Le CSV a clairement pris la tête de ces élections communales. Dans le Sud, il a réussi à déboulonner le Parti socialiste dans des fiefs historiques comme Esch-sur-Alzette, où rien ne dit que les socialistes seront encore dans la majorité demain. Les verts confirment leur percée et les libéraux se maintiennent, voire mieux.
Il y a eu des surprises hier lors de ces élections communales. Les chrétiens-sociaux tirent largement leur épingle du jeu et deviennent majoritaires dans le pays. Les socialistes y laissent des plumes.
Ils furent ministres, renvoyés sur les bancs de l’opposition à la Chambre des députés et viennent prendre leur revanche dans les communes. Hier, Octavie Modert a pris la tête à Stadbredimus et Marco Schank dans la commune d’Esch-sur-Sûre. Ils ont gagné haut la main, ce qui n’est pas rare dans les circonscriptions Nord et Est. C’est surtout le signe du grand retour du CSV dans les affaires communales sur lesquelles régnait le LSAP.
À côté de personnalités politiques telles que les anciens ministres, il y a les inconnus sur le plan national, comme un Georges Mischo qui s’offre le luxe de renverser les socialistes à Esch, ce qui est historique.
Les socialistes laissent des plumes dans ces élections au profit du CSV, c’est indéniable. «Ce soir, nous avons un parti très présent dans les communes», convient le président du CSV, Marc Spautz, également candidat heureux à Schifflange où son parti fait 10 % de mieux qu’en 2011 pour arriver à égalité avec les socialistes. «On a fait un score énorme dans toutes les communes à scrutin proportionnel et on voit que notre stratégie a bien fonctionné», déclare le président du CSV.
Avec environ 32 % des mandats, les chrétiens-sociaux passent en tête dans le pays, suivis par les socialistes qui dépassent à peine les 25 %. «Il y aura des changements dans les postes de bourgmestre», assure Marc Spautz. Mais à Rumelange, par exemple, où le LSAP a perdu sa majorité, le CSV craint de ne pas parvenir à faire équipe avec lui. «Sinon, quand j’observe ce qui se passe à Esch-sur-Alzette, on voit bien que les électeurs veulent un changement», déduit Marc Spautz en voyant s’ébranler l’édifice socialiste.
Dans le Sud, il y a eu des surprises dans les fiefs historiques du LSAP. «Le bilan est mitigé, on aurait pu faire mieux», reconnaît sobrement Claude Haagen, président du LSAP. Lui-même, à Diekirch, a perdu sa majorité absolue et devra composer avec un partenaire. «Nous avons perdu des sièges, mais nous en avons également gagné», observe Claude Haagen qui, hier soir, n’avait pas encore pris connaissance de tous les résultats.
L’exception Differdange
Marc Spautz se réjouit pour sa part des résultats obtenus à Mondercange et à Kayl. À Mondercange, dans l’ancien fief de Dan Kersch, actuel ministre de l’Intérieur, les socialistes sont malmenés et il se pourrait bien qu’une coalition CSV-DP envoie les socialistes dans l’opposition.
Le DP a réussi quelques belles performances, mais sur le plan national, il ne dépasse pas les 20 %.
«À Mondorf-les-Bains, Remich, Mersch ou encore Bertrange ou Strassen, nous avons renforcé nos rangs et même à Esch, nous avons doublé notre présence en passant de un à deux sièges», fait remarquer Corinne Cahen. La présidente du Parti démocratique estime qu’il est difficile pour elle de tirer un bilan pour l’heure, car il va falloir attendre les coalitions pour y voir plus clair.
«Je suis très satisfaite pour certaines communes, moins pour d’autres», résume-t-elle. «Mais dans l’ensemble, on ne s’en sort pas trop mal», conclut Corinne Cahen.
Reste le partenaire junior par excellence : les verts. Bon, en ce qui concerne Differdange, c’est l’exception qui confirme la règle où Roberto Traversini l’a emporté haut la main.
«Je crois que si le CSV est le grand gagnant, le parti des verts est le second gagnant de ces élections», reconnaît Christian Kmiotek, président de déi gréng et candidat à Junglinster où son parti arrive à 18,45 %, soit 6 % de mieux que les socialistes dans une localité dominée par le CSV.
Pour la troisième fois, les verts gagnent des voix dans la capitale et c’est un signe encourageant pour le président écolo. Il regrette en revanche le sort qui a été réservé à Henri Kox, député de l’Est et dorénavant ancien maire de Remich. Les verts ont perdu 2 sièges qui sont allés au DP. Hier soir, le CSV et les libéraux ont conclu une alliance laissant les verts sur les bancs de l’opposition. «C’est le résultat d’une campagne exécrable où certains ont beaucoup appris de Trump!», dénonce Christian Kmiotek.
En revanche, à Clervaux, où les verts présentaient pour la première fois une liste, le score de 15,6 % qu’ils obtiennent satisfait grandement le président écolo.
Les choses sérieuses ont débuté dès hier soir avec les discussions entre partis pour composer les coalitions. Ces partenariats peuvent d’ailleurs intervenir également dans des communes où un parti sort majoritaire. C’est le cas de Mondorf-les-Bains par exemple où Lex Delles, le député-maire, a réussi l’exploit de conduire sa liste vers la majorité absolue. La coalition qu’il dirigeait avec l’écolo Steve Schleck pourrait bien être reconduite.
En tout état de cause, les partis ne vont pas se mêler des alliances dans les communes. Ce sont les sections locales qui ont toute la liberté de mener les discussions, tous les partis le répètent.
Mais tout se joue précisément dans ces coalitions et le parti le plus fort n’est pas forcément celui qui va régner sur la commune. Depuis la coalition gouvernementale tricolore, tout est possible. Mais les politiques savent aussi que les électeurs n’apprécient pas ce jeu des alliances qui ne reflètent pas toujours la réalité des urnes.
Le CSV rassuré
Faut-il s’attendre à des règlements de comptes? Certainement, même si les politiques répètent inlassablement que les choses sont différentes sur le plan local.
Les regards seront tournés vers Esch, la deuxième ville du pays. Les verts y joueront le rôle d’arbitre. Dans la capitale, la même coalition DP-verts sera reconduite. Viviane Loschetter, qui ne se représentait plus à cette élection, a déclaré d’ailleurs sur le plateau de RTL Télé Luxembourg, hier soir, que son parti avait réussi la prouesse d’atteindre près de 20 % des suffrages en ne présentant aucun député sur sa liste. C’est donc bien la politique menée par les écolos qui paie.
D’une manière générale, ces élections ont surtout servi à rassurer le CSV. Il devient le parti le plus fort du pays sur le plan communal et c’est ce qu’il attendait à un an des élections législatives. Marc Spautz a beau répéter que les deux scrutins n’ont rien à voir, il faut tout de même reconnaître que certains bourgmestres ont été déboulonnés par les chrétiens-sociaux, et notamment dans le Sud. Encore une fois, ce sont les socialistes qui y laissent des plumes même s’ils parviennent encore à obtenir de bons scores, ils perdent leur majorité absolue dans plusieurs communes et devront composer avec les ennemis d’hier s’ils veulent conserver le pouvoir.
La nuit a dû être courte pour de nombreux élus entrés en négociations dès les résultats connus.
Geneviève Montaigu