être même cette histoire de tables bancales… Je suis assez cartésien, et dans mes romans, c’est toujours rationnel. Quand on me raconte des coïncidences, j’ai tendance à ne pas y croire mais je me suis demandé à quel point une coïncidence peut devenir extraordinaire. On se demande ce qu’il se passe, et c’est ainsi que j’ai eu envie d’écrire ce roman aussi intrigant que beau. Il y a l’histoire d’amour et aussi la paranoïa, la manipulation…

L’auteur que vous êtes raconte, de surcroît, l’histoire par la voix d’une femme…

(Il coupe) Et, croyez-moi, quand on est un auteur homme, c’est bien agréable de se glisser dans la psychologie d’une femme, surtout dans ce genre d’histoire, de se déguiser en quelque sorte!

Un des thèmes forts de J’ai dû rêver trop fort est la passion…

Peut-on ne vouloir à mon héroïne, Nathalie? Elle se pose des questions, il y a quelque chose d’assez romantique chez elle. J’ai voulu en faire une héroïne moderne, une femme qui profite de l’instant présent, certainement une de ces héroïnes romanesques du XIXe siècle. Généralement, l’homme tient les ficelles de l’histoire et la femme est victime de sa passion. Là, dans ce roman, j’ai inversé l’ordre établi!

J’ai dû rêver trop fort, de Michel Bussi. Presses de la Cité.

LQ