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« Famille d’accueil » au Luxembourg: ils racontent


Des enfants souvent en bas âge sont retirés à long terme de leur famille pour vivre dans un environnement plus sain. (Photo : croix-rouge luxembourgeoise)

Georges* et Sophie ont choisi, il y a trois ans, de faire les démarches nécessaires auprès de l’Office national de l’enfance pour devenir « famille d’accueil ». Depuis, ils ont accueilli chez eux deux enfants placés par décision de justice : Lisa et David.

Lorsqu’ils sont arrivés d’Espagne, il y a presque quatre ans, Georges, Sophie ainsi que leurs enfants Maria, âgée aujourd’hui de 19 ans, et Rebecca, 15 ans, ne s’imaginaient pas «qu’il y avait ce type de besoin au Luxembourg». Ils ne se doutaient pas que «dans un pays aussi riche, des enfants pouvaient avoir besoin d’une famille d’accueil». Et pourtant…

Le couple accueillait déjà des enfants pour des courts séjours au sein de leur famille lorsqu’ils habitaient encore en Espagne. Ils ont «toujours été sensibles à leur détresse», c’est pourquoi ils avaient aidé à la fondation d’un foyer pour enfants à Porto, au Portugal.

Lorsque Georges, graphiste, a trouvé un emploi au Grand-Duché, tous deux pensaient qu’ils n’auraient «plus l’occasion d’aider». Plus de cette manière en tout cas. Jusqu’au jour où, au détour d’une conversation avec une amie, Sophie prend connaissance du fait qu’au Grand-Duché des structures telles que la Croix-Rouge recherchent des familles d’accueil pour des enfants dont le climat familial ne leur permet pas de rester chez eux. Ils décident alors de faire toutes les démarches nécessaires pour devenir «famille d’accueil», ici au Luxembourg.

Reconstruction progressive

C’est ainsi qu’ils ont accueilli un premier enfant, la petite Lisa*, alors qu’elle avait tout juste 18 mois. La petite fille, qui a aujourd’hui 5 ans, a été séparée de sa famille, totalement déstructurée. Lorsqu’elle est arrivée, Georges et Sophie ont dû faire face à «des crises de panique» de la part de la petite fille, qui portait en elle les séquelles de nombreux traumatismes, que le couple ne préfère pas détailler. «Au début, elle dormait très mal, explique Sophie. Elle avait des réactions violentes justifiées par son passé, donc il a fallu de la patience. Nous l’avons entourée du mieux que nous avons pu pour la rassurer et avec les années, il y a eu du progrès », dit-elle.

Le père raconte : «En fait, nous avons remarqué que Lisa est une petite fille extrêmement intuitive. Elle a besoin d’un cadre, de limites et d’une certaine routine pour s’épanouir. Je suis sûr que lorsqu’elle va grandir, elle pourra avoir une vie normale.» «Elle demande pourtant souvent que nous lui racontions son histoire. Alors nous lui expliquons, sans faire remonter de mauvais souvenirs, qu’elle a une famille biologique, mais qu’elle vit désormais avec nous. Elle cherche à connaître son histoire, mais nous sentons, qu’elle veut rester ici, qu’elle a peur d’un nouvel abandon », poursuit-il, empreint d’émotion.

La petite Lisa ne retournera probablement pas dans sa famille d’origine, car elle a été placée par décision judiciaire chez Georges et Sophie pour une durée indéterminée. Comme elle, le petit David, 2 ans, vit chez eux.

Comme une vraie famille

«Nous sommes allés le chercher lorsqu’il avait deux mois à l’hôpital», dit le couple. Si David n’a pas le même passé que Lisa, il devrait néanmoins rester chez Georges et Sophie pour une longue durée, lui aussi. «Nous avons décidé, il y a deux ans, d’accueillir un deuxième enfant chez nous, parce que nous pensions que ça ferait du bien à Lisa, disent-ils. En voyant que d’autres enfants sont dans la même situation qu’eux, ils l’acceptent mieux. Ils se sentent moins seuls.»

Aujourd’hui, parents et enfants biologiques considèrent que David et Lisa «font partie intégrante de la famille». Ils vivent ensemble, partent en vacances ensemble comme une famille lambda. Pourtant, Georges et Sophie savent qu’ils ne pourraient pas emmener Lisa et David si jamais ils décidaient de repartir en Espagne, chose qu’ils n’envisageraient «jamais». Pour Georges , «il serait inimaginable de vivre sans l’un d’eux. Nous savions à quoi nous engager lorsque nous avons décidé de faire cela. Les conséquences seraient graves, mais pas seulement pour eux! Même si ce ne sont pas nos enfants biologiques, nous les aimons comme s’ils l’étaient. Une séparation nous briserait.»

Et d’ailleurs, Georges pense à l’avenir. Pour le moment, les enfants sont seulement placés chez eux. «Mais si un jour, il nous était possible de les adopter, nous le ferions sans hésiter. Ils ne portent pas notre nom et ça nous est égal. Mais si la demande venait d’eux, ce serait avec plaisir», dit-il, la gorge nouée. Avant d’envisager une telle chose, la petite famille doit accepter le fait qu’à tout moment, si le contexte familial s’améliore, les enfants peuvent être amenés à retourner chez eux. Mais ce serait un déchirement. Pour l’heure, Lisa et David grandissent, et s’épanouissent auprès de Georges, Sophie, Maria et Rebecca, une famille aimante.

* Tous les prénoms ont été changés à la demande de la famille.

Sarah Melis

L’intégralité de notre dossier « Famille d’accueil » à lire dans Le Quotidien de ce week-end.

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