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Données… c’est donner ?

Un réseau social est un endroit où l’on partage des informations personnelles, n’est-ce pas? Autrement dit, un endroit où l’on rend «publiques» des données «privées». Volontairement.

Aussi, ceux qui vous sermonnent sur les dangers des Facebook, Snapchat et Instagram, n’auraient rien compris au principe de ces réseaux. Puisqu’on dit que les gens publient volontairement! C’est pour cela que ces moralisateurs se font souvent clouer le bec par l’imparable «de toute façon, je n’ai rien à cacher». Enfin, imparable… Parfois, on devrait écouter un peu les empêcheurs de socialiser en 2.0. Comme lorsqu’en 2014, des chercheurs de l’université de Cambridge ont démontré que les «like» sur Facebook en disaient plus, beaucoup plus, qu’un simple «j’aime» sur l’utilisateur. Selon leur étude, une dizaine de like permettraient déjà à Facebook de mieux connaître une personne que ses collègues de bureau; 70 like, que ses amis; 150, que ses parents; et 300, que son conjoint…

Que vos proches connaissent vos goûts politiques, vos enfants, vos hobbies et votre tempérament, passe encore. Mais si ces données personnelles tombent dans des mains cupides, n’a-t-on toujours rien à cacher? Car leur exploitation est devenue le nouveau far west dans lequel sévissent des chercheurs d’or comme Cambridge Analytica. Cette société a fait parler d’elle lors des dernières élections américaines, lorsque l’équipe de Trump a fait appel à ses services pour cibler au mieux les électeurs. L’idée a été de réduire chaque internaute à un profil type grâce à l’exploitation de ses données personnelles, pour mieux ajuster la propagande politique sur Facebook. Cela s’appelle du microciblage. Une pratique invasive appelée à se généraliser.

Notre soif de réseaux sociaux n’a pourtant rien de mal en soi : ces outils sont bénéfiques à bien des égards. Mais ils sont aussi, par nature, pervertis car gratuits. Or, un dicton moderne dit : «Quand c’est gratuit, c’est vous le produit». Le produit, ce sont nos idées, nos choix, nos vies. Ces données sont comme une devise, mais qui n’aurait, hélas, encore aucune valeur à nos yeux. Jusqu’au jour où cette dépossession nous coûtera cher.

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)