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Allemagne : Merkel voit encore de « gros obstacles » pour un gouvernement


La chancelière de 63 ans n'a plus le droit à l'erreur si elle veut gouverner quatre ans de plus. (photo AFP)

Angela Merkel a tempéré jeudi les espoirs d’accord rapide pour former un gouvernement en Allemagne en prévenant que « de gros obstacles » subsistaient entre son parti conservateur et sociaux-démocrates, alors qu’elle joue son avenir politique sur ce dossier.

« Ce sera une dure journée », a-t-elle averti en arrivant à la dernière séance de discussion prévue à Berlin, dont l’issue n’est pas attendue avant tard dans la nuit. Après un premier échec en novembre pour s’entendre sur une coalition majoritaire avec les écologistes et les libéraux, la chancelière de 63 ans n’a plus le droit à l’erreur si elle veut gouverner quatre ans de plus. Elle s’est dit prête à « trouver des compromis constructifs » entre son camp démocrate-chrétien (CDU et CSU) et les sociaux-démocrates du SPD.

« Les gens attendent de nous aussi que nous trouvions des solutions et c’est dans cet esprit que je travaillerai aujourd’hui », a souligné la chancelière. Mais dans le même temps elle n’entend pas sacrifier sa volonté de gouverner « convenablement » le pays, au moment où le SPD réclame des dépenses publiques allant au-delà de ce que veulent les conservateurs. Pour le politologue Karl-Rudolf Korte, Angela Merkel, affaiblie après une victoire électorale remportée avec un score décevant, « serait finie » en cas de nouvel échec pour former une coalition. Il en va de même pour son allié Horst Seehofer, président du parti bavarois CSU, et pour le chef des sociaux-démocrates Martin Schulz, dont l’autorité est contestée depuis une claque électorale le 24 septembre. Certains médias les ont qualifiés déjà de « coalition des perdants » car ils ont tous été sanctionnés par les électeurs lors du scrutin législatif, marquée par la percée de l’extrême droite, et sont en position de faiblesse.

La popularité d’Angela Merkel, au pouvoir depuis douze ans, est du reste en repli. Et une majorité des Allemands (56%) pensent que la chancelière quittera ses fonctions avant la fin de son éventuelle prochaine mandature, selon un sondage publié jeudi par le quotidien Handelsblatt. Dans ce contexte, les dirigeants « vont tout faire pour arriver à une nouvelle grande coalition », qui ne serait « de facto qu’une mini-coalition car ils n’ont que 53% » des voix, a estimé Karl-Rudolf Korte sur la chaîne ZDF.

Divergences encore fortes

Les divergences en vue d’un accord restent importantes néanmoins. Les conservateurs, en particulier la CSU déjà en campagne pour des élections régionales cet automne, exigent un durcissement de la politique migratoire et une réduction limitée des impôts pour tous. Le SPD plaide, lui, en faveur d’un assouplissement du regroupement familial pour les réfugiés, d’investissements dans l’éducation et les infrastructures et d’un soutien pour les classes moyennes et défavorisées. S’invitant dans le débat, le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a appelé l’Allemagne à « investir plus » dans un entretien à l’hebdomadaire Die Zeit paru jeudi.

Les partenaires potentiels ont pu toutefois avancer sur certains dossiers, comme sur une loi concernant l’immigration qualifiée, essentielle pour la première économie européenne à la population vieillissante. Si certains points d’accord ont déjà été trouvés, les sociaux-démocrates ne devraient dévoiler que vendredi s’ils recommandent une nouvelle coalition. Ensuite il reviendra aux délégués réunis en congrès extraordinaire le 21 janvier de dire s’ils approuvent ou non des négociations détaillées. Et en fin de parcours, les militants devront approuver le contrat de gouvernement.

Si tout va bien, un nouvel exécutif ne sera donc en place qu’à la fin mars, alors que toute l’Europe s’impatiente. La France en particulier, qui attend une réponse à ses propositions de réformes de la zone euro. C’est l’une des exigences du SPD : « si nous acceptions de rentrer au gouvernement, ce ne serait qu’à la condition de renforcer l’Europe », a insisté Martin Schulz jeudi. Même en cas d’accord jeudi soir, la base du SPD – qui aura le dernier mot – peut tout faire capoter au bout du compte. Et elle reste très réservée à l’idée de servir à nouveau d’appoint aux conservateurs.

Le Quotidien/AFP