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Turkménistan: femmes au volant…


À Achgabat, la capitale, comme dans le reste du pays, les femmes sont interdites de conduite depuis le début de l'année. Le président de cette dictature a aussi fait interdire la circulation des voitures noires et aux teintes sombres.

Le président et fantasque dictateur de la république gazière d’Asie centrale vient d’interdire aux femmes de conduire et proscrit la circulation des voitures qui ne sont pas de couleur claire!

Quand, en septembre 2017, l’Arabie saoudite a enfin autorisé les femmes à conduire, la décision a été saluée de toutes parts comme une avancée majeure pour le royaume wahhabite.

Au Turkménistan, les conductrices sont priées depuis le début de cette année de faire demi-tour et de remiser leurs voitures au garage. Celles que la police pince au volant dans les rues de la capitale Achgabat ou dans d’autres villes du pays voient leur permis de conduire et leur voiture confisqués.

Ces informations sont rapportées par des médias turkmènes en exil, la liberté de la presse tout comme l’opposition politique étant inexistantes dans cet État d’Asie central dirigé d’une main de fer par Gurbanguly Berdimuhamedow.
Le président aurait pris cette décision lors d’une réunion avec son ministre de l’Intérieur, le 5 décembre dernier. Les «statistiques officielles» attribuant la majorité des accidents aux femmes, le ministre s’est vu confier la mission de «régler le problème», rapporte le site Informations alternatives du Turkménistan.

Repasser les tests de conduite

Aucune loi, aucun décret ou circulaire ne règlemente cette nouvelle disposition sexiste du code de la route que les conductrices de ce pays de 5 millions d’habitants découvrent au gré des contrôles policiers.

Selon un article publié jeudi par le site Chronicle of Turkmenistan, les policiers ont donné ces derniers jours un coup d’accélérateur à leur chasse aux conductrices. Ils téléphonent aux détentrices de permis de conduire pour les soumettre à un questionnaire détaillé sur l’identité de la personne qui a payé le permis et le véhicule, ou encore qui en finance l’entretien. Ils avertissent les femmes qui ont obtenu leur permis depuis cinq ans ou plus qu’elles devront repasser l’examen de conduite, quand bien même le volant leur est pour l’instant interdit.

Le Turkménistan est présidé depuis 2007 par Gurbanguly Berdimuhamedow. Cette ex-République soviétique est régie par un parti unique nationaliste et passe pour être l’une des pires dictatures de la planète. Classique du genre, le président impose le culte de sa personnalité à l’ensemble de ses compatriotes : ses portraits rayonnants sont omniprésents. En 2015, il a fait ériger au centre de la capitale une statue de 21 mètres de haut à son effigie, après avoir fait déplacer en banlieue celle de son prédécesseur, Saparmourat Niazov, auquel il avait succédé en 2006.

«Le blanc porte chance»

Le président est connu pour ses fantasques projets architecturaux, monumentales réalisations en marbre et au goût douteux. En matière esthétique, Gurbanguly Berdimuhamedow impose depuis le début de l’année une nouvelle lubie à son peuple : l’interdiction des voitures noires dont l’importation était déjà suspendue depuis 2015.
Comme pour la conduite des femmes, aucun texte ne précise les modalités de cette mesure. Du coup, rapportent les médias turkmènes exilés, les automobilistes sont soumis à l’arbitraire des policiers dans un pays dont l’indice de corruption est parmi les plus élevés au monde (145e rang sur 170 pays classés par Transparency International).

Selon son bon vouloir, la police routière confisque les voitures noires, mais aussi bleues, rouges, vertes et plus généralement celles aux teintes trop sombres à ses yeux. Leurs détenteurs peuvent les récupérer sur de vastes parkings gardés en s’engageant par écrit à les faire repeindre en blanc, ou pour le moins dans une couleur claire.

D’après des informateurs du Chronicle of Turkmenistan, le tarif des garages pour repeindre les voitures a doublé ces derniers jours, passant de l’équivalent de 500 dollars à 1 000. Une fortune pour les Turkmènes, dont le revenu moyen dépasse à peine 5 000 dollars par an.

Les douaniers locaux ne fournissent aucune explication sur l’interdiction d’importation de voitures noires depuis 2015, si ce n’est que «le blanc est la couleur de la chance». Le blanc est aussi la couleur préférée d’un président notoirement connu pour sa superstition.

Fabien Grasser

Une dictature gazière

Riche en gaz, le Turkménistan tente de resserrer ses liens économiques et diplomatiques avec l’Union européenne depuis une douzaine d’années par le biais de divers accords. La France y est l’un des pays européens les plus présents, notamment par le groupe énergétique Engie et le géant du BTP Bouygues, qui a réalisé plusieurs constructions pharaoniques de la capitale de ce pays désertique, vaste comme l’Espagne..

Le Turkménistan a ouvert en avril 2015 une ambassade au Luxembourg, avec résidence à Bruxelles. Le 6 septembre 2016, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères avait effectué une visite de travail à Achgabat. Jean Asselborn y avait notamment conclu un accord aérien dont la signature avait été conditionnée par les Turkmènes à la présence d’un haut responsable politique luxembourgeois, selon nos informations. Le chef de la diplomatie luxembourgeoise avait été reçu par le président et son homologue turkmène avec lequel il avait insisté sur «la nécessité d’entamer les négociations sur un accord de non double imposition» fiscale.

À ce jour, aucun projet de loi n’a été déposé dans ce sens.