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Le Luxembourg met en garde contre une « surenchère » avec Washington


Le Premier ministre Xavier Bettel prévient des risques d'escalades liés à la possible guerre commerciale, et explique le rôle du Luxembourg au sein de l'UE. (Illustration : AFP)

La riposte européenne aux droits de douane américains sur les importations d’acier et d’aluminium pourrait mener à « une surenchère », met en garde le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel dans un entretien avec l’AFP. Pour ce libéral, « s’il est important de réagir », il ne faudrait pas mettre en péril la reprise économique en Europe avec une guerre commerciale transatlantique.

Les mesures de rétorsion de l’UE contre certains produits américains en réponse aux taxes de Washington sur son acier et son aluminium, doivent entrer en vigueur en juillet. Quelle est la position du Luxembourg ?
Xavier Bettel : Nous sommes dans une situation où on est en train de faire une surenchère qui n’est pas bonne. Personne ne profitera de l’affaiblissement de l’économie de l’autre. On a une économie qui est en train de reprendre en Europe et au niveau mondial. On a une crise de 2008 quand même qui a fait beaucoup de dégâts, et je pense qu’une certaine stabilité, une certaine prévisibilité au niveau international, serait très importante.

Le Luxembourg est donc contre les mesures de rétorsion préconisées par la Commission européenne ?
Non, le Luxembourg n’est pas contre du tout. Je vous dis qu’actuellement, on n’a pas le choix: on est obligé de réagir. Il est important de réagir de manière proportionnée. Tout ce qu’il y a, c’est que j’aimerais qu’on ne soit pas dans la situation où on soit obligé de prendre des sanctions. j’aimerais bien qu’on soit plutôt dans une logique de désescalade plutôt qu’une logique d’escalade.

Vous affichez une forte complicité avec Emmanuel Macron, mais vous restez en désaccord sur certains sujets comme la taxation des géants du net ?
On doit se poser la question: Est-ce qu’il est bien de taxer ces entreprises juste dans 28 pays aujourd’hui et 27 demain ? Il est tout à fait inacceptable que des entreprises ne paient pas d’impôts. Mais de taxer juste au niveau de présence européenne des entreprises qui après vont se délocaliser – sur le territoire européen ça sera la Suisse ou Londres -, on n’aura rien gagné. Je sais que l’OCDE est en train de présenter des pistes. Donc, j’attends d’avoir des pistes concrètes de l’OCDE.

Vous dites qu’Emmanuel Macron est impatient, mais vous préférez qu’on attende l’OCDE, donc, il y a un désaccord ?
On est tous les deux tout à fait d’accord qu’on doit taxer les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Tout ce qu’il y a, c’est qu’aujourd’hui, je demande tout simplement qu’on ne sanctionne pas l’économie européenne et qu’on évite d’avoir quelque chose où demain, quand Londres ne sera plus autour de la table, devienne le centre où toutes les compagnies qui exerceront leurs activités en Europe auront leur siège.

Personne ne profitera de l’affaiblissement de l’économie de l’autre »

Les réformes de la zone euro semblent progresser petit à petit, en particulier l’Union bancaire et un Fonds monétaire européen. En revanche, l’idée d’un budget pour la zone euro, appuyée par la France, et la création d’un poste de « super » ministre des Finances est moins avancée. Où le Luxembourg se situe-t-il ?
Au milieu! On est d’avis qu’il est important d’avoir des mécanismes pour éviter qu’il y ait de nouveau une crise de l’euro comme on a connu ces dernières années. Mais c’est très dur par exemple d’expliquer à nos contribuables qu’on va devoir mettre quelque chose dans un pot au cas où, si quelqu’un fait des bêtises ailleurs. Donc, il faut trouver le juste équilibre entre l’un et l’autre.

Cet équilibre, vous ne craignez pas qu’il puisse être menacé par l’arrivée des populistes au pouvoir en Italie ?
Disons que le vote en Italie, il ne faut pas le condamner. J’attends de connaître le programme des partis italiens, mais s’il va contre les valeurs que je défends au niveau européen, je le dirai.

On voit le couple franco-allemand qui tantôt fait des efforts, tantôt montre des signes de tension. Comment le Luxembourg se positionne-t-il face à ce duo ?
Si de temps en temps il y a des problèmes dans le couple, je veux bien faire conseiller conjugal. Et c’est l’avantage qu’on a toujours eu en tant que petit Luxembourg, c’est de parler l’une et l’autre langue. Mais je pense qu’ils n’en n’ont pas besoin pour être très honnête. Je les connais tous les deux assez bien pour vous dire que c’est vraiment au niveau personnel que ça marche.

AFP / Le Quotidien