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Logements sociaux : «l’absence de stratégie claire» du Luxembourg


Dans un rapport accablant publié ce lundi, la Cour des comptes luxembourgeoise dénoncent une stratégie du doigt mouillé sur le logement social (Photo : Alain Rischard).

Dans un rapport rendu public ce lundi, la Cour des comptes luxembourgeoises pointe «l’absence de stratégie claire» et même l’absence de «définitions normées des différents termes utilisés dans le cadre du logement social». Au final, la Cour des comptes estime même que « le ministère du Logement n’est pas en mesure de fournir des estimations fiables » sur les besoins et se montre sévère à tous les niveaux.

Alors que la crise du logement bat son plein (déficit de 30 000 unités, inflation des prix estimée à 7% sur 2018 par la société JLL), ce rapport de la Cour des comptes va faire du bruit.

Sur une période de contrôle couvrant 2008-2017, la Cour décrit une politique du logement social au doigt mouillé de la part des gouvernements qui se sont succédé.

Tout d’abord, il n’existe pas de définition claire du logement social au Luxembourg, mais des appellations disparates sous les qualitatifs de logement à « coup modéré », « logement subventionné » etc.

Ensuite, le ministère du Logement ne procéderait pas à «une évaluation des besoins futurs en logements sociaux locatifs». Ce qui est inquiétant pour un pays dont la démographie explose. Dans ce cadre, la Cour recommande d’établir une «projection des besoins futurs en tenant compte de l’évolution démographique, de l’augmentation des prix de l’immobilier, du besoin croissant en logements ainsi que du taux de risque de pauvreté.» C’est dire le discours de prof à élève qui irrigue ce rapport.

Malgré les incantations politiques, le locatif social à la peine

La seule mesure vraiment identifiable actuelle pour la Cour, est la construction de grands ensembles subventionnés. Mais là encore, le regard et sévère : « Il ressort du contrôle une surestimation récurrente du budget relatif au programme de construction d’ensembles […] Le budget devrait être fixé par rapport à des objectifs réalisables en tenant compte des ressources foncières et humaines disponibles. »

Sur les grands ensembles toujours, la règle des 10 % de logements sociaux par projet n’est pas souvent respectée.

Aussi, pour ce qui est de la répartition (fondamentale) entre projets destinés à la location et projets destinés à la vente, «aucune variation significative en faveur des logements sociaux locatifs ne peut être constatée». Alors que ce point est censé déterminer l’action du gouvernement Bettel pour favoriser l’accès à un logement décent à tous, via la location plutôt que la propriété.

Une volonté publique molle

Le droit de préemption de la main publique n’a par ailleurs pas permis de « contribuer à une mobilisation accrue de terrains à bâtir ». La Cour donne l’exemple du Fonds du Logement pour la période 2009 à 2017 : « ce dernier a exercé son droit de préemption pour l’achat de 20 parcelles, alors qu’au total 732 parcelles lui ont été proposées. S’y ajoute qu’à ce jour, le Fonds du Logement n’a réalisé aucun logement sur une des 20 parcelles acquises. »

Tant que le privé garde la main…

Au final, on se demande bien comment le pays pourrait accueillir 17 000 nouveaux habitants par an, comme l’a exprimé le ministre Claude Turmes la semaine dernière, alors que seule la main publique pourrait actionner le levier de la construction de façon conséquente. Puisque les privés jouent sur la spéculation, et la limite de leurs ressources humaines aussi.

Le Luxembourg accueille environ 11 500 nouveaux habitants par an, un plafond dans un contexte immobilier tendu. C’est d’ailleurs l’emploi frontalier qui progresse plus fortement que l’emploi résident depuis plusieurs années (+4.8% contre +3.2%, entre septembre 2017 et septembre 2018). Les actifs s’installent plus volontiers de l’autre côté de la frontière, et probablement les actifs les moins argentés en priorité pour des questions de loyers. Voilà, en partie, où est le logement social du Luxembourg aussi.

Hubert Gamelon

Le rapport est disponible dans son intégralité ici.

Population : des projections sous estimées

Un passage du rapport interroge particulièrement. On vous le livre tel quel :

« Suivant une étude du Statec datant de septembre 2011 « il faudrait (…) un peu plus de 129 000 logements nouveaux d’ici 2030, ce qui donne une moyenne annuelle de près de 6 500 par an». À noter que cette étude était basée sur un taux de croissance de la population de 1,1 % par an entre 2010 et 2030, alors que le taux observé depuis 2010 dépasse les 2 %. Il s’ensuit que le besoin réel en logements est actuellement supérieur aux projections du Statec. »

Pour rappel, la moyenne annuelle de logements (privés et publics confondus) est de 2700 logements ces dernières années, ce qui est déjà insuffisant par rapport à l’objectif de 6 500 logements.