Accueil | Editoriaux | Mais comment ose-t-il?

Mais comment ose-t-il?

«C’est un engagement que je prends, je vais entreprendre des initiatives au niveau européen pour forcer le débat sur ce sujet, ça me semble fondamental pour l’avenir.»

Ces propos du Premier ministre belge, Charles Michel, la semaine dernière à la tribune de la Chambre des représentants de Belgique, sont tout simplement hallucinants. Petite explication.

À l’automne dernier, le très humaniste secrétaire d’État belge à l’Asile et à la Migration, Theo Francken (N-VA), avait invité sur le sol belge trois hauts fonctionnaires du régime de Khartoum pour identifier des Soudanais voués à être expulsés car non éligibles à l’asile.

Pour information, le très démocratique Soudan est dirigé depuis 1989 (29 ans tout de même) par le non moins très humaniste Omar el-Béchir, poursuivi par la Cour pénale internationale pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, rien que ça.

Autant dire que des représentants d’un tel chef d’État sont totalement dignes de confiance. Ces Soudanais de retour au pays ont évidemment reçu un accueil des plus cordiaux, on leur a trouvé un toit, un travail, ils ont pu bénéficier d’un bilan de santé complet…

Eh bien non. Quelle surprise – qu’il était impossible de prévoir –, ces personnes qui avaient fui leur pays ont été victimes de torture à leur retour.

On aurait pu logiquement s’attendre à ce que le Premier ministre exige au minimum la démission de son ministre, voire qu’il démissionne de lui-même par simple décence ou pour faire acte de contrition.

Non, au lieu de cela, Charles Michel veut lancer un débat au niveau européen sur la prise en compte du risque de torture dans les décisions de renvoi des étrangers en situation irrégulière non éligibles à l’asile.

Donc, le Premier ministre d’un pays de 12 millions d’habitants a besoin de l’Europe pour savoir s’il est approprié de renvoyer dans leur pays des femmes et des hommes qui risquent de recevoir des décharges électriques dans les parties génitales, de se faire enfoncer une matraque dans l’anus, de se faire arracher les ongles, couper les oreilles…

Faut-il rire ou pleurer? Est-ce un exemple de ce que l’on appelle l’humour belge?

Nicolas Klein