Bonne pioche pour le Luxembourg Institute of Health (LIH) : en recrutant le chercheur allemand Dirk Brenner, il dispose désormais d’une piste prometteuse pour combattre le fléau du cancer !
Dossier réalisé par Romain Van Dyck
C’est écrit noir sur blanc dans le Plan national cancer : il faut «valoriser la recherche en cancérologie réalisée au Luxembourg afin de favoriser le recrutement de chercheurs qualifiés».
Il faut croire que l’opération séduction a porté ses fruits : le chercheur allemand Dirk Brenner et son équipe viennent d’annoncer la découverte d’un «super antioxydant pour stimuler les défenses immunitaires», et lutter plus efficacement contre le fléau du XXIe siècle, le redouté cancer… Pas mal pour quelqu’un qui est arrivé au Luxembourg il y a seulement trois ans !
Originaire de Wittlich (à une trentaine de kilomètres du Luxembourg), Dirk Brenner a en effet été repéré en 2014 pour ses recherches sur l’immunologie. Il a bénéficié du programme «Attract» du Fonds national de la recherche (FNR), destiné à attirer des chercheurs qui ont «le potentiel de devenir des leaders dans leur domaine de recherche».
Et de fait, le Pr Dirk Brenner est désormais responsable adjoint «Recherche et Stratégie» du «Department of Infection and Immunity» du LIH.
Concrètement, les chercheurs se sont penchés sur une molécule au nom fleuri : glutathion. Cette molécule est déjà connue pour son rôle antioxydant qui permet l’élimination des déchets métaboliques nocifs dans le corps humain. Mais les chercheurs ont découvert que le glutathion stimule aussi le «métabolisme énergétique des lymphocytes T»… O. K., là, on est perdu !
Pour mieux comprendre, il faut savoir que ces lymphocytes sont des sortes d’arbitres du système immunitaire : ils maintiennent en place l’équilibre fragile entre protection et auto-immunité : « Notre corps doit maintenir notre système immunitaire dans une situation d’équilibre délicate », explique le Pr Brenner. « Si nos défenses internes sont hyperactives, elles se retournent contre le corps. C’est ce qui se passe dans les maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques ou l’arthrite, par exemple. Cependant, si elles sont trop faibles, les infections ne peuvent pas être contrées ou les cellules du corps peuvent proliférer sans contrôle et se développer pour former des tumeurs, ce qui peut devenir mortel. »
Or le glutathion est une molécule « essentielle pour aider les cellules T à obtenir suffisamment d’énergie pour se développer, se diviser et combattre les intrus lorsqu’ils sont en contact avec des agents pathogènes tels que des virus ».
Nouvelle génération de traitements
Cette découverte pourrait donc être un point de départ pour développer de nouvelles stratégies thérapeutiques pour cibler le cancer et les maladies auto-immunes.
« Ces résultats fascinants forment une base pour une intervention ciblée dans le métabolisme des cellules immunitaires et pour le développement d’une nouvelle génération d’immunothérapies », confirme le Pr Markus Ollert, directeur du Department of Infection and Immunity du LIH.
Pour ce qui est du cancer spécifiquement, le Pr Brenner espère trouver des nouveaux points d’attaque pour des traitements. « Il est important de savoir pourquoi les cellules immunitaires qui sont censées lutter contre les cellules cancéreuses restent en hibernation et, dans certains cas, suppriment activement une réponse immunitaire contre la tumeur. Des mesures de stimulation du métabolisme pourraient permettre aux cellules immunitaires de fonctionner de manière plus optimale et de lutter plus efficacement contre le cancer .»
Bien sûr, tout ceci est encore très théorique, et il reste beaucoup d’étapes à franchir avant la réalisation d’un traitement bien concret. Mais science rime avec patience…
Trois questions au Pr Brenner
Vos recherches viennent d’être publiées dans la prestigieuse revue Immunity. Une consécration ?
Dirk Brenner : Il s’agit d’une revue de premier ordre mondial pour la recherche primaire en immunologie, et notre article est l’un des plus populaires parmi ceux publiés dans le domaine biomédical sous la direction d’un groupe de recherche luxembourgeois. Donc oui, l’accueil a été très positif au LIH et au FNR (NDLR : Fonds national de la recherche). Nous avons également attiré l’attention des médias nationaux et internationaux et nous avons été contactés par des scientifiques du monde entier. Nous utilisons cette dynamique pour élargir nos efforts de recherche.
Les trouvailles scientifiques contre le cancer se multiplient. Sommes-nous à la croisée des chemins ?
Pour des maladies comme le cancer, la recherche est cruciale. Mais cela demande beaucoup de temps et d’argent avant que les patients ne puissent en bénéficier. Par exemple, l’existence de checkpoints immunitaires (NDLR : face à un cancer, les cellules du système immunitaire peuvent être freinées par ces points de contrôle pour éviter que ce système ne s’emballe et ne s’attaque aux cellules normales de l’organisme) a été décrite au début des années 90, mais il a fallu attendre jusqu’en 2011 avant qu’une première thérapie révolutionnaire basée sur ces résultats ne soit approuvée !
Le Luxembourg a-t-il les moyens de ses ambitions en matière de recherche contre le cancer ?
Il y a eu un changement majeur au Luxembourg ces dernières années. Avec son positionnement stratégique visant à se concentrer sur la recherche et à associer les activités des différents instituts de recherche, oui, le Luxembourg est déjà sur le point de devenir un acteur majeur de la recherche biomédicale dans plusieurs domaines, notamment pour les recherches sur le rôle du système immunitaire sur la santé et les maladies.
Bonjour, soyons prudent, les cellules cancéreuses utilisent aussi le glutathion pour diminuer l excès de radicaux libres qui peuvent les détruire ou empêcher leur migration.l enzyme gamma glutamyl transferase intervenant dans la dégradation du glutathion extracellulaire en glutamine et cysteine qui pénètrent à leur tour dans la cellule pour élaborer le glutathion intra cellulaire est très souvent sur exprimée dans les cellules cancéreuses. A méditer.