À une semaine du référendum, le président de la Chambre des députés, Mars Di Bartolomeo, tire pour Le Quotidien, un bilan de la campagne officielle. Quel que soit le verdict des urnes ce dimanche, le président du Parlement estime que la volonté de participation a d’ores et déjà gagné.
Le Quotidien : Lors votre réception du Nouvel An en janvier dernier, vous avez déclaré que ce référendum sera une chance d’ouvrir un nouveau chapitre dans le dialogue entre Parlement et citoyens. Mission accomplie?
Mars di Bartolomeo : Tout d’abord, il faut bien distinguer et situer ce premier référendum dans la discussion générale concernant notre nouvelle Constitution. Celui-ci constitue une offre à la participation. Cette offre a été acceptée par les gens, que ce soit en prenant part aux réunions d’information ou en discutant entre eux. Rarement il y eu tant de discussions entre familles et groupes d’amis : la société civile s’est plus ou moins fortement engagée dans le débat. Le référendum a suscité une discussion intense, contradictoire et engagée. Sans attendre le résultat final, c’est la volonté de participation qui a gagné.
Les électeurs seront-ils en possession de tous les éléments pour se prononcer en toute connaissance de cause, ce dimanche?
J’ai constaté, dans mon cercle d’influence, que la question avait bien été comprise. Peut-être pas toujours dans toutes ses composantes, ni dans toutes ses nuances. Mais en argumentant, les positions ont évolué. Pour avoir un contact individuel avec la plupart des électeurs, il ne suffit pas de proposer une offre, mais il faudrait que celle-ci soit acceptée. Là, je me fais l’avocat des gens que nous sollicitons : il n’y a pas cette culture de consultation. C’est un processus qu’il faudra soigner en continuant à se servir de tous les médias et instruments possibles comme nous l’avons fait. Il ne fallait pas s’attendre à un miracle.
Ce référendum a été organisé dans un souci de participation et dans une volonté d’arbitrage, parce que la classe politique était partagée. Et il n’y a pas forcément cette culture d’arbitrage au Luxembourg.
Le Luxembourg n’a donc pas la culture du référendum?
Je ne suis pas un adepte du référendum pour le référendum. Sur des questions essentielles, constitutionnelles, qui partagent le monde politique, le référendum est un instrument possible qu’on pourrait utiliser plus régulièrement que par le passé. Cela étant, en faire un passe-partout ou le banaliser, non! Car banaliser reviendrait à instrumentaliser. Le référendum est un élément à utiliser à bon escient. Mais il faut le compléter avec d’autres éléments : investir dans l’éducation, la politique ou passer par les médias sociaux. Jamais la Chambre n’a autant communiqué qu’aujourd’hui : Chamber TV, Facebook, comptes rendus, portail web… Tous ceux qui veulent trouver le peuvent, encore faut-il trouver les réflexes de vouloir trouver. Et là, l’éducation à la politique est très importante.
Cela doit forcément passer par un oui à la question de l’abaissement du droit de vote à 16 ans?
Indépendamment du résultat, il faut que la politique entre dans les écoles. Non pas la politique politicienne, mais bien la politique dans le sens noble du terme. Il faut accrocher les jeunes et pour cela il faut une volonté, des deux côtes, de s’ouvrir et d’accepter l’offre.
Certains détracteurs disent qu’il aurait d’abord fallu lancer un « ballon d’essai » pour prendre le pouls de la population…
Le choix a été fait par la majorité parlementaire et je le respecte. Il y a un proverbe qui dit qu’après-coup, on savait bien mieux ce qu’il aurait fallu faire avant… Mais il faut donner sa chance à ce choix. J’ai apprécié que tout ce qui avait été prédit, à savoir une coupure de notre société en deux, un état de guerre entre les tenants du oui et du non, un encouragement aux extrémismes, rien de tout cela ne s’est produit! Oui, il y a eu des excès qui ont surtout été le fait d’auteurs anonymes. Cela étant, ce fut un débat raisonnable, argumenté, coloré, mais pas intestinal ni séparateur!
Justement, comment avez-vous considéré ces débordements? Le Premier ministre a même dit avoir été menacé…
Je suis un farouche défenseur de la liberté d’expression. Mais je suis également un farouche défenseur de l’expression du courage de mettre son nom sur ses opinions. Tout ce qui est excessif est insignifiant à mes yeux…
Quelle est, selon vous, la frontière qui définit l’excès, dans ce contexte?
La haine, l’incitation à la violence, le fanatisme menaçant, la xénophobie, les menaces à l’intégrité et le non-respect des libertés des autres.
Vous attendiez-vous personnellement à ce genre d’excès?
Ce n’est pas nouveau. Si quelqu’un dérape, déraille, disjoncte, il faut une suite, sinon il va continuer. Les nouveaux médias ne constituent pas un blanc-seing pour tout genre d’excès. Mais, en général, je pense que le débat a été posé. Certains disent même qu’il n’a pas été assez passionné.
Vous êtes d’origine italienne et êtes un exemple parfait d’intégration : portez-vous un regard spécifique sur le droit de vote des étrangers?
Je suis parmi ceux qui sont convaincus que l’une des raisons de nos succès passés – et j’espère futurs – est due à notre multiculturalisme. La thématisation de la question de la cohésion de la communauté luxembourgeoise est déjà une victoire en soi.
Quel que soit le résultat de dimanche, serez-vous fier de votre pays lundi prochain?
Je serai fier de la communauté luxembourgeoise qui a osé lancer ce débat. Et je respecterai le résultat sans jugement.
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>> Entretien réalisé par Claude Damiani, à lire en intégralité dans votre édition papier de ce lundi 1er juin.