Si le cyberharcèlement touche surtout les jeunes, nous en sommes tous des victimes potentielles. La police et la plateforme Bee Secure rappellent aux victimes comment se défendre contre leurs bourreaux.
Le cyberharcèlement touche aussi des sujets très jeunes, d’à peine 8 ou 9 ans. C’est d’autant plus dur aujourd’hui que le harcèlement dans la vie réelle est toujours combiné avec le harcèlement dans le virtuel. Il n’y a plus de répit, même chez soi», expliquait, il y a quelques jours, la psychologue Aline Hartz au Quotidien.
Cyberharcèlement, ou cybermobbing : ce mal moderne nous menace tous, que l’on soit utilisateur ou pas des réseaux sociaux. Jamais il n’a été aussi facile de diffamer, harceler, humilier. Quelques clics suffisent pour s’offrir un ticket d’entrée sur ces réseaux, où l’anonymat permet aux lâches de se lâcher…
Si le phénomène reste peu commenté, c’est certainement parce que la plupart des adultes, encore peu technophiles, surfent peu sur ces réseaux. Mais demandez aux millennials (enfants nés au XXIe siècle) ce qu’ils en pensent : ils connaissent tous un(e) cyberharcelé(e).
Alors que faire? Eric Krier, de l’initiative gouvernementale Bee Secure, veut d’abord rappeler «aux victimes de cyberharcèlement qu’il existe des solutions, et que les coupables peuvent être punis.
On veut les encourager à porter plainte et à se faire aider par des professionnels. Il faut porter plainte, car cela améliore ses chances de se défendre et de combattre le phénomène».
Mardi, il présentait avec des membres de la police, du Service national de la jeunesse et du «Kanner-Jugendtelefon» un nouveau dépliant donnant les conseils utiles pour les victimes de cyberharcèlement.
Le premier de ces conseils étant de porter plainte auprès de la police ou du tribunal. Problème : «Au Luxembourg, on n’a pas de lois spécifiques sur les nouvelles formes d’agression qu’on trouve sur le net.
Cela ne veut pas dire que les auteurs restent impunis, car les lois normales sont transposables à 100 % aux cas de cybermobbying.»
Bob Leesch, directeur régional à la police grand-ducale, confirme : «Effectivement, il n’existe pas d’articles de loi spécifiques sur le cyberharcèlement. Ça complique un peu les choses, mais il ne faut pas que ça décourage les gens, car la loi reste la loi.»
Certains verdicts ont ainsi «prouvé qu’on ne peut pas tout dire sur le net. Par exemple, des propos xénophobes ou racistes sur le net ont été sanctionnés» car ces derniers relèvent de l’article 457-1 du code pénal sur les propos racistes ou discriminatoires.
Autre exemple, publier sur un réseau social des photos privées d’une personne sans son consentement relève de la loi du 11 août 1982 sur les atteintes à la vie privée.
Ainsi, comme dans le monde réel, les menaces, injures et diffamations sur les réseaux virtuels peuvent conduire à des peines allant de 2 mois à 5 ans de prison.
Personne n’est anonyme
Et les agresseurs se trompent s’ils pensent rester anonymes sur ces réseaux : «La police dispose de moyens pour les retrouver, à travers le provider, l’adresse IP…» D’ailleurs, pour Bob Leesch, «les auteurs de cyberharcèlement sont généralement connus des victimes, cela peut être un camarade à l’école, un collègue au travail»…
Combien sont concernés? Difficile à dire, du fait justement d’absence de loi spécifique sur le cyberharcèlement : «On n’a pas de statistiques spécifiques, vu qu’en cas de plainte, les commissariats sont habilités à traiter le cyberharcèlement comme n’importe quel autre affaire d’agression verbale, de menace…»
Mais si un adulte peut craindre des sanctions financières, voire la prison, les jeunes harceleurs n’ont-ils pas un sentiment d’impunité? «Il y a effectivement deux niveaux de sanctions, car les mineurs relèvent de la loi sur la protection de la jeunesse qui, comme son nom l’indique, n’est pas une loi qui punit, mais qui protège.»
En clair, les jeunes cyberharceleurs seront avant tout sensibilisés avec des mesures éducatives, sauf cas extrêmes où ils devront être placés au centre socioéducatif de l’État.
Dans tous les cas, porter plainte n’est jamais un parcours facile. Pour la victime, il y a tout un travail psychologique à accomplir pour «s’auto-aider» et porter l’affaire devant la justice (lire par ailleurs).
Heureusement, il existe au Luxembourg des institutions pour accompagner les personnes tout au long de ce délicat parcours. Mais cette aide extérieure n’est pas la panacée : l’écoute et l’affection des proches devraient constituer le premier soutien des victimes et un rempart contre l’irréparable […]
Retrouvez l’intégralité du dossier sur le cyberharcèlement dans votre Quotidien du mercredi 21 février.
Romain Van Dyck