Il fera 30°C ce jeudi soir sur le stade Villamarin de Séville et même s’il ne sera pas plein, bien plus encore que face au Milan AC il y a deux semaines, le F91 va prendre conscience d’avoir basculé dans un autre monde.
Cette semaine, une statistique folle a en effet fait entrer cette confrontation qui aurait dû rester anonyme dans une nouvelle dimension et va laisser le nain luxembourgeois sous les feux des projecteurs du continent : le club sévillan, qui a signé un match à 82,5% de possession de balle contre Leganes, en Liga, le week-end dernier, est entré dans l’histoire et va désormais beaucoup faire parler de lui. Et donc de ses adversaires, quelle que soit leur valeur. L’impression singulière que quelque chose de potentiellement séduisant est en train de naître sur les rives du Guadalquivir va rencontrer pendant 90 minutes l’une des sensations de l’été, le F91.
Tout le monde promet à Dudelange une vraie galère. C’était déjà le cas contre les Rossoneri… et les hommes de Dino Toppmöller ont prouvé qu’ils savent ramer contre le courant. Mais là, le coach estime que ses gars auront encore moins de temps pour penser, alors qu’il leur faudra pourtant trouver le moyen de résister lors des quatre à cinq secondes d’intense pressing que leur imposeront les Andalous à chaque perte de balle. C’est la condition pour exister puisque Toppmöller l’a redit : «Nous, on veut juste jouer au foot ! Si c’est pour balancer la ballon, pan, pan, pan… je ne vois pas l’intérêt.» Pour le technicien allemand, l’Europa League ne se brade pas, même quand la bataille semble perdue d’avance.
«La patience, une arme du Betis»
Il faut dire qu’il est prêt, après avoir minutieusement listé les concessions qu’il est prêt à faire, devant une grosse centaine de supporters luxembourgeois ébahis venus en charter, avec les joueurs, depuis la Cité du fer. S’asseoir sur le schéma, déjà. «Quand tu défends bas, le système, ça ne veut plus dire grand-chose.» On a même entendu le coach susurrer l’éventualité d’un 5-4-1, même s’il est subi. Une hérésie pour lui.
Toppmöller a ensuite concédé que physiquement, son équipe va devoir s’accrocher. Il ne le sait que trop bien pour le vivre dans l’autre sens en Division nationale, affronter une équipe qui vous prive de ballons, ça vous use des hommes. «C’est peut-être aussi pour ça que tout le monde dit qu’on ne fait pas des bonnes premières périodes en DN, mais des bonnes deuxièmes. Parce qu’à force de courir derrière le ballon, tu perds de l’énergie et de la lucidité. La patience, c’est une arme du Betis. À un moment, un de mes joueurs, moins lucide, peut très bien se dire ‘je vais attaquer tout seul’ et ouvre un espace…»
Le Betis Séville marque quand même peu. Cinq buts seulement sur ses huit matches officiels cette saison. C’est là l’espoir du F91 qui, lui, défend bien et encore mieux au niveau européen. «Pour moi, le Betis n’a pas cette envie absolue d’aller au but, de marquer, pointe Toppmöller. Il faudrait qu’il prenne plus de risques plutôt que de tourner, parfois.» C’est peut-être parce qu’il sait que quelque chose manque encore au club sévillan pour être un véritable épouvantail continental, que l’Allemand s’avoue «pas nerveux», et qu’il lâche même, dans une incroyable bravade : «Je n’aime pas les matches nuls.»
C’est pourtant ce à quoi rêvera tout le pays devant son écran. Depuis la qualification, prendre un point au moins est un leitmotiv. Le prendre ici est une chimère, mais Toppmöller a eu la confirmation contre Cluj et le Legia qu’ «en football, rien n’est impossible». Alors…
A Séville, Julien Mollereau