Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Nos confrères de Paperjam sortent un numéro spécial législatives de bonne facture. Les candidats éludent toutefois un dossier : le transfrontalier. Seul François Bausch (déi gréng) met les mains dans le cambouis, avec l’idée «d’un modèle tourné vers la Grande Région» d’un point de vue entrepreneurial. Pour le reste, parking relais et télétravail font illusion. La politique au Luxembourg concerne 2 586 km2, pas vrai? Ons Heemecht!
Sur le terrain, dans un rayon de 100 kilomètres derrière la frontière, l’exaspération va crescendo. Les élus locaux français, mais belges aussi, s’interrogent sur la pertinence des projets transfrontaliers. C’est un euphémisme : alors que près de 50 % des actifs du Luxembourg sont frontaliers, ils s’alarment de l’absence de stratégie globale! Deux exemples nous le prouvent cette semaine encore. La pagaille sur l’autoroute des frontaliers belges, en l’occurrence l’E411, en travaux pour une voie qui ne se prolongera pas au Luxembourg. «Que la région wallonne et le Grand-Duché se parlent mieux!», fustige le bourgmestre d’Arlon dans nos colonnes du week-end. Autre exemple, jeudi : on annonce que l’on va construire 100 000 m2 de nouveaux entrepôts dans la zone Eurohub d’ici 2020… Sans aucune concertation avec la France, alors que l’A31 est saturée et que le Luxembourg refuse de cofinancer une nouvelle voie, argumentant qu’il préfère le train (pourquoi faire venir toujours plus de camions alors?).
Au fond, tout le monde sent qu’il y a un malaise : les projections sont effrayantes à tous les niveaux. On s’en sort en misant sur une digitalisation de l’emploi et un discours «elonmuskien» certes séduisant. Mais qui pour prendre le leadership d’un territoire au-delà des frontières? Qui pour négocier un développement enfin harmonieux avec les voisins? Et consentir aux sacrifices (investissements) qu’il faut… Pour expliquer la politique frileuse des Anglais, André Siegfried disait : «L’Angleterre est une île, et je devrais m’arrêter là.» Eh bien, le Luxembourg n’est pas une île, qu’on se le dise enfin!
Hubert Gamelon