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Vente d’un bâtiment à Metz : l’embarrassante relation du maire via une société luxembourgeoise


Le maire de Metz, Dominique Gros. (Photo : RL)

Quelles relations le maire de Metz entretient-il avec le principal candidat au rachat de l’ensemble immobilier municipal de la place de la Comédie dont la mise en vente a été révélée par Le Républicain lorrain la semaine dernière ?

« Il n’y a pas de sujet… » Fin de non-recevoir du maire socialiste de Metz. Mardi, Dominique Gros n’a pas souhaité s’expliquer sur les relations qu’il entretient avec André Heintz, PDG des Transports Heintz et actionnaire à ses côtés d‘une entreprise luxembourgeoise dirigée par son propre fils, Théophile Gros.

En affaires avec son fils

Ancien responsable d’un magasin Décathlon, ce dernier a fondé une société à responsabilité limitée inscrite le 21 avril 2016 au registre du commerce du Luxembourg sous le nom Ellipsys Mosaïc. Son activité : le traitement de données internet.

Parmi les associés à avoir investi dans cette entreprise, figurent Dominique Gros, la société civile immobilière « HAND », dont le gérant est André Heintz, la société par actions simplifiées de droit français Facilities management service investment, présidée par Malik Belhamici, par ailleurs président d’URM, gestionnaire du réseau de distribution d’électricité de la région messine et filiale d’UEM, le producteur d’énergie détenu majoritairement par la Ville de Metz. Dans le montage, les trois associés sont actionnaires à parts égales d’Ellipsys Mosaïc.

Actionnaire et associé

Ce qui signifie, en clair, que le maire de Metz est engagé à titre personnel dans une société luxembourgeoise avec l’un des plus ardents candidats au rachat de l’immeuble de 2 900 m² de la place de la Comédie à Metz.

Gérée en direct par le cabinet du maire, cette cession d’envergure à « visées économiques », selon l’appel à projet lancé le 21 mai par l’agence économique Metz-Métropole développement, semble intéresser fortement André Heintz, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations.

C’est ce que nous avait laissé entendre le directeur général de la branche « immobilier » du groupe Heintz, Christophe Thiriet : « Nous ne sommes pas les seuls. Il s’agit d’un appel à projet pour un projet économique. On y répond. On est actif. C’est tout ce que l’on peut dire pour l’instant. »

Une approche entamée il y a un an

Heintz immobilier est présent sur cette opération depuis près d’un an, puisque certains de ses émissaires auraient pris contact dès juin 2016, avec le propriétaire du restaurant El Theatris qui loue une partie du rez-de-chaussée du bâtiment à la Ville de Metz.

C’est ce que nous avait confié la semaine dernière le restaurateur, Nicolas Rapenne : « Cette histoire dure depuis près d’un an. J’ai déjà été approché par un investisseur en particulier qui cherche à connaître mes intentions. Mais, tout cela reste assez vague pour l’instant. » Cet investisseur ? La filiale immobilière d’André Heintz, dont la proximité avec le pouvoir exécutif local interroge sur la manière dont va être conduit l’appel à projet de la place de la Comédie après le 15 juillet, date limite de dépôt des offres.

Conflit d’intérêts ?

Car Dominique Gros, qui depuis son siège de maire a la main sur ce dossier, est aussi président de Metz-Métropole développement qui s’est vu confier la gestion de l’appel à projet. Il est donc, du moins sur le papier, quelque peu juge et partie dans cette affaire. Et ce, même si son cabinet estime qu’il « n’y a aucun conflit d’intérêts », le maire n’ayant « aucun lien avec Monsieur Heintz qui est un ami de son fils ».

Et d’ajouter, pour démontrer sa « bonne foi », tout en dénonçant « l’ère du soupçon » : « Les deux hommes ne sont pas de la même génération, ils ne se côtoient pas. » Cependant, que penser si, au terme de la procédure de sélection du projet de la place de la Comédie (*), le groupe Heintz venait à être retenu ?

« Dossiers disjoints »

Réponse encore une fois du cabinet du maire : « Les deux dossiers sont disjoints. Le maire n’a aucunement l’intention d’intervenir. Tout est transparent dans cette opération, même si la cible de l’appel à projet, ce sont les entreprises. D’ailleurs, l’appel à projet était consultable sur le site de Metz-Métropole développement dès le 21 mai. Il n’a pas été dissimulé contrairement à ce qui a été insinué. La preuve, il y a eu vingt et un retraits de dossiers et cinq candidatures fermes, pour l’heure. »

N’empêche, renseignements pris, un cercle assez restreint de décideurs locaux était au courant des intentions de la municipalité. Même les conseillers municipaux de Metz, qui auraient pu être informés des desseins de la municipalité (et devraient l’être finalement lors de la séance du 6 juillet prochain), n’en ont pas été destinataires.

La semaine passée, Emmanuel Lebeau (DVD) avait été, une fois de plus, le premier à faire part de son étonnement : « Cet immeuble n’apparaît pas dans la liste de cessions des biens de la Ville qui nous a été communiquée. J’aimerais savoir pourquoi ? Un projet comme ça, on ne le passe pas en catimini. Il faut communiquer très largement si l’on veut le valoriser. Or, ici, on a l’impression, une fois de plus, qu’il n’y a pas eu de volonté de transparence. Le problème est que, quand c’est flou, on se dit qu’il y a un loup. » « Il n’y a pas de loup là-dedans », lui rétorque-t-on, aujourd’hui, en mairie. Alors, du flou, peut-être.

Thierrry Fedrigo (Le Républicain lorrain)

(*) Septembre : réunion d’un comité technique ; octobre : 2e comité technique ; novembre : comité de pilotage et notification du lauréat.