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La vie des forains luxembourgeois après la Schueberfouer


Comme nombre de familles de forains, celle de Charel Hary est originaire du Pfaffenthal. (photo Anne Lommel)

Le président du Comité international des festivités de la Schueberfouer, Charel Hary, fait découvrir «l’envers du décor» du monde, soi-disant fermé, des forains luxembourgeois.

Combien de familles de forains, luxembourgeoises, sont encore dans les affaires à l’heure actuelle et d’où viennent-elles ? Par extension, quelles sont les origines du métier de forain au Grand-Duché ?

Charel Hary : Tout a commencé au Pfaffenthal ! En effet, la majorité des familles de forains, luxembourgeoises, sont originaires du quartier. À titre d’exemple, mes parents sont nés et habitaient au Pfaffenthal.

En hiver, toute ma famille, mes cousines, cousins, tantes et oncles, qui étaient tous forains, étaient toujours là, au Théiwesbuer (puits et lavoir Saint-Matthieu), où ils stationnaient leurs caravanes, pendant la saison hivernale. Ils faisaient leur linge au Béinchen (NDLR : les deux portes fortifiées d’Eich et des Bons Malades qui ferment la vallée, situées sous le pont rouge, sont reliées entre elles par un chemin de ronde, le Béinchen, qui enjambe la rivière de l’Alzette), et travaillaient dans la ferraille : c’était le bon vieux temps ! Au fil des ans, certains d’entre eux n’ont pas eu d’enfant(s) et ont arrêté, tandis que d’autres ont changé de profession. La vie « fonctionnait » comme dans n’importe quel autre milieu.

Cela dit, à l’heure actuelle, il reste 45 à 50 familles luxembourgeoises de forains, en incluant, dans ces chiffres, ceux qui sont dans la restauration. Outre les familles Clement, Zellweger et ma propre famille, il n’existe plus de très anciennes familles de forains luxembourgeois. Moi-même, je suis issu de la 4e génération de la famille Hary.

Que font les forains luxembourgeois, outre la Schueberfouer, une fois l’hiver passé ?

Nous voyageons à partir de Pâques, période de la première fête foraine de l’année – qui se tient à Esch-sur-Alzette – et terminons normalement notre année foraine au mois d’octobre, à l’occasion de la fête de Dudelange. Entre ces deux échéances, nous allons à Differdange, Echternach, à Luxembourg pour l’octave (au Knuedler), à nouveau à Esch-sur-Alzette pour la Pentecôte, nous retournons à Dudelange, puis à la fête du quartier de la Gare à Luxembourg (sur la place de Paris), à Ettelbruck, Larochette, Troisvierges, avant de revenir à Ettelbruck et de se rendre ensuite à Diekirch, Echternach à nouveau et même à Junglinster, en fin d’année.

Bref, les forains sont sur la route presque toute l’année et sont représentés dans quasiment toutes les communes du pays. Après, il y a aussi les autres forains, dont ceux qui se consacrent uniquement à la restauration, qui ne prennent part qu’à quelques fêtes et kermesses durant l’année, comme l’octave ou la Schueberfouer, par exemple. Ceux-ci sont également des forains issus d’anciennes familles.

Dans ce contexte, je dois aussi mentionner le fait que la « catégorie » de familles de forains, à laquelle appartient la mienne, a longtemps eu des problèmes d’ordre financier, car elles ne pouvaient pas travailler durant l’hiver. En effet, à l’époque, les hivers étaient longs : on ne gagnait pas un sou. Les temps-là étaient durs. Mais quand on a « obtenu » le marché de Noël, on était contents car, depuis lors, nous pouvons également gagner notre vie pendant les mois de novembre et de décembre. Après, de manière générale, le gros de notre saison, c’est bien évidemment la Schueberfouer : on y réalise de 50 à 60% de notre chiffre d’affaires annuel.

Votre milieu et votre profession sont souvent perçus comme étant « fermés » et comme étant « une chasse gardée » : en clair, faut-il « obligatoirement » être issu d’une famille de forains pour pouvoir exercer ce métier ?

L’on nous dit souvent : « Vous êtes toujours les mêmes sur les mêmes places de fêtes foraines et kermesses », mais j’estime que cela vaut pour tous les métiers du monde. On ne va tout de même pas donner notre paye à d’autres !

Étant donné qu’il s’agit de notre profession, je trouve normal qu’on veuille la protéger. Après, je rappelle que ce sont les communes qui attribuent les emplacements aux forains dans les différentes fêtes; la décision n’appartient qu’aux communes ! Nous ne décidons pas de qui sera notre voisin, mais j’avoue volontiers que nous ne sommes pas contents quand il y a trop de concurrence.

Cela dit, il faut faire avec, car c’est la concurrence qui fait le marché. Nous ne sommes pas seuls au monde ! Ensuite, pour répondre précisément à votre question, il y a, bien entendu, régulièrement, des personnes qui veulent « devenir » forains ou se « reconvertir » dans le métier, sans qu’elles ne soient issues de familles de forains. Et nous l’acceptons. D’ailleurs, je vous donne un exemple concret : l’un des nouveaux manèges de cette Schueberfouer, celui avec les tasses qui pivotent sur elles-mêmes («Tea Party»), appartient à un Luxembourgeois qui n’est pas forain à la base. Il travaillait à la commune, avant d’arriver « chez nous » : il a déjà pris part à 3-4 fêtes foraines. Mais de manière générale, je suis d’avis que pour quelqu’un qui voudrait partir de zéro, ce n’est pas faisable. Je peux vous dire qu’un manège comme le mien («Mini-Scooter»), ça coûte de l’argent !

Entretien avec Claude Damiani

A retrouver en intégralité dans Le Quotidien papier du lundi 3 septembre