Le parquet a requis mardi sept ans de prison contre un quadragénaire pour viols. En 2016, il avait eu des rapports sexuels avec l’amie de sa fille mineure.
Il avait 37 ans. Elle avait 14 ans. Cet écart ne les a pas empêchés de se mettre en couple il y a trois ans. À les entendre, leur amour est toujours aussi intact aujourd’hui. À l’occasion de ses 18 ans, ils comptent emménager ensemble. En attendant, c’est l’épreuve judiciaire qui occupe le couple. N’ayant pas atteint l’âge de 16 ans lors de leurs premières relations, elle n’était pas en état de donner son consentement libre…
Escapades nocturnes afin de rencontrer son chéri, enregistrement de son numéro de portable sous le nom de «Zoé»… Pendant plusieurs semaines la jeune fille de 14 ans avait bien dissimulé la relation qu’elle entretenait avec le père de son amie. Tout avait commencé le 5 février 2016. Un soir en rentrant avec elle d’une fête, ils avaient fait plus ample connaissance. Alors que son amie bien éméchée avait pris la direction du lit, il lui avait proposé de fumer une cigarette à la cave. Elle avait accepté. Lors d’une plus longue conversation, ils s’étaient confiés l’un à l’autre.
«Je n’ai pas réfléchi à notre écart d’âge»
«À la fin, il m’a dit qu’il aimerait bien me prendre dans ses bras. C’était une longue étreinte. Et cela a fait du bien.» Mais cela ne s’est pas arrêté là… «À l’époque, je n’ai pas réfléchi à notre écart d’âge. Cela ne me gênait pas. Aujourd’hui non plus!» La voix émue, la jeune fille, âgée entretemps de 17 ans, a livré, mardi matin, le récit de leur histoire d’amour. Plus d’une fois, elle s’était glissée en pleine nuit hors de chez elle pour le retrouver. Il y avait également eu la location d’une maison de vacances en Allemagne où ils avaient passé deux jours en couple.
C’est finalement via une voisine que l’affaire était remontée jusqu’au service protection de la jeunesse de la police judiciaire au mois de mai 2016. Lors de sa première audition, l’adolescente avait nié avoir des relations avec le père de son amie. Des déclarations sur lesquelles elle était toutefois revenue par la suite.
«On est vraiment très heureux ensemble», a insisté mardi la jeune fille à la barre précisant avoir dès le départ été d’accord pour avoir ces relations. Or, selon la loi luxembourgeoise n’ayant pas atteint l’âge de 16 ans à l’époque, elle n’était pas en état de donner son consentement à une relation libre. Un fait que la présidente n’a pas manqué de rappeler au prévenu de 40 ans : «Vous étiez adulte. Vous ne vous êtes pas posé la question par rapport à son âge?»
«Les sentiments étaient plus forts»
«Je me suis posé des questions, mais les sentiments étaient plus forts…» Plusieurs fois, le quadragénaire a répété son amour pour la jeune fille hier. Ses derniers mots à la barre de la 13e chambre criminelle étaient d’ailleurs : «Je l’aime par-dessus tout. J’aimerais bien commencer une nouvelle vie avec elle.»
Le prévenu reconnaît avoir effectué quelques recherches lorsqu’ils étaient en couple pour savoir si ce qu’ils faisaient était légal. Mais ce n’est que bien plus tard qu’il aurait appris qu’il était question de viols. Lorsqu’il avait été placé sous contrôle judiciaire, il avait plusieurs fois enfreint ses obligations. Son explication mardi : «Mes sentiments pour elle étaient si forts…»
«Savez-vous la différence entre l’amour et le sexe?»
«Savez-vous la différence entre l’amour et le sexe?», a fini par l’interroger la représentante du parquet. «On ne vous reproche pas d’avoir éprouvé des sentiments, mais d’avoir eu en tant qu’adulte des relations sexuelles avec une enfant!»
Au cours de son réquisitoire, elle a balayé les arguments de la défense plaidant l’acquittement. Dans sa plaidoirie, Me Henri Frank avait estimé que «la loi n’est pas dans l’esprit du temps». Il a aussi soulevé les circonstances spéciales de cette affaire : «La fille n’était pas une victime.» «Par rapport aux pays voisins, le Luxembourg bat tous les records avec la limite d’âge de 16 ans», a-t-il ajouté en citant les exemples de la France (15 ans), de l’Allemagne et de la Belgique (14 ans).
«Qu’on trouve cela bien ou pas, au Luxembourg l’âge de consentement a été fixé à 16 ans pour la protection des enfants», a coupé court la parquetière. Et d’insister : «Il aurait dû savoir ce qui est bon et mauvais, car il est lui-même père…»
«S’ils étaient tellement contents ensemble, ils auraient pu attendre 15 mois (NDLR : jusqu’à ce qu’elle ait 16 ans»), a encore estimé la parquetière avant de requérir sept ans de prison contre le prévenu.
Prononcé le 27 février.
Fabienne Armborst